Vitraux de Notre-Dame : 4 millions d’euros, le prix d’un caprice

On attend maintenant que l’association Sites & Monuments, qui se disait prête à un combat judiciaire, lance l’offensive.
Un des vitraux menacés, de Viollet-le-Duc. © Michel Hérold / Centre André Chastel (CNRS, Ministère de la Culture, Sorbonne Université), 2021
Un des vitraux menacés, de Viollet-le-Duc. © Michel Hérold / Centre André Chastel (CNRS, Ministère de la Culture, Sorbonne Université), 2021

Le remplacement des vitraux de Viollet-le-Duc par des vitraux contemporains à Notre-Dame de Paris aura un coût et, vu le secret ménagé autour de l’addition par l’Élysée, le ministère de la Culture et le diocèse, ce coût relèverait-il du honteux ? En octobre, Le Monde parlait d’une enveloppe de 3 millions d’euros. La Tribune de l’Art, de 4 millions, en se fiant à « une source bien informée du ministère de la Culture ». Aujourd’hui, tout le monde est d'accord sur le chiffre de 4 millions, que les autorités n'ont pas infirmé.

Montage obscur

Autour de cette somme, le montage demeure obscur. Stéphane Bern, qu’a interrogé Ouest-France, pense que ces 4 millions seront prélevés sur la manne offerte à la cathédrale par les donateurs après l’incendie. Il le regrette, car il reste encore des restaurations à faire (pinacles, arcs-boutants) : « L’argent serait mieux utilisé ainsi que dans des vitraux contemporains à la place de ceux de Viollet-Le-Duc. » Didier Rykner (La Tribune de l’Art) imagine le schéma usuel : création des nouveaux vitraux financés par le budget de la « création artistique » ; dépose et conservation des anciens vitraux payées par le budget des monuments historiques - « le ministère de la Culture financera entièrement cette lamentable opération », et ce, en plein contexte de restrictions budgétaires.

Pourquoi dissimuler au public, avec autant de soin que de gêne, le coût et le montage financier ? Parce qu’Emmanuel Macron, tout fier est-il de son « geste contemporain », piétine allègrement droit et conseil. Son « geste » va contre l’avis de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture. Il va tout simplement… contre la loi. « On ne peut pas enlever des vitraux classés monument historique », explique Stéphane Bern. Et de donner cet exemple : « Sinon, je vais faire la même chose pour mon musée. Soyez sûr que la Direction régionale des affaires culturelles me mettrait une amende. »

Droit moral bafoué

Autre aspect du dossier dont Macron n’a pas à se glorifier : le droit moral, ou droit d’auteur. Si on bazarde les vitraux dessinés par Viollet-le-Duc pour les chapelles latérales sud de Notre-Dame de Paris, les artistes et les plasticiens de tout poil (de pinceau) pourront légitimement s’inquiéter du précédent créé. En 2018, Daniel Buren avait demandé le retrait d’une œuvre de street art [art urbain, NDLR], exposée au Palais-Royal, pour « atteintes à l’intégrité » de ses colonnes à rayures, qui s’en trouvaient « dénaturées ». Le ministère de la Culture avait aussitôt retiré l’œuvre blessant la vue de M. Buren : « Nous sommes le ministère de la propriété intellectuelle et artistique, donc du droit moral des auteurs et [des] créateurs [...] il y a une question d’exemplarité. »

Les Tartuffe! C’est le même Buren qui a concouru pour remplacer les vitraux de Viollet-le-Duc, lequel n’a personne pour défendre sa création, et surtout pas le ministère de la Culture, qui organise ce remplacement au mépris de sa mission. L’artiste retenue, la peintre Claire Tabouret, a expliqué de son côté que son projet, retenu, intégrera des motifs des vitraux en place, « en hommage à Viollet-le-Duc ». Est-ce bien assez Tartuffe, aussi, cet « hommage » à l’artiste expulsé…

Vous avez dit État de droit ?

Déplorant « des querelles d’un autre âge » autour de cette question des vitraux, Rachida Dati a été renvoyée dans les cordes par Didier Rykner : « Les modernes, ce sont ceux qui protègent le patrimoine (et respectent la loi). Les anciens sont ceux qui pensent qu’on peut vandaliser le patrimoine pour y mettre sa marque. » On attend, maintenant, que l’association Sites & Monuments, qui se disait prête à un combat judiciaire, lance l’offensive. « Pourquoi l’État s’affranchit-il des règles qu’il impose aux autres ? s’indigne Stéphane Bern. Juste parce que le Président le veut ? » Contre un caprice à 4 millions d’euros, il est temps de rétablir le fameux État de droit.

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Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

124 commentaires

  1. Il a imposé son discours dans la cathédrale au motif qu’il y avait trop de vent à l’extérieur , à présent il impose les vitraux merdiques, cela me répugne !

