[STRICTEMENT PERSONNEL] Oncle Sam ou Tonton flingueur ?

« Diplotame », composé de diplodocus et hippopotame : on croirait le mot inventé pour Donald Trump.
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Talons rouges, bas de soie, déjeuners en petit comité, concoctés par le chef Carême, étoilé pour l’éternité, et discussions, naturellement, en langue française, alors en passe d’être la langue universelle du beau monde. Ainsi allaient les choses, entre petits arrangements, grandes manœuvres, alliances et retournements d’alliances, guerre et paix, sous l’égide diablement boiteuse de Talleyrand, en marge du congrès de Vienne, et cela avait nom diplomatie. Autres temps…

« Diplotame », le mot-valise inventé au siècle dernier par Léon-Paul Fargue, poète et piéton de Paris, unit dans son néologisme le diplodocus et l’hippopotame. On le croirait inventé pour Donald Trump, tant il va comme un gant à un homme qui n’en prend guère. À peine installé à la Maison-Blanche, ce n’est certes pas dans le cadre feutré d’un salon mais sur les tréteaux du champ de foire et de bataille qu’est présentement notre planète que le nouveau président, barrissant, trumpettant et s’ébrouant tel un éléphant, bien sûr républicain, dans un magasin de porcelaine, a mis en pratique, sous les yeux effarés, consternés, réprobateurs, médusés ou admiratifs – plus rarement - du public, sa conception, très personnelle, des relations internationales. « La paix par la force. » C’est du brutal, comme dit Francis Blanche, pensif, après que Robert Dalban a servi à l’honorable société des « Tontons flingueurs » un alcool légèrement trafiqué. Ça casse ou ça passe, comme on dit.

Les destinataires des premiers messages de Donald Trump ont toussé, eux aussi, après en avoir pris connaissance. Puis leurs réactions ont divergé, tant en raison du contenu des ukases venus de Washington que de leur propre courage ou de leur capacité d’y résister.

Il y a ceux qui, après avoir fait la grimace, ont rapidement capitulé, ceux qui ont composé, ceux qui ont fait mine de résister.

Plus fort que la méthode Coué : la méthode Trump

Ainsi la Colombie, après avoir refusé d’accueillir sur son sol les ressortissants que lui « réexpédiaient » les États-Unis, s’est-elle inclinée. Le Mexique a soudain envoyé sur le Rio Grande 10.000 gardes nationaux susceptibles d’interdire enfin le passage des migrants et le trafic du fentanyl qui, l’an passé, a tué 90.000 consommateurs américains. Le Panama, volé il y a plus de cent ans à la Colombie par le président Theodore Roosevelt, s’est engagé à rééquilibrer en faveur des États-Unis les péages sur le canal accordés à la Chine. Le Canada, après une vague d’indignation soulevée par les exigences américaines, n’est pas allé au-delà du baroud d’honneur qu’il n’avait pas les moyens de soutenir. Le Danemark s’est borné à une courageuse protestation. Mais pourra-t-il, même s’il a pris conscience de l’importance du Groenland et du soutien de ses 57.000 indigènes, s’opposer à l’exploitation de ses fabuleuses richesses par le puissant allié qui y a déjà installé ses bases militaires ? L’Union européenne, tétanisée, courbe déjà le dos dans l’attente angoissée des orages annoncés.

Le président du Salvador, quant à lui, a pris les devants en faisant savoir qu’il disposait, dans ses prisons, de 20.000 places libres et qu’il les mettait à la disposition, en tant que de besoin, du président Trump. La Chine, pour sa part, également visée par la guerre commerciale, déclarée au monde entier par la nouvelle administration américaine, s’est contentée de riposter à l’élévation des droits de douane décidée par Trump par une hausse symétrique, sans plus. Entre grands colosses, on se comprend et on se ménage. Pour l’instant.

