[UNE PROF EN FRANCE] Mais que font donc les profs ?

Lors d’une réunion avec l’inspectrice venue nous convaincre du bien-fondé de l’inepte réforme instaurant des pseudo-groupes de niveau en 6e et en 5e, cette brave dame nous avait annoncé qu’il y aurait une sorte d’audit de performance des enseignants et que nous serions comptables de nos résultats, à travers l’évaluation des progrès des élèves. Tollé auprès de mes collègues. Et plutôt à juste titre, car finalement, le seul critère d’évaluation retenu par l’inspection était le fait que les élèves changent de groupe de façon ascendante, avec une attente formulée qui était que nous arrivassions à les hisser tous au même niveau, ce qui est aberrant vu que cela signifierait qu’on arrive à faire avancer ceux du groupe le plus faible deux ou trois fois plus vite que ceux du groupe dit « fort », alors même que s’ils étaient capables d’avancer trois fois plus vite que les autres, ces mêmes élèves ne seraient pas dans le groupe le plus faible… On voit l’absurdité du système.
J’ai vu des collègues faire des dingueries
Mais tout cela a comme vertu de remettre sur la table la question de l’évaluation des professeurs, qui est à ce jour inexistante.
Et pourtant, il y aurait matière à y réfléchir. Par mes enfants, par ma présence en salle des professeurs, par mon expérience dans l’enseignement qui m’a fait côtoyer des centaines d’élèves d’horizons différents, j’ai vu des collègues faire des dingueries. À proprement parler. Malgré mon grand âge, je peux encore parfois être sidérée par ce que j’apprends et je ne cesse de me demander comment certains collègues peuvent faire de telles choses, absolument aberrantes sur le plan pédagogique, sans se poser de question et en ayant bonne conscience. Mais je me demande aussi comment il est possible que de telles choses aient lieu sans qu’aucune instance régulatrice n’intervienne.
Le professeur de français d’une de mes filles, élève en classe de première, fait des choses étonnantes. Rien de scandaleux ni de croustillant, mais rien de vraiment utile ni qui forme correctement les élèves. En tant que parents délégués, nous avons soulevé le problème en conseil de classe, mais cela ne changera rien. Cela a juste « perturbé et ému » le professeur, femme fragile qui a mis dix jours à se remettre des quelques remarques ultra mesurées et policées que nous avons tentées en conseil, sachant parfaitement que ce serait inutile mais tenant juste à émettre un certain nombre de réserves. Cette femme considère que son travail consiste à fournir aux élèves des explications de textes entièrement rédigées, en polycopié, qu’ils devront apprendre par cœur pour le bac. Comme elle croit en la puissance de son génie, elle met un point d’honneur à produire elle-même ses contenus, alors qu’il existe 2.000 explications tout à fait correctes en librairie ou sur Internet de tous les poèmes de Rimbaud ou de tous les extraits pertinents de Gargantua, et que ce n’est absolument pas ce que l’on attend d’un professeur, le lycée n’étant pas l’antichambre d’une maison d’édition parascolaire. On attend d’un professeur qu’il apprenne aux élèves à faire les choses par eux-mêmes. Rien de très original à cela, rien de bien compliqué non plus à comprendre. C’est plus délicat à mettre en œuvre, et c’est l’art difficile de la pédagogie. On réussit donc plus ou moins bien, mais si on ne se fixe pas cet objectif, notre présence même devant les élèves perd son sens.
Des jeunes, reflet et dégât collatéral d'une société adulte elle-même perdue
Je vois tous les jours des collègues donner des programmes de révision aux élèves et les interroger sur autre chose, préparer des contrôles sur des choses qui n’ont pas été vues en classe, noter des copies de façon anarchique et aléatoire… Tout cela sape le peu de confiance que les élèves peuvent avoir dans les adultes qui les entourent. Or, nous sommes l'interface première entre le monde des adolescents et la société adulte, avec leurs parents qui sont eux aussi malheureusement souvent tout aussi peu fiables. Ce n’est guère engageant pour les jeunes. Cela leur donne l’image d’un monde adulte incohérent, dont les règles sont sans cesse transgressées par ceux-là mêmes qui les édictent, dans lequel personne ne se coordonne ni ne communique, où malgré de grands discours, tout est régi par la loi de l’immédiateté et du caprice, et donc où rien n’a réellement de sens.
