Une réforme bornée

Le nouveau projet de réforme des retraites, enfin présenté par Élisabeth Borne, voudrait se placer sous le signe de la justice, de l’équilibre et du progrès. On en est loin.
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Le nouveau projet de réforme des retraites, enfin présenté par Élisabeth Borne, voudrait se placer sous le signe de la justice, de l’équilibre et du progrès. On en est loin.

La présentation de la nouvelle réforme des retraites par le gouvernement commence par une bourde. À en croire le ministre du Travail, Olivier Dussopt, elle a pour but de sauver le système par répartition, « l’un des héritages les plus précieux de l’après-guerre ». Le ministre doit être mal renseigné, puisque la répartition a été instaurée par le gouvernement de Vichy !

C’est, hélas, la moins grave des contre-vérités contenues dans le projet gouvernemental. Le Premier ministre, Élisabeth Borne, affirme que sa réforme assurera l’équilibre du système à l’horizon 2030, préoccupation louable puisque les retraites constituent le premier poste de dépenses de l’État (332 milliards d’euros en 2020, soit 14,4 % du produit intérieur brut). Mais la principale mesure d’économie annoncée par le gouvernement, à savoir le recul à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite, n’ajoutera pas grand-chose à la réforme réalisée par Marisol Touraine, en 2014, qui a prévu d’allonger progressivement jusqu’à 43 ans la durée de cotisation pour obtenir une retraite à taux plein. Quand Élisabeth Borne prétend que sa réforme va « assurer l’avenir de nos retraites », elle nous joue donc un air de pipeau. Le bol d’oxygène apporté au financement des retraites sera inférieur à celui qui a suivi la réforme Woerth en 2010 (recul de l’âge de départ à 62 ans)… qui n’a pourtant pas empêché que l’on doive de nouveau réformer aujourd’hui. Rien de décisif n’est accompli.

Le chef du gouvernement allègue aussi son souci d’« un système plus juste » et affiche l’ambition de fermer « la plupart des régimes spéciaux ». C’est une supercherie. L’État joue sur les mots en feignant de ne considérer comme des « régimes spéciaux » que ceux des entreprises publiques, partie émergée de l’iceberg, à l’exclusion de ceux de la fonction publique… qui sont pourtant les principaux. Ces régimes spéciaux du secteur public sont structurellement déficitaires – à hauteur de 30 milliards d’euros par an, selon une évaluation publiée au printemps dernier par un collectif de hauts fonctionnaires dans la revue Commentaire (sous le pseudonyme de Sophie Bouverin). Ces derniers y soulignaient que le déficit « n’est pas calculé pour les deux caisses principales des fonctionnaires, dont le besoin de financement reste, de ce fait, enfoui dans les comptes de l’État, de ses établissements, des collectivités locales et des hôpitaux ». De facto, il n’existe même pas de caisse de retraite des fonctionnaires de l’État. Or, la réforme ne prévoit rien pour remédier à cette opacité ni pour réformer réellement ces régimes spéciaux de la fonction publique.

Il y aurait beaucoup à dire, également, des modalités de la fermeture de ceux des entreprises publiques, qu’Élisabeth Borne se targue d’avoir réalisé, sur le modèle testé à la SNCF : la « clause du grand-père » y préserve tous les avantages des agents embauchés avant 2020 et le régime spécial devenu caisse de branche continue de gérer même les nouveaux recrutés.

La nouvelle réforme n’a donc aucune chance de remédier à la principale injustice, que résument les projections réalisées en juin 2021 par le Conseil d’orientation des retraites (COR) : « Par rapport aux générations qui partent actuellement à la retraite […] les générations plus jeunes seraient pénalisées par des taux de cotisation plus élevés et un montant moyen de pension plus faible relativement au revenu d’activité moyen », indique cet organisme de pilotage au service du Premier ministre.  Autrement dit, les futurs retraités appartenant aux générations montantes partiront plus tard, avec des pensions moins généreuses, après avoir cotisé davantage (les rendements des régimes des salariés du privé baissent depuis les années 1990). En outre, ils devront supporter le poids des engagements de l’État, ou « dette-retraite », estimée à 10.000 milliards d’euros, celui de la dette publique (3.000 milliards d’euros) et le financement de la grande dépendance des aînés. Qui a parlé de justice ?

