[UNE PROF EN FRANCE] L’école trahit les vrais principes républicains

Notre nouveau (et sûrement temporaire) ministre de l’Éducation nationale entend réformer, une fois encore, la formation des enseignants. Je ne commenterai pas ici ses fraîches propositions, étant donné que pour l’instant, il est peu de dire que le dossier est assez maigre. Mais je ne laisse d’être surprise par l’usage envahissant qui est fait du terme d’école de la République, que l’on met à toutes les sauces. Nous savons tous que le terme « République » n’a plus, depuis fort longtemps, son sens premier de res publica, mais a pris une signification étroite et très marquée idéologiquement. Pour autant, la référence permanente de nos hommes politiques reste la Révolution française, présentée comme la mère de notre République. Je ne suis pas une admiratrice béate de l’œuvre révolutionnaire, loin de là, mais sur le sujet de l’école, il serait utile de relire, parfois, les textes des Conventionnels pour en saisir l’esprit et remarquer à quel point toute la construction scolaire du XXe siècle est une œuvre concertée de trahison des principes républicains.
Un principe révolutionnaire : liberté absolue de l'enseignement
Les débats de la Convention au sujet du recrutement et de la formation des enseignants sont passionnants. À une proposition visant à former un corps national d’enseignants, Antoine Thibaudeau, conventionnel élu au Comité d’instruction publique, répondit : « La Révolution vient de détruire toutes les corporations, et on voudrait en établir une monstrueuse ! Une de 172.750 individus qui, embrassant, par une hiérarchie habilement combinée, tous les âges, tous les sexes, toutes les parties de la République, deviendraient infailliblement les régulateurs plénipotentiaires des mœurs, des goûts, des usages, et parviendraient facilement par leur influence à se rendre les arbitres de la liberté et des destinées de la nation. » Thibaudeau était un défenseur farouche de la liberté absolue d’enseignement : « Abandonnez tout à l'influence salutaire de la liberté », s'écriait-il, « à l'émulation et à la concurrence ; craignez d'étouffer l'essor du génie par des règlements, ou d'en ralentir les progrès, en le mettant en tutelle sous la férule d'une corporation de pédagogues, à qui vous auriez donné pour ainsi dire le privilège exclusif de la pensée, la régie des progrès de l'esprit humain, l'entreprise du perfectionnement de la raison nationale. » Et sa voix fut suivie : le décret du 29 frimaire An II confirma cette position. Son article 1 est très clair : « L'enseignement est libre. » Cette liberté fut réaffirmée par le décret du 3 brumaire An IV, rédigé par Daunou, qui envisageait à nouveau un corps enseignant officiel mais rappelait les principes de liberté : « Nous nous sommes dit : liberté de l'éducation domestique, liberté des établissements particuliers d'instruction ; nous avons ajouté : liberté des méthodes instructives » (rapport de Daunou préparant le décret). On est bien loin de tout cela, aujourd’hui.
C’est Napoléon qui mit un coup d’arrêt à la liberté scolaire offerte par la Révolution, par la loi du 10 mai 1806 : « Il sera formé, sous le nom d'Université impériale, un corps chargé exclusivement de l'enseignement et de l'éducation publique dans tout l’empire. » Le décret du 17 mars 1808 ajoute que « l'enseignement public, dans tout l'empire, est confié exclusivement à l'Université. Aucune école, aucun établissement quelconque d'instruction, ne peut être formé hors de l'Université impériale, et sans l'autorisation de son chef. Nul ne peut ouvrir d'école, ni enseigner publiquement, sans être membre de l'Université impériale. » C’était le début du monopole de l’État sur l’école et sur la formation des enseignants. Mais c’est le fait d’un régime autoritaire, pas l’esprit initial de la République, qui, malgré tous ses défaut, avait à cœur de défendre la liberté dans l’enseignement. Cela amène à conclure que dans sa mainmise quasi absolue sur la formation des enfants comme sur celle des professeurs, la République actuelle, est en réalité, antirépublicaine.
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24 commentaires
En réponse à « le réel », il ne s’agit pas de nier l’oeuvre pédagogique du clergé sous l’Ancien Régime. Cet enseignement était cependant destiné à la noblesse avec bien souvent des précepteurs privés et à la bourgeoisie. Les enfants du bas Tiers État en étaient exclus, sauf rares exceptions.
Aider les élèves est bien difficile : cours en partie sur ordinateur, utilisation d’une calculette. Ce salmigondis de méthodes différentes n’a pas été demandé par les enseignants, d’ailleurs.
la République actuelle, est en réalité, antirépublicaine… Ça fait longtemps !
Excellent rappel, madame Fontcalel. Soyez en remerciée. Quant « libre » devient « obligatoire » on mesure mieux que les théories dénoncées par « 1984 » sont maintenant appliquées et que nous sommes entrés dans le « Meilleur des Mondes ».