  2. Macron détruit tout ce qu’il touche. je souhaite que l’on remette les vitraux de Viollet-le-Duc après son départ.

    • Pas d’accord pour les enlever puis les remettre ensuite. Énorme gaspi. Il faut batailler pour obliger Macron à respecter la loi, le patrimoine et les Français, et laisser en place les vitraux de Viollet-le-Duc. Point barre…

      • Ce patrimoine appartient aux français, à tous les français. Aucun prétendant, tout président soit il, ne peut s’arroger le droit d’en disposer à sa guise.
        « Sites et Monuments » doit être soutenu dans sa démarche d’opposition face à la folie de l’ado capricieux

    • Il ne faut surtout pas accepter les caprices du locataire de l’Elysée. Nous en avons supporté suffisamment depuis sa prise de fonction. Bien qu’il ait réussi à soudoyer l’archevêque, ce dernier doit être à l’image du pape gôchiste argentin, bien catalogué dans son Pays.

  3. Vous pensez sincèrement ce que vous dites Mme Rachida Dati ou est-ce pour protéger votre gamelle que vous donnez raison à Macron ? Il était normal et nécessaire que NOTRE-DAME de Paris ait été restaurée mais les VITRAUX n’ont pas été détériorés par l’incendie donc il serait plus qu’anormal d’y toucher. Non seulement cela serait inutilement coûteux mais cela serait un sacrilège.

  4. Quand on aime on ne compte pas surtout quand cela ne sort pas de sa poche, 4 millions de plus ou de moins dans les caisses d’un état quasi ruiné, après tout…

  5. Stéphane BERN a raison, il ne doit pas toucher aux VITROUX s’ils n’ont pas été détériorés par l’incendie, il n’y a aucune raison de les remplacer, ça serait un sacrilège et gaspiller de l’argent comme à son habitude. S’il veut faire une action d’envergure, qu’il remette cet argent au Comte de CHABANNES pour la restauration de son Château qui date du XIIe siècle et qui est également une perle de notre patrimoine. Ce n’est pas parce qu’il est Chef d’Etat qu’il a tous les droits ! Le Pape François et l’Archevêque de NOTRE-DAME de Paris doivent absolument l’en empêcher.

      • n’oublié pas que si le Saint Père nomme un évêque , « le gouvernement français est prévenu et quelques semaines lui sont laissées pour faire valoir d’éventuelles objections. Durant tout ce délai, la discrétion est maintenue. »

  6. le déficit de l’état est abyssale et le président par vanité dépense sans compter les derniers des français.
    Stop à cette gabegie, ce sont les plus pauvres qui en subissent les conséquences. Quand on n’a rien il est difficile de dépenser moins , quand on a un peu on peut se priver, quand on vit dans l’aisance on peut se constituer un patrimoine.
    La TVA principale ressource de l’état est payé par tous.

  7. Je trouve tout cela écoeurant lorsque nos églises de France sont en décrépitude tout cela pour satisfaire des égos et faire valser de l’argent lorsque nous sommes en crise économique.

    • Eglises en décrépitude et clergé également. Le caprice du président n’arrange rien !
      Lorsque cet archevêque, à la botte du locataire de l’Elysée, valide, contre toute logique, les nouveaux vitraux, on comprend mieux pourquoi les Français délaissent la religion.

  8. incroyable ! Ce qu’il n’a pas réussi avec la flèche de Viollet Le Duc il le tente avec les vitraux, une pétition s’impose au moment où il n’y a pas d’argent dans les caisses de l’Etat.

  9. TOUT le monde sait qu’il fracasse tout ce qu’il « côtoie » ! … Alors qu’attendent les « élus du peuple » pour le destituer ? ! …
    Un coupable et plein de responsables qu’il va falloir nettoyer avec le karcher démocratique ! … Est ce que ce sera suffisant ? …

  10. Bravo et merci à M. Martin, il écrit ce que pensent des milliers de Français : nous avons donné pour reconstruire, pas pour déconstruire…

    • Si c’est hors la loi,pourquoi ne pas poursuivre les fautifs dont le gourou…Le parquet de Paris peut s’en saisir..a un moment où nos églises sont massacres,nos crèches interdites on dirait bien que l’irrespect est de rigueur..

  11. Notre Dame appartient aux français et les généreux donateurs refusent que Macron sabote ce monument si cher à leur coeur . Les dons ont été fait pour sauver cette oeuvre pas pour la massacrer .

  12. Dommage d’être obligé de démonter les macrovitraux après son règne en 2027 pour remettre en place ceux qui relèvent de droit à Notre Dame. Il n’a rien compris à la vie, déclaration qui est de lui!
    « Maître Baudet, ôtez-vous de l’esprit Une vanité si folle. Ce n’est pas vous, c’est l’idole, A qui cet honneur se rend, Et que la gloire en est due. D’un magistrat ignorant C’est la robe qu’on salue ». LA FONTAINE(L’âne portant des reliques).

  13. Après avoir saccagé le pays, il veut laisser une trace dans l’histoire. Je contribuerai, d’ici quelques années, à la remise en place des vitraux remplacés par la volonté d’un prince qui est loin d’en valoir un.

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