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Éric Letty
Journaliste

Vos commentaires

47 commentaires

  1. Opposer le privé au public est non pertinent , la plus grande inégalité est dans le secteur privé, entre les salariés des grandes entreprises qui cumulent tous les avantages (carrière, salaires , mutuelle , prime de départ à la retraite , actions de l’entreprise , licenciements avantageux) et ceux des petites entreprises.

  2. Les fonctionnaires ont leur retraite calculée sur la base de 75 % du dernier point d’indice , les primes sont exclues et elle représentent pour certaines administrations 50 % du revenu mensuel, ce qui veut dire qu’un fonctionnaire qui part à la retraite a ses revenus divisés par deux.
    Ensuite un fonctionnaire part à la retraite sans prime de départ, il n’a pas non plus d’actions de son entreprise , il ne bénéficie pas d’un « contrat groupe » pour sa complémentaire santé.
    Enfin ce sont les cadres du privé qui ont demandé le calcul de leur retraite sur les 26 meilleures années , leur dernier salaire pouvant etre inférieur à leur salaire antérieur.

    • « Les fonctionnaires ont leur retraite calculée sur la base de 75 % du dernier point d’indice »
      Même sans prime, n’oublions pas qu’il faut un minimum de 15 ans en tant que titulaire, alors que (je l’ai vu pour mon conjoint), il a fallu un certain temps (je dirais même un temps certain) avant que, contractuel (diplômeé, hein, pas embauché après un job dating), il puisse passer le concours!

  3. Une réforme somme toute qui au vu de notre démographie pouvait se comprendre , mais en y regardant de plus près et écoutant les divers intervenants il est à noter que des incohérences flagrantes subsistent , les annuités pour les personnes ayant commencé tôt plus élevées que les 43 prescrites , le maintien des régimes spéciaux (la plus grande des injustice puisqu’on en reparlera dans 43 ans ), et tant d’autres inégalités : les travaux considérés comme pénibles nombre d’entre eux sont totalement passés aux oubliettes. Et puis lorsqu’on entend certains pointer du doigt les « nantis retraités » qui eux ne sont pas mis à contribution !!! à tous ceux qui avancent de telles inepties nous avons durant nos vies professionnelles contribué à cotiser pour la génération précédente , nous n’allons pas être encore pris en sandwich , d’ailleurs dans d’autres domaines nous participons à payer les mutuelles santé des actifs par une augmentation de notre CSG (8.3% de notre pension) alors que pour les actifs ce sont les entreprises qui prennent en partie ou en totalité leurs cotisations. Rappel pour mémoire près de 500 000 retraités dans diverses associations, et autres organismes de soutien et ce à titre bénévole.

  4. Mensonges ,bla-bla-bla et traquenards voilà la macronie …beaux résultats …mais bornée va utiliser le 49 .3 ….

  5. Et encore une fois les syndicats rouges vont replonger la France dans la paralysie totale !!!

    Avions nous besoin de cela dans ces moments si difficiles ? Mais bon en France ce sont toujours les minorités qui impose leur loi !

  6. Il aurait mieux valu pour vous et pour les caisses de retraite  » cotiser » plus jeune, plutôt que faire des études qui ont mené à tenir ce genre de propos !

  7. Pas fous, les fonctionnaires profitent de la capitalisation avec PREFON, qui est beaucoup plus généreuse que la répartition, il serait temps d’en venir à la capitalisation pour tous.

  8. Avec le principe de la répartition, les jeunes actifs doivent fatalement travailler davantage s’ils sont en proportion de moins en moins nombreux que les vieux retraités. C’est peut être injuste, mais à moins de changer de principe, c’ est la vie. Le système ira peut être mieux quand une bonne épidémie ou un bien mauvais vaccin auront décimé les plus vieux.

  9. Toujours les mêmes que l’on vole .Retraites des fonctionnaires des élus des ex élus on touche pas , retraites sans contrôle à des centenaires on touche pas .Prenons un étudiant qui va jusqu’à bac + 5 ou 6 il finira ses années de cotisations en déambulateur . Aujourd’hui un salarié qui a plus de trimestres que nécéssaire mais n’a pas l’âge pour partir à la retraite cotise quand même mais n’aura rien de plus par contre celui qui n’a pas la totalité de ses trimestres ,souvent des femmes qui ont élevés leurs enfants alors là ils savent en enlever . Donc on commence par remanier les retraites de tous ces nantis et on oublie un peu le français moyen .