Un programme électoral appliqué

Il faudrait être de mauvaise foi pour contester ou ignorer les intentions affichées et les promesses faites par Donald Trump lors de sa campagne électorale. Force est de constater qu’après avoir dit ce qu’il ferait, il a fait, une fois élu, ce qu’il avait dit. Faut-il porter à son crédit ou à son débit un comportement si dérogatoire des usages politiques, notamment dans les régimes démocratiques ? Quelles que soient les conséquences et l’issue du bras de fer engagé par l’homme fort de Mar-a-Lago, on ne saurait sous-estimer l’importance et la gravité d’une rupture voulue et amorcée avec l’ordre du monde instauré depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Après leur victoire commune sur le IIIe Reich puis sur l’empire du Soleil levant, l’Oncle Sam, de concert avec les Quatre Grands (Russie, Grande-Bretagne, Chine… et France), avait prétendu bâtir un nouvel ordre mondial dont l’ONU serait le pilier et dont la grande démocratie américaine, protectrice du droit, garante des libertés, forte de ses principes et de sa puissance, serait le premier rempart. C’est cette construction grandiose, ce rêve que le temps avait peu à peu vidé du plus clair de sa substance, que Donald Trump vient de porter en terre. La suspension – provisoire ? - de l’USAID, le retrait – définitif ? – du Conseil des droits de l'homme signifient clairement la fin de l’engagement américain et le retour ostentatoire du Vieux Monde où ne régnera plus que la loi du plus fort. Comme toujours. On peut y voir à la fois une prise en compte de la réalité et la trahison des principes sur lesquels reposait la communauté internationale et qui ne devait leur faible survie qu’à l’entente du « monde libre » sous la direction des États-Unis.

Moyen-Orient, nœud gordien

L’extravagante solution proposée par Donald Trump à la crise du Moyen-Orient, solution que l’on croirait sortie d’un déjeuner trop arrosé entre promoteurs immobiliers, ouvre la porte aux désordres d’un monde désormais régi par la seule force au mépris de toute légalité et de toute humanité. L’annonce, semblable à la publicité d’une nouvelle Riviera qu’administreraient des entrepreneurs américains et que les Palestiniens seraient admis à admirer depuis le désert du Sinaï, relève, au choix, de la bouffonnerie ou de la provocation.

Balayés Aristide Briand et ses rêves. Balayés Itzhak Rabin, Anouar el-Sadate et leurs sacrifices. Oubliée, enterrée sous les décombres de Gaza, la solution à deux États, pourtant reconnue par l’ONU, par les États-Unis et même par Israël ! Le plan esquissé par Donald Trump prévoit, on le sait, le « nettoyage » de Gaza, l’expulsion ou la déportation (comme on voudra) de deux millions de Palestiniens arrachés à leur vie, à leur terre, à leur patrie, contre leurs vœux et contre la volonté des supposés pays d’accueil. Qui peut croire un instant que cette solution, qui ne saurait être finale, ramènera la paix entre Israël, les Palestiniens et le monde arabe ? Comment Israël, comment l’État hébreu, comment le peuple dispersé, persécuté, condamné à un éternel exil, menacé de disparition et enfin doté d’un foyer, en compensation de ses souffrances et de la Shoah, peut-il seulement envisager qu’à la figure deux fois millénaire du Juif errant succède celle de l’Arabe errant ? C’est aberrant.

Sur quelle base, au nom de quel principe, en vertu de quelle morale Trump et Poutine vont-ils bâtir le retour de la paix sur le front ukrainien ? En renvoyant d’une chiquenaude la proposition tardive et contrainte de Volodimyr Zelensky de s’asseoir à la table de négociations, Vladimir Poutine a bien montré que le président ukrainien ne comptait pour rien à ses yeux, étant donné qu’il n’avait pas la taille exigée d’un partenaire, adversaire ou allié. T’es bien trop petit, mon ennemi !

Ce que résumait, en somme, l’immortel dialoguiste que fut Michel Audiard : « Quand les types de 130 kilos disent certaines choses, les types de 60 kilos les écoutent. »

Voici venu ou revenu le temps des Tontons flingueurs.