On parle souvent de jeunesse perdue, d’adolescents déboussolés. Il me semble que ces jeunes ne sont que le reflet, le dégât collatéral d’une société adulte elle-même perdue, sans colonne vertébrale, sans cadre intellectuel et théorique réel et sans cohérence. On demande aux jeunes de l’humilité, mais combien d’enseignants se remettent vraiment en question ? On demande aux jeunes d’être malléables et d’apprendre sans cesse, mais combien d’enseignants se forment ? On demande aux jeunes de se respecter, mais combien d’enseignants arrivent à dépasser les conflits et à communiquer sereinement, sans affect déplacé, au sein de leur équipe et de leur structure ?
Enfin, en conclusion, on récolte ce qu’on sème et les enseignants qui se plaignent tant en salle des professeurs seraient bien inspirés de porter un regard critique juste et dépassionné sur leurs propres pratiques, et de réformer avec humilité et simplicité ce qui doit impérativement l’être. Vœu pieux de début d’année 2025…
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50 commentaires
Virginie, il sort par la porte, rentre par la fenêtre, joue au funambule. Ne dit-on pas « un risque par jour » ? Engageons-nous.
La règle veut que vous ne rebondissiez jamais sur nos textes. Logique. Parmi vos élèves, vos lecteurs, en fonction de votre formation qui vous conduit à plus ou moins apprécier les textes qui vous sont soumis, vous êtes certainement appelée à vous dire « Hors sujet ». Effectivement et je suis de ces mauvais élèves, je constate que dans bien des cas je suis hors sujet ou pour le moins, à la limite.
Pour quelles raisons aborder ce sujet vous demanderez vous ? Quelles motivations ?
La richesse de vos textes suscite, pratiquement à chaque phrase, une réflexion. Cette réflexion non jugulée nous conduit vers d’autres univers. Des univers qu’il nous semble essentiel d’évoquer. Ainsi, nous tombons dans le « hors sujet ».
Je n’ai toujours pas traité « quelle motivation à cet exercice de funambulisme ? »
Elle est simple. Sans prétention, tenter d’aider ces élèves qui paraissent hors sujet.
Interrogeons-nous. Pour quelles raisons cet élève s’est-il embarqué dans cette voie totalement déconnectée du sujet, de la question posée ? Il est jeune, sain d’esprit, quelles forces l’ont conduit à s’échapper en toute conscience du risque encouru, la mauvaise note ? Toute conscience peut-être pas car il n’est pas suicidaire. Mais son sujet, celui qu’il évoque, lui a semblé plus important que tout le reste. Il s’est exprimé par nature, en toute spontanéité. Des vacances en mémoire ? Des difficultés familiales ? Des péripéties singulières ? Une découverte possible pour l’enseignant sans pour autant jouer aux inquisiteurs.
Avant toute notation, ne serait-il pas enrichissant, pour l’élève et la classe entière, d’interroger l’élève sur le cheminement d’une pensée qui l’a conduit à ce « hors sujet » ? Quelle a été l’étincelle qui a généré ce texte ? Pour quelles raisons cette suite ? Etc. Ce qui serait susceptible d’éclairer les esprits sur ce qu’est « l’ouverture d’esprit », ses avantages et inconvénients. La note qui s’en suivrait peut se révéler plus avantageuse.
A titre expérimental ne seriez-vous pas curieuse de tester cette approche ?
Bonne journée Virginie.
De nombreux professeurs devraient dire: »Je suis wokiste LFIste déconstructeur, décompositeur ».
Ceux qui aiment la France doivent certainement se faire petits et rares, comme dans l’administration, la seule tolérance étant d’être macroniste si on est pas asservi à Mélenchon, là ça passe!