  10. Bien entendu ils mentent. Des gens se précipitent pour racheter des trimestres. A l’avenir et pour faire simple seule la capitalisation est valable. Le système par répartition et son sauvetage dans un pays sans croissance et sans avenir ne servira qu’à payer une pension aux étrangers, aux fainéants et aux incapables. Ici, son existence pénalisera les gens qui travaillent dur, les courageux, ceux qui mouillent la chemise. Ils continueront néanmoins bien qu’ils cotisent auprès du privé a être impactés sur leur bulletin de salaire. En gros partir à 64 ou 65 ans après avoir entretenu les fainéants. Vive la France ! Ce sont ceux qui bossent dur dans le privé et qui le 19 devraient débuter une grève longue.

    • C’est du café du commerce. Quand à la capitalisation, demandez aux anciens qui ont capitalisé avant guerre, aux retraités Américains qui ne perçoivent plus de retraite.

  11. Ca y est, les médias ne parlent que de ça : les retraites. Tout le monde y va de son couplet. Ça occupe les ondes et ça fait de l’audimat. Nous avons déjà connu ça en 2020, on ne parlait que de virus et de morts. Nous savons désormais ce qu’il fallait en penser et comblen de mensonges.. par omission commis. Pendant la glose » Retraite », l’inflation galope, la pauvreté s’amplifie, la surmortalité s’accroît. Qui en parle ? Le discours fallacieux sur la retraite sert de paravent vis à vis des sujets qui préoccupent les français. Les syndicats qui ont permis la casse du code du travail et la suspension de milliers de travailleurs, désormais sans revenus, vont partir en grève. La CGT dit bloquer les raffineries.. comme si nous n’étions déjà pas en peine avec l’énergie.. La France va mal et ce brouhaha autour des retraites va l’enfoncer un peu plus. C’est peut-être ce que veulent certains qui œuvrent à démolir la France.
    Tout cela pour obéir à un diktat de l’UE… et indirectement faire plaisir à Black Rock.

    • Parfait. Les syndicats sont financés par l’état. C’est un remake des années passées, grève massive, puis reprise miraculeuse en attendant c’est passé.

  12. Non, la pension de retraite n’est ni une aide sociale, ni une aumône ruineuse au détriment de ceux qui travaillent, mais le juste retour de cotisations à « l’assurance retraite »
    Elle est calculée en fonction du montant de la cotisation à la caisse primaire et du nombre de points accumulés durant sa carrière à la complémentaire.
    Si l’argent ainsi collecté obligatoirement a été mal géré et a disparu, ce n’est pas la faute des assurés.

  13. Le simulateur de la fonction publique, très bien fait sur le site ENSAP, intègre (déjà) les départs à 70 ans. Il montre les décotes particulièrement injustes et, sur toutes les sommes à tous âges de départ, montre le montant des retraites (brutes et nettes) perçues. Mais – MAIS – si vous y intégrez le montant de l’inflation, disons gentiment 4% annuels, en l’absence de toute révision définie, vous verrez que quel que soit votre âge de départ vous serez ramené non loin du minimum à 1200 euros mensuels. Ces 1200 sont discrètement en train de devenir pour beaucoup un maximum.
    Ainsi, l’on comprend, avec l’article ci-dessus fort bien fait, que la réforme des retraites n’est pas faite pour vous augmenter, ce dont on se serait bien douté. Outre le fait que l’on donnera des minimum retraite à des gens n’ayant jamais cotisé en prenant forcément aux futurs cotisants, il en ressort que nos enfants seront des retraités pauvres; voilà tout simplement ce qu’on nous fabrique aujourd’hui. Cette réforme est à combattre.

    • Bien plus encore lorsque l’on constate que les « anciens » qui sont présents sur le sol françaiis et ayant « bénéficier » du rapprochement familial touchent un « minimum vieillesse SANS jamais avoir cotiser quoi que ce soit ! …
      Il est temps de se débarrasser de ces coucous politicards qui fracassent la nation FRANCE ! …

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