[STRICTEMENT PERSONNEL] Mayotte, perle à rebours

Les Mahorais sont-ils véritablement des Français à part entière ou des Français largement à part ?
@PATRICK MEINHARDT / AFP
@PATRICK MEINHARDT / AFP

Nos compatriotes… de Mamoudzou ou de Pamandzi. Nos compatriotes… de Petite-Terre et de Grande-Terre. Nos compatriotes de Mayotte…, il y a tout. Comme vous et moi. Français. Comme nous. Et peut-être même un peu plus que certains d’entre nous. Car s’ils sont devenus français il y a tout juste cinquante ans, en 1974, ils l’ont souhaité, ils l’ont voulu, ils l’ont décidé, ils l’ont voté. En 1976, mis en demeure de confirmer ou d’infirmer cette étrange foucade, ils ont solennellement réitéré leur choix et, coupant le lien avec leurs frères ennemis des trois autres îles de l’archipel des Comores, amarré leur modeste kwassa kwassa au paquebot France dont le pacha du moment, Valéry Giscard d’Estaing, a bien voulu les prendre en remorque. Ils y sont encore.

Il faut dire que leur « oui » à la France, entériné par Paris en vertu du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes mais contesté par l’ONU et l’Union africaine au nom de l’intangibilité des frontières et de l’intégrité territoriale de l’État comorien, venait à contretemps et à contre-courant d’air des principes et des réalités de l’époque. Cette annexion par la France d’une terre africaine, dans l’atmosphère du XXe siècle finissant, jurait singulièrement avec les principes et les rapports de force qui prévalaient alors, et très précisément avec le raz-de-marée de la décolonisation qui avait vu les peuples d’Asie et d’Afrique assujettis par l’expansionnisme occidental libérer l’homme blanc, tantôt par les armes, tantôt par le biais de séparations à l’amiable, du supposé fardeau qu’il s’était mis sur le dos.

Le rattachement de Mayotte à la République française, fût-il conforme au vœu de sa population, allait donc contre ce que l’on tenait généralement alors pour le sens de l’Histoire, concept éminemment plastique qui n’est bien souvent que la traduction complaisante du droit des plus forts. L’exception mahoraise allait contre l’idée dominante suivant laquelle le rapport entre les peuples du tiers monde et les pays développés ne pouvait se fonder que sur l’agression, la soumission et l’exploitation des premiers par les seconds. En l’occurrence, le rattachement de la petite île à la France correspondait à une adhésion volontaire, par l’entremise d’un vote libre et pacifique, et supposait évidemment l’aide et l’assistance de la métropole à son dernier et bien modeste agrandissement.

Un bilan où se mêlent inextricablement le positif et le négatif

Qu’en est-il résulté, un demi-siècle plus tard ? Le cataclysme météorologique qui vient de s’abattre sur l’archipel des Comores, épargnant largement Mohéli, Moroni et Anjouan, et dévastant Mayotte, a été l’occasion dramatique de dresser un bilan où se mêlent inextricablement le positif et le négatif.

Les Mahorais sont-ils véritablement des Français à part entière ou des Français largement à part ? Entre Mozambique et Madagascar, modeste îlot dont la taille n’excède guère celle d’Oléron ou de Ré, Mayotte est apparue deux fois lointaine. Géographiquement mais aussi affectivement. Loin des yeux, mais peut-être aussi loin du cœur. La France – et il faut entendre par là non seulement l’État mais aussi les Français – a-t-elle véritablement compris et assumé la responsabilité qu’elle a prise lorsqu’elle a adopté Mayotte ?

La misère, s’il faut en croire la chanson d’Aznavour, est peut-être moins pénible au soleil. Elle est apparue au grand jour dans le sillage sinistre du cyclone Chido. Mayotte remporte haut la main le titre peu envié de « département le plus pauvre de France », avec un revenu par habitant sept fois inférieur à celui de la métropole, trois fois moindre que celui de la Martinique. Situation désolante dont la comparaison avec celle du reste des Comores, huit fois plus pauvre, ou de Madagascar, vingt fois plus misérable (!), ne saurait consoler. Le dénuement des uns ne fait pas le bonheur des autres. L’État, dans l’incapacité de décompter les vivants et les morts, a dû reconnaître piteusement qu’entre un quart et un tiers de la population locale était constitué de Comoriens illégaux qui, s’ils ont opté avec leurs bulletins pour l’indépendance, votent avec leurs pieds pour le rattachement à la France, qui s’avère aussi incapable de les refouler que de les intégrer. La France, cinquième puissance mondiale il y a cinquante ans, septième aujourd’hui, n’a pas su, c’est-à-dire pas voulu, assurer la prospérité et la sécurité de ceux qui lui ont fait une confiance dont elle s’est avérée indigne.

Des propos pas à la hauteur

Les propos et le comportement des personnages qui, institutionnellement, incarnent notre pays n’ont pas été à la hauteur du drame que vivent les Mahorais – ceux, du moins, qui n’ont pas été ensevelis sous les décombres de leur logis ou sous les glissements de terrain.