Il y a en effet bien longtemps que je sais que si le niveau des élèves d’aujourd’hui est catastrophique, je sais aussi que celui des profs (dans le public en tout cas) n’est pas bien brillant, en général (toute règle à ses exceptions, bien sûr !). J’ai passé toute ma scolarité secondaire dans un lycée public (de la 6e à la terminale, car nous n’avions pas encore de collège à l’époque) d’une banlieue dite « chic » de la région parisienne, et je peux vous dire que sur tous les profs que j’ai pu avoir (bac en 1979) seuls 2 profs d’anglais, une prof de français et un prof de maths étaient de très bon niveau, à tous points de vue. Les autres étaient soient juste passables, soient scandaleusement « tire au flan » ou nuls (ex : une prof d’allemand qui passait les 45 minutes d’un cours de 60 à nous laisser étudier seuls un texte tout en mangeant du chocolat à son bureau et regardant par la fenêtre). Conclusion : Il va falloir donner un grand coup de pied dans la fourmilière et ne rien céder aux protestations de tous ces gens, qui feraient bien d’aller passer un peu de temps dans une multinationale américaine comme je l’ai fait pendant 25 ans ; ils comprendraient peut-être que leurs revendications sont parfaitement indécentes.
Je suis une « grand-mère » de 85 ans qui aide une petite voisine de 17 ans en classe de première et je suis tombée de ma chaise lorsque j’ai lu comment était abordé l’étude des textes: je confirme ce que dit Mme Fontcanel. Je précise également que les livres ne sont plus utilisés, remplacés par les fameuses tablettes et je ne parle pas de l’enseignement de l’histoire et de la géographie. Pauvres enfants.
Chef d’établissement pendant trente cinq, je confirme que votre article témoigne d’une triste réalité. Madame merci pour vos articles lucides et remplis de bon sens. Poursuivez votre croisade, il n’est jamais trop tard.
Concernant les cours d’EPS, ne faudrait-il pas des vestiaires individuels ou compartimentés pour que les élèves puissent se mettre en tenue sportive.
Et des douches !!! On allait en cours de sport ! On transpirait ! Puis on allait directement en cours en salle de classe…
« Je vois tous les jours des collègues donner des programmes de révision aux élèves et les interroger sur autre chose, préparer des contrôles sur des choses qui n’ont pas été vues en classe » C’était déjà vrai dans les années 80, je l’ai vécu à maintes reprises…. Ce que l’on croit découvrir aujourd’hui existait déjà il y a plus de quarante ans…. Mieux vaut tard que jamais….
Au moins, avec la religion, nous était enseigné que ce n’était pas l’homme qui avait créé le monde et l’homme lui-même. Se prendre pour Dieu, conduisait à l’asile de fous, lorsque les hommes avaient conscience de leurs limites, mais notre civilisation tend à prendre les fous pour des sachants; cela fait des ravages à l’école, car de nombreux enfants voient que ce qu’on leur enseigne est faux et par des fous.
Bonjour Virginie. Croustillant, aujourd’hui. Toujours la grande forme, l’esprit vif. Un âge si grand que cela ? Toujours est-il qu’il a su garder la fraicheur de la jeunesse et de l’ouverture. Votre premier paragraphe, une belle démonstration de logique. Une logique que l’on retrouve en fil rouge dans votre message. Pas certain que tous les profs la comprendraient et surtout l’admettraient pour ne pas dire l’apprécieraient. Pour certains, ne surtout pas bousculer leur routine, leurs petites certitudes.