Picture of Dominique Jamet
Dominique Jamet
Journaliste et écrivain Président de l'UNC (Union nationale Citoyenne)

Vos commentaires

38 commentaires

  1. La Palestine , il faut se souvenir que dés 1947 la création d’un Etat Palestinien fut évoquée , et les pays arabes musulmans n’en voulurent pas , ils détestent les Palestiniens .
    Alors vider Gaza des Palestiniens , pour les mettre ou ? pas dans les pays voisins , ils n’en veulent toujours pas , il reste la poubelle migratoire Europe , pétrie dans ses « valeurs » , et cadenassée par son « droit » distillé par ses juges tout puissants.
    Les Européens , avec leurs « valeurs » et leur « droit » tressent la corde qui les pendra .

  2. C’est triste de voir que monsieur Jamet, fort respectable au demeurant et souvent pertinent, passe totalement à côté de ce qui se passe. Monsieur Trump est un homme qui réhabilite tout simplement la politique parce qu’il est courageux. Alors que les empires renaissent avec agressivité, que tous leviers des instances internationale passent progressivement dans des mains hostiles à l’occident, que les théories woke déconstruisent les fondamentaux de notre civilisation, que nos politiques sont incapables de mettre fin à des conflits sanglants qu’ils auraient pu éviter , il a compris que nos peuples ne veulent pas mourir et demandent de sortir de cette situation. On jugera plus tard de l’efficacité de monsieur Trump mais c’est précisément son comportement imprévisible et outrancier qui va faire bouger les lignes. Et nous ici on se désole qu’il ne respecte pas les convenances diplomatiques, minable!

    • Bravo ! Je vous suis à 100% . L e courage et le passage en force, n’étaient-ce pas les « valeurs » (les vraies) depuis l’antiquité jusqu’aux jérémiades « diplomatiques »du 19ième siècle, et pire, du 20ième ? Vive Napoléon, la Corse, et les hommes d’exception.

  3. Belle envolée lyrique, Monsieur Jamet, dans cet article où il y a beaucoup à dire. Cependant, en ce qui me concerne, je ne trouve pas mauvaises les idées de Trump dans ce brassage de cartes dont les USA sont l’atout maître, sans oublier la Chine bien entendu. Je ne nie pas la souveraineté des nations, bien au contraire, mais il me semble que faire bouger les lignes donne quelquefois des résultats inattendus. J’attends de voir la réalité sur le terrain mais une chose est sûre, on ne peut plus continuer sur le chemin de la mondialisation en se passant d’un diagnostic précis que tout le monde appelle de ses vœux. Alors qu’il y ait un trublion ganté ou pas, pour l’instant, ça me botte. Affaire à suivre…

  4. Quant à la solution à 2 états , je vous laisse juge de ce que ce serait, et même il faudrait que l’état palestinien dispose de l’arme nucléaire, là, ont touche à la solution finale.

  5. Trump est disruptif, mais il faut reconnaître que sa méthode permets d’avancer vite, alors que les méthodes des régimes dits « démocratiques » (est-ce démocrate de se faire élire sur des programmes auxquels on ne croit pas?) sont malheureusement souvent sclérosantes. De plus, il apparaîtrait que ces méthodes disruptives aient été longuement muries suite à son premier mandat (c’est l’avantage de pouvoir faire deux mandats non consécutifs, on a le temps d’analyser et de tirer les leçons du premier) et il est surprenant que nous soyions surpris de ses actes. Par contre, on peut qu’être interrogés par ceux qui sont surpris: ils n’ont pas compris qui était Trump, mais l’ont appris à leurs dépends.

