[UNE PROF EN FRANCE] Attaque au couteau de Nantes : la sidération

Ce qui devrait nous étonner, c’est la réaction des élèves qui sont restés spectateurs sans intervenir.
Image générée par IA.
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Comment ne pas se poser mille questions, après le drame de Nantes ? J’ai écouté de nombreux commentateurs étudier les faits sous tous les angles. Malgré les différences d’idéologie, ils semblaient se retrouver sur quelques prérequis : l’école devrait être un sanctuaire, la jeune génération a une santé mentale fragile, les couteaux sont le nouveau problème à résoudre.

L’école a toujours été un lieu de violence

Un collège n’est pas une idée mais la concentration, en un lieu clos, de plusieurs centaines d’adolescents. Qui pourrait croire que ce puisse être un espace serein, dénué de tension et de violence ? Alors oui, l’école pourrait ceci, devrait cela. On peut faire des phrases et des théories ; on peut aussi récrire l’Histoire. Mais le réel est que l’école a toujours été un lieu de violence, un lieu où les passions et les émotions prennent une très grande place. Dans des sociétés dont le principe structurant était la maîtrise des émotions, parfois de manière extrêmement coercitive, on pouvait venir à bout des soubresauts adolescents. On le faisait le plus souvent au moyen d’une discipline de fer et de multiples sanctions, dont les si décriés châtiments corporels. Mais dans une société de la bienveillance et de la communication non violente, les choses sont plus compliquées. Donc, tant qu’on n’aura pas remplacé les élèves par des androïdes, l’école, en tant que pépinière d’humains, sera traversée par tous les défauts et les contradictions de l’humanité, au premier rang desquels l’appétence pour la violence. Elle ne peut pas être un lieu préservé : elle a toujours été le reflet des lignes de force qui sous-tendaient la société.

Des élèves spectateurs

En revanche, ce qui devrait nous étonner, c’est la réaction des élèves qui sont restés spectateurs sans intervenir. Repensons à La Société du spectacle, de Debord. De la même manière qu’ils assistent à nos cours avec la passivité et le détachement dont ils font preuve lorsqu’ils sont devant un écran, qu’ils se mettent sans cesse en scène dans des vidéos et consomment plus de divertissement que de vraie culture, ainsi ils ont assisté à une scène d’une violence terrible sans l’empêcher. Une classe de lycée, dans un établissement sous contrat, c’est entre 25 et 35 élèves réunis ayant, à disposition, diverses armes par destination : trousses, téléphones, manuels, classeurs, cahiers, chaises, tables… Mais ce sont autant d’individus isolés, non plus une communauté, non plus un groupe - une « société », au sens étymologique. On dénigre beaucoup ceux que l’on nommait encore, il y a peu, « les jeunes de cité », mais ils forment des communautés dans lesquelles subsistent solidarité et sens de l’honneur. Ces derniers ont déserté la plupart des salles de classe, car il ne suffit pas de faire les flammes ensemble sur Snapchat pour que cela crée une appartenance quelconque.

Ils ont regardé, ils n’ont pas agi. Ils ont regardé un spectacle. « L’aliénation du spectateur au profit de l’objet contemplé s’exprime ainsi : plus il contemple, moins il vit » : ils n’ont pas vécu dans le réel, là où l’on se définit pas les choix que l’on fait et les actes que l’on pose. Je laisse la conclusion à Debord : « Le spectacle est l'affirmation de l'apparence et l'affirmation de toute vie humaine comme simple apparence. »

Que la jeune fille bien réelle à qui l’on a ôté la vie repose en paix.

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Virginie Fontcalel
Professeur de Lettres

Vos commentaires

59 commentaires

  1. La réaction des élèves ? Sidérés, apeurés… que pouvaient il faire sans risquer un coup de couteau ? C’est triste, mais compréhensible.

    • Non ! il était arrivé dans une classe de lycée où mon fils était élève, qu’un garçon devienne menaçant vis à vis d’une prof, mon fils puis deux autres élèves avaient été le maîtriser. Il faut dire que c’était dans une école privée sous contrat. Les Français sont devenus des couards dès leur plus jeune âge.