Rappelez-vous, nous sommes dans le « bien sûr…mais… vous savez… », histoire d’apporter son grain de sel insignifiant mais bien présent, de paraître faute de mieux intellectuel. Vos remarques pertinentes sont le reflet de l’essentiel de la société. La première des causes, bafouer la notion de mérite, à tous les niveaux. Seuls émergent les français qui se prennent par la main , soucieux de leur réussite, motivés. Les conditions d’entrée dans certaines grandes écoles en sont le reflet. Comme vous le soulignez indirectement, les élèves ne sont guère aidés par le corps professoral. Mâcher la réflexion en apportant les solutions sur un plateau n’aide pas à l’effort, à la gymnastique cérébrale, d’autant que les réponses, dans votre matière, trainent dans les librairies ou sur la toile. Ce qui me fait penser à cette magnifique pub reflet de nos exigences en matière d’efforts « Nager? Dans l’eau ? »
Dans le premier paragraphe vous concluez « On voit l’absurdité du système. ». Avec ce principe dévaluation évoqué, les profs s’apprécient eux-mêmes. Il leur suffit de faire progresser artificiellement leurs élèves, performances négligées. Que des bons…
Vous évoquez le laisser faire de certains profs. Ne soyez pas trop sévère. Tous les milieux professionnels sont touchés, jusqu’aux plus exigeants, de l’industrie au médical. Comme toujours, le mal provient de la tête. Le flou artistique qui nous gouverne, pour rester dans le convenable, ne peut pas se répercuter par de l’exigence, de la performance. Je qualifie ce mouvement de guimauve, la France guimauve et semblerait-il, heureuse de son état, bouche ouverte dans l’attente de la prime, de la subvention, de la redistribution, aux exceptions que vous représentez, qui tentent de se maintenir la tête hors de l’eau. Et encore, il ne faut surtout pas qu’elles paraissent trop hors norme, qu’elles se distinguent, vilains petits canards nuisibles aux tranquillités.
Votre conclusion Virginie « aide-toi, le ciel t’aidera ». Oui, à conditions d’efforts, d’humilité, vous le soulignez. Ce n’est pas gagné. Observez cette impérieuse nécessité,selon certains, une nouvelle fois réformer les conditions de la retraite. Croyez-vous à plus d’efforts, plus de travail par nécessités ? Non. Les faibles dirigeants sont pour plus de repos, moins d’affrontements, ce qui fera plaisir aux français, à vos élèves, ce qui se traduira par plus d’affaissement de la France, plus de plongée dans les classements internationaux.
Ne désespérons pas Virginie. Un jour viendra… où les français se réveilleront…. dominés. Il leur sera peut-être encore temps de réagir dans la plus profonde des difficultés. Bonne semaine Virginie et bon courage. Restez comme vous êtes.
L’école n’appartient pas plus aux professeurs que la SNCF n’appartient aux cheminots. Le gouvernement élu par le peuple définit un programme, les professeurs l’appliquent en marchant au pas, ou bien se reconvertissent dans d’autres activités. Et les élèves travaillent dans la discipline. Pourquoi ? Parce que l’école coûte très cher et que les efforts financiers de la nation ne sont pas destinés à en faire un club politico-distractif.
Les profs… vaste programme
C’est là où je me demande si l’IA ne serait pas une bonne chose pour l’enseignement dans la mesure où elle est bien programmée ?
Ça réglerait les états d’âme des enseignants pour un programme scolaire de qualité axé sur l’enseignement pur et non sur l’idéologie de certains, et ça réglerait le problème du manque d’enseignants et de la désaffection pour ce métier de la part des jeunes.
Zemmour a raison lorsqu’il dit qu’une école doit être élitiste et non pas égalitaire.
Il serait bon que les augmentations de salaire des enseignants soient faites après un contrôle de leur capacité à ne pas faire de fautes d’orthographe. Sans un niveau parfait, ils devraient pour être augmentés faire une formation qui les mette à niveau…du sérieux, finalement!
Si les enseignants se contentaient de connaître parfaitement ce qu’ils ont à enseigner plus les moyens de s’exprimer correctement (orth + vocabulaire d’un bon niveau) et bien sûr une pédagie susceptible de savoir s’adapter aux jeunes à qui ils s’adressent, ce serait certainement un bon point. Pour les instituteurs, le programme jusqu’en 6ème enrichi de culture générale, musique, activités physique…
Que font les profs ? Voilà une bonne question à laquelle ils sont eux-mêmes incapables de répondre. Ce sont eux qui nous ont fabriqué l’armada de nullités qui recherche du travail en vain.
La lecture instructive, l’imagination créative, la rédaction originale et intelligente, on ne connaît plus.
Tout est pré-digere, il n’y a plus qu’à lire, et essayer de comprendre la pensée unique en
quelque sorte.
C’est ainsi, sauf dans certains lycées que certains voudraient détruire au nom de l’égalité bien sur.