Bonjour Virginie. C’est le printemps, les hirondelles sont de retour avec leurs gazouillis et vols planés harmonieux mais vifs. Trois nids sur notre demeure mais pas encore occupés. Elles ne sont donc pas toutes présentes.
En premier lieu, reconnaître pour ne pas dire flatter votre érudition qui nous est profitable, humbles produits du monde scientifique et industriel. A nous heurter sur une expression très rarement usitée » je ne laisse d’être surprise « . J’en flaire le sens mais ne le pénètre pas. Il me faudrait retourner sur les bancs des écoles. Bien…pour la forme.
Le fond. Oh combien nous souhaiterions que notre ministre de l’Education puisse s’inspirer des sieurs Thibaudeau et Daunou ! Ils ont tout dit . Vous le soulignez, la République est appelée dans la composition de toutes les sauces comme peut l’être la laÏcité. A en devenir des corps creux, tout autant que cette autre approche « la Justice sera on ne peu plus sévère ». Mais dans le même temps ils tentent de nous persuader qu’elle est indépendante. Je m’éloigne de votre sujet. Mauvaise habitude.
La très grande faiblesse de l’Education Nationale, c’est son endoctrinement, qu’il soit de gauche ou de droite. Un mélange des genres, une confusion dans les réflexions qui conduisent à une bouillie inextricable qui vous est offerte. A vous de vous « dépatouiller » avec cette denrée innommable. Et pourtant ….
Les prétendants à un quelconque pouvoir au sein de l’Education National devrait faire un stage préalable d’un an dans le monde industriel. Ils apprendraient à discerner les fonctions en relativité les unes par rapport aux autres. J’illustre.
Prenons l’un des métiers du bois, l’ébénisterie, domaine dans lequel je suis totalement ignare. Cependant, tout le monde connait la gouge. En école, l’élève apprendra à la manipuler avec dextérité. Le professeur ne pourra que se limiter à cette formation car il n’est pas « la tête de l’élève ». Libéré de cette tutelle, l’élève formé à l’emploi de l’outil pourra s’exprimer sur le bois sélectionné, comme il l’entend . Naîtra alors une informité (sic) ou un chef-d’œuvre.
La formation des enseignants et autres fonctionnaires de l’Education Nationale devraient s’inspirer de cette approche technique qui n’a pas pour ambition de formater les esprits mais bien au contraire de les ouvrir à l’expression la plus noble. Approche qui reste à coiffer par des programmes et examens communs, objets préalables de consensus avec les enseignants.
Bien. Virginie, à nouveau me limiter. Votre ouverture d’esprit nous est très profitable. Je me répète car essentielle . Gardez la foi , elle est génératrice. Ce qui désenkylose. Bon courage , bonne semaine.
Pour ce qui est du sens de l’expression « laisser de », ajoutez le site de l’Académie Française à vos favoris de votre navigateur. Cela vous évitera de retourner sur les bancs de l’école et vous sera utile chaque fois que vous aurez à chercher le sens d’un mot ou d’une expression.
Où l’on voit bien la différence sémantique et son objet – de taille – entre « instruction » et « éducation »…
La République n’est qu’un système de gouvernement parmi d’autres, d’ailleurs peut-être un des plus corrupteur car parmi les plus corrompus. Alors, parler d’école de la République montre bien l’idée sous-jacente, à savoir celle de façonner les esprits dès le plus jeune âge, et non plus apprendre d’abord les fondamentaux, lire, écrire, compter, puis instruire, tout en leur inculquant un esprit critique et non formaté, en un mot, libre. Au lieu de cela, nous avons de bons petits républicains incapables de réfléchir et raisonner intelligemment par eux-mêmes.
Bravo; c’est très bien écrit! « La liberté ou la mort ». Nous sommes plutôt en direction de la mort!
Excellent constat comme toujours .Merci.
Je ne suis en désaccord. Le mot république n’ a pas pris une » signification étroite et très marquée idéologiquement « .
Ce mot est employé au contraire à toute les sauces. On parle de république islamique. Pour beaucoup la République est elle synonyme de la Patrie comme de la France.
Par ailleurs l’homme n est pas dieu et sa liberté a fatalement des limites.
Vous semblez faite la remarque que Napoléon trahit en éducation un principe républicain. Cela n’ a rien d étonnant. S’il n avait « trahi » aucun principe républicain on n’ aurait pas parler de premier empire mais de seconde république.
Vous semblez réclamer un retour au début de république et plus de la liberté scolaire, pourtant l’ enseignement français semble avoir fait un bon en avant avec l’administration napoléonienne.
Par ailleurs la république, et l’ école de Jules Ferry a intégré l’ apport Napoléonien. Napoléon avait fait partie des républicains , je ne suis pas certain qu’il est trahi ses valeurs .