  2. j’ai eu exactement le même sentiment. Je suis effaré de voir que personne ne réagit, et encore, peut-être faut-il se satisfaire qu’il n’y ait pas eu de vidéos prises en live ou de selfies comme devant le cercueil du pape… Pourtant l’exemple d’Anselme aurait dû inspirer quelques jeunes… Il va falloir beaucoup de soutien psychologique, des bougies et des nounours pour surmonter le sentiment de culpabilité chez certains.

  3. A croire qu’ils sont de moins en moins capables de faire la différence entre le réel et le virtuel…

  4. Depuis 50 ans, c’est la dégringolade! Baisse du QI, baisse du courage, ces jeunes n’ont même plus honte d’être des moutons repus des réseaux sociaux et des jeux vidéo qui en ont fait des abrutis lobotomisé par la société consumériste.

  5. Collégiens ou lycéens , quasiment tous ont perdu l’instinct de défense . Ils passent plus de temps dans le monde des claviers téléphoniques que dans celui de la réalité . Leur réactivité est trop souvent limitée à leurs pouces pianotant un sms , un tweet…..

  6. Ceux qui sont restés là sans réagir seront au premier rang lors des marches blanches . Tous couards , tous irresponsables . Qu’a t’on fait de la jeunesse ! ;-((

  7. Il est significatif d’observer avec quelle constance a étè soulignée la nationalité française de l’assassin de la mosquée et occultée l’origine turque de l’assassin du collège nantais. Bien entendu il s’agit d’assassins présumés.

  8. je ne vois pas ca comme la plupart d’entre vous
    en fait regardez le passé en general
    j’ai vu des intervenants mourir pour etre intervenus 1er point
    et si j’interviens que ca se passe trop mal c’est moi qui me retrouve devant les juges qui ne vont pas me louper (je n’ai pas le droit de faire justice moi meme me dira t’on)
    de plus on dit aux jeunes ne te mele jamais a une grosse bagarre ;tu ne peus que prendre des coups ou payer pour les autres
    alors ca s’appelle instituer des règles de poltron
    et peut être qui finissent par rentrer dans leur tète

  9. J’ai déjà vu des inepties, mais un ramassis de bêtises comme celui-là rarement ! Pas étonnant qu’avec des « profs » pareils l’enseignement soit en ruine !

  10. Incroyable aucune réaction des élèves dans la classe les filles je veux bien mais les garçons de 15 16 ans combien étaient t’ils dans la classe certainement pas 2 les garçons seraient t’ils devenu des filles car seulement à 4 ou 5 ils seraient venu défendre cette fille qui ce faisait assassiné sous leur yeux.

  11. Il ne faut surtout pas intervenir !
    On se fait planter, et si on réussit à désarmer le tueur, on est viré du lycée et on fait six mois de taule.
    Ma règle : vous vous démerdez.

  12. Chère Virginie, vous me rejoignez …outre ma réaction horrifiée à l’annonce de ce crime ma réflexion a été la vôtre  « Comment aucun élève n’a bougé »..Au secours Où allons nous ?J’en pleure…Il y a une très bonne tribune de ma consœur Marie Estelle Dupont dans le JDD.
    Courage à vous que j’admire.

  13. Souvenez vous des 4 américains du Talys, ils étaient unis par la vie l’entraînement et la motivation. Dès que la kalach s’est enrayée, celui qui a bondi sur l’agresseur a fait bondir les 3 autres, sans calcul ni hésitation. D’autre part, au vu de la perception actuelle de la société, un de mes amis, 90 kg, que du muscle, rompu aux arts martiaux divers et variés me disait: » tant que je ne suis pas menacé, je ne bouge pas car dans tous les cas, il n’y a que des mauvais coups à prendre. Si je massacre un ou plusieurs agresseurs, ce sera jugé comme abusif par la populace et le juge , et si je me fais abîmer je ne serai même pas considéré comme victime. La cohésion sociale a disparu et, comme vous le dites, elle ne subsiste que dans les bandes malfaisantes.

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