  6. De plus en plus décevant BV …on croirait un édito du Monde ou de Libé. J’ouvre de moins en,moins BV , je vais finir par zapper définitivement

  7. Bravo à Monsieur Trump tous ses décrets et projets relèvent du bon sens. Vous MonsieurJamet vous pouvez me dire votre solution pour Gaza, pour la création de 2 états dont je vous fiche mon billet vous êtes incapable d’en définir les frontières. les gazaouis (regardez la TV lors des libérations d’otages) sont un peuple religieux agressif et fanatisé qui n’acceptera qu’une chose la destruction pure et simple de l’Etat d’Israël.

  8. Si nos dirigeants Français propres sur eux du moins en apparence, agissaient avec bon sens et dans l’intérêt de ceux qui les ont élu on éviterait à recourir à un modèle Trump.

  9. Encore du Jamet insipide comparant Trump à un éléphant alcoolisé. Pauvre Jamet tu ne lui arrives pas à la cheville et je ne peux qu’encourager Mr Trump à shooter dans la fourmière de mer.. qui nous dirige vers la mort. Vas y Trump fonce!

    • je trouve, moi, que M Jamet a bien décrit la réalité.
      Certaines décisions de M Trump m’ont parues bien = destruction de l’OMS , je l’espère avec le départ des USA par exemple.
      par contre, déporter (le mot est exact) un peuple pour en mettre un autre, qui lui est agressif (désolée pour ceux qui ne voient pas comme moi, mais j’ai du mal avec le une mâchoire pour une dent) est pour moi quelque chose de monstrueux, quel que soit le peuple!

  10. La communication disruptive adoptée par Donald Trump est un style, qu’il ne faut pas confondre avec ses actions.
    Si on y réfléchit bien, les négociations directes entre Poutine et Trump recouvrent une réalité ; c’est que le conflit oppose en réalité la Russie aux USA via leur politique à travers l’OTAN. On sait bien que Zelensky n’est qu’un pion.
    Au Moyen-Orient, ce sont encore les USA qui décident de tout, puisqu’Israël ne peut développer sa politique d’occupation et d’agrandissement totalement illégale que grâce au soutien militaire et financier américain.
    Au-delà de l’exotisme de la solution proposée par Trump pour Gaza, à laquelle il n’est pas certain qu’il lui accorde grand crédit, c’est l’illustration de l’hyper-puissance américaine, elle-même profitant de l’échec total de l’ordre international et de ses institutions.

  11. M Jamet ne vous déplaise, Trump a été élu pour son programme et il applique ce programme. Il gouverne pour son peuple et CA c’est la démocratie.
    Quant au retour des Tontons flingueurs , je dis , il était temps. Enfin quelqu un qui en a et qui tape du point sur la table. Reste à savoir si les français auront cette chance.

  12. C’est marrant , non, plutôt triste de voir que même à droite certains rechignent à appliquer des mesures efficaces, même si brutales comme Trump, pour enrayer, endiguer voire arrêter cette immigration galopante et mortifère. Voila pour le Mexique, la Colombie (et sa cocaïne), etc.
    Ensuite les rétorsions économiques liées aux droits de douane ! Pourquoi, au lieu de critiquer l’attitude d’un président qui privilégie le bien de son peuple, l’UE, ce « machin » dont fait hélas partie la France, ne fait pas comme Trump, du protectionnisme, en relevant les droits de douane ? Simplement parce que ceux qui mènent cette Europe sont les dirigeants de l’Allemagne pensent d’abord au peuple allemand (ventes de voitures obligent), comme … Trump.
    Ensuite et pour terminer : le problème Palestinien ! Bien sûr que la solution dans cette région doit être celle de deux états. Seulement pour faire cela, il faut être deux, or les Palestiniens veulent un état du Jourdain à la Méditerranée, soit sans Israël ! Alors, sauf votre respect, comment fait-on Monsieur Jamet ?

    • « les Palestiniens veulent un état du Jourdain à la Méditerranée, soit sans Israël ! « .
      Ennuyeux, c’est sur, qu’un peuple veuille un état qui ressemble à ce qu’il était avant l’invasion par un autre peuple, simplement parce qu’un homme a dit à cet autre peuple qu’un Dieu le proposait.

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