Par ailleurs encore, on entend souvent parler d’ « école libre » et d' »organisation non gouvernementale ONG « indépendante « .
Il faudrait préciser libre et indépendante de qui. L école libre n’est pas libre de tout, et les ONG ne sont pas indépendantes de tout. Ces termes « libres » et « indépendants » sont galvaudés , comme celui de République.
Vive la liberté, vive la république et vive l’indépendance quand même, puisqu’ apparemment il faut rappeler des évidences, et ce serait un peu étrange d’entendre A bas la liberté, vive la tyrannie, et la dépendance.
La république n’est qu’un mode de fonctionnement d’un Etat. La monarchie constitutionnelle en est de même. La république n’a pas de valeurs, pas plus que la Monarchie. Les Etats ont des valeurs, la Démocratie a des valeurs, même les totalitarismes ont leurs propres valeurs. Les républiques ont multiples, démocratiques et populaires (souvent des dictatures), illibérales largement aussi démocratiques que les libérales, Islamiques, du Congo, de Chine, de France, de (presque) partout. Pas une d’entre elle n’a les mêmes valeurs. Alors je ne dirai jamais vive la république, mais vive la France, vive l’Europe, vive la Chine etc…suivant l’endroit que j’ai choisi.
L’économie, l’instruction, la sécurité, laissés à la gauche depuis 1968, tout est ruiné. Et Attal veux poursuivre l’œuvre. Il est l’héritier de toute cette lignée d’incapables.
Non ! Le futur Président a dit qu’il voulait faire une école forte … ! En deux ans !!!
Révélation ! Où en est l’Ecole depuis 2017 ?
Dans les fêtes foraines il existe des automates dans lesquels vous pouvez mettre une pièce de monnaie ce qui le fait parler. L’automate Borne a été programmé pour répéter, et sans même mettre de pièces les phrases suivantes qui permettent d’affronter absolument tous les types de problèmes : la République ne cédera pas. la République ne reculera pas. La République fera respecter la laïcité qui est notre bien le plus précieux.
L’esprit républicain ? Est ce celui qui a coupé le têtes pour gagner le pouvoir?
Aujourd’hui la guillotine serait l’état de droit, celui qui oppresse les justes contre les profiteurs du système. Ceux qui savent user du système pour bien vivre oubliant le bien commun.
Quand on a peu il est difficile de se priver,
Un « EX » avait dit qu’il fallait « dégraisser le mammouth … »
Le mammouth rêve maintenant de porter des tutus et se croit capable de faire du trampoline au lieu d’apprendre à « LIRE – COMPTER – ECRIRE » …
La saga « sinistres en action » a massacré l’un des piliers de ce que fait une civilisation …
La décadence intellectuelle est bel et bien « en marche » là aussi ! …
Plus aucune confiance à l’éducation nationale pour instruire sainement tellement le ver a rongé la pomme.Je conseille vivement d’envisager dès 14 ans à repromouvoir l’apprentissage du métier qui nourrira son homme car on a besoin de travailleurs productifs et compétents et non de sociologues ou autres inutiles intellectuels de salon aimant se pavaner sur les plateaux de télévision, en disant cela,je mets à part des personnes comme Michel Onfray par exemple.Par contre BHL…
Madame, dans l’absolu vous avez raison ; mais les conventionnels sous la Terreur étaient -ils républicains ? Napoléon lui a créé les collèges et les lycées et dès lors l’instruction publique a permis aux jeunes français issus de toutes les classes sociales à s’instruire et à s’élever socialement. Honneur à lui.
Cette instruction publique était exemplaire. Et la hiérarchie était stricte et bien établie du ministère aux établissements.
Depuis 1968 l’instruction publique est aux mains des pédagogues foireux qui ont instillé tyranniquement une idéologie qui a détruit peu à peu la valeur intellectuelle de nos écoles et les métiers de l’enseignement, instituteur et professeur. Ils sont devenus des enseignants ! Les mots république et républicains eux sont des éléments de langages mis à toutes les sauces par nos politiciens indigents. Donc, l’école est forcément l’école de la république.
Les collèges ont été créés par l’église, l’intituteur était souvent le curé du Village.
Cessant de croire que sous l’ancien régime on n’instruisait pas
Parfaitement d’accord. Les taux d’alphabétisation en France avant la Révolution sont équivalents à ceux de la fin du XIXe siècle, après les lois Ferry qui n’ont pas changé grand chose au système mis en place par Guizot, qui est le vrai restaurateur de l’école, sous la Monarchie de Juillet. L’Eglise était une grande éducatrice, et le faisait gratuitement pour les pauvres. Le ver est dans le fruit depuis la centralisation et la normalisation, qui a mis l’école au service du pouvoir politique central.