Le chef de l’État, accouru sur les lieux de la catastrophe, a cru pouvoir se féliciter de la chance qu’ont les habitants de Mayotte de pouvoir compter sur la France. Ce n’était ni le jour ni le lieu de l’assurer à des malheureux sans toit, sans nourriture et sans eau. Quant au Premier ministre, qui étrennait ses nouvelles fonctions, il a, dans un premier temps, jugé plus urgent, de présider son conseil municipal à Pau que de se déplacer à Mayotte. Il est vrai que le deuil national, tardivement décrété, avait été éclipsé et écourté par sa propre nomination. La visite improvisée de François Bayrou et de ses principaux ministres, ce week-end, sur les lieux du désastre est un aveu, une tentative maladroite de réparation et de récupération. Elle ne constitue pas une réponse.

L’exemple de Notre-Dame de Paris doit inspirer nos gouvernants, si tant est que le mot soit adapté à la conjoncture. L’élan de la charité privée et la mise sur pied d’une organisation spéciale uniquement dédiée à la restauration de la cathédrale martyre ont permis le miracle de la réouverture, dans les temps.

Le problème est différent. Ce ne sont pas ici des pierres, si vénérables, si liées à notre Histoire qu’elles puissent être, qui sont en cause, mais des hommes et des femmes, français comme nous, qui sont dans la souffrance et dans l’attente. Mayotte est à reconstruire, mais certainement pas à l’identique, en tôle et en parpaings. Elle doit redevenir la perle de l’océan Indien, l’un des rares joyaux que Marianne, héritière défaillante du collier que les rois et les républiques avaient égrené autour de la planète, peut encore agrafer à son corsage. Et si la solidarité populaire, comme il semble, n’est pas au rendez-vous, c’est aux finances publiques, et dans l’urgence, qu’il incombe de réparer les dommages causés par la violence de la nature et l’incurie des hommes. Coûte que coûte.

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Dominique Jamet
Journaliste et écrivain Président de l'UNC (Union nationale Citoyenne)

Vos commentaires

67 commentaires

  1. Avoir « adopté » Mayotte en 74 était une erreur. Avoir départementalisé Mayotte en 2011 en était une autre. VGE, le père du regroupement familial, et Sarkozy, l’homme qui s’est assis sur le référendum de 2005, deux malfaisants qui ont fait beaucoup de mal au pays. Aujourd’hui, les Mahorais se plaignent de la France. Il est peut être temps de leur rappeler qu’ils peuvent toujours demander leur rattachement aux Comores, conformément aux vœux de l’ONU et des pays de l’Organisation africaine.

    • Vous oubliez juste que Mayotte a été française avant le duché de Savoie et le comté de Nice et que la majorité des mahorais sont bien plus Français que nombreux adeptes de la chienlit d’extrême gauche.

  2. L’acceptation d’intégrer Mayotte en tant que département Français est juste une coquetterie politique purement démagogique. Je serais d’avis de faire de cette ile une base militaire : sur un plan social et géostratégique, tout le monde y serait gagnant !

  3.  » l’idée dominante suivant laquelle le rapport entre les peuples du tiers monde et les pays développés ne pouvait se fonder que sur l’agression, la soumission et l’exploitation des premiers par les seconds. » L’essence même du marxisme triomphant.

  4. Il faut avoir une sacrée dose d’aveuglement pour imaginer que les mahorais puissent être des « français ». Avec des papiers d’identité, effectivement, ils ont la « nationalité ». Mais culturellement, religieusement, leur atavisme les distinguera toujours des peuples occidentaux, français en particulier. Ce sont ne l’oublions jamais, des « comoriens ». Ils dansaient le jour du referendum en saluant l’arrivée des allocations et autres avantages liés à cette nationalité nouvellement acquise, mais ils se foutent complètement de la France et des français. Leurs problèmes, leur déterminisme sont ailleurs. Leur voisins comoriens, envahissent La Réunion aussi et commencent à impacter par leur présence la vie des réunionnais, qui eux sont globalement « français », car historiquement imprégnés de notre culture depuis longtemps.

  5. Avec Mayotte, et donc les dépenses publiques qui seront sans cesse insuffisantes pour ce territoire, la France va replonger dans les crises anticolonialistes dont elle a souffert aux 20ème siècle. En voulant enrichir cette île, nous allons gonfler son immigration, et provoquer des revendications et des conflits locaux sans fin. La France a du mal à sortir de ses raisonnements colonialistes (à priori) bienfaiteurs qui la conduisent inéluctablement à générer l’inverse de ses ambitions (affichées). Si on installe un pont d’or pour Mayotte, alors il faudra le faire aussi pour les Outremers français et…pour les départements de l’Hexagone. Et ça, c’est pas gagné…..!

  6. Les Mahorais ont choisi d’être Français !
    pour quelles raisons ? la sécurité l’aide à combattre l’immigration comorienne , et l’assurance de vivre mieux et de pouvoir éduquer leurs enfants pour un avenir meilleur !
    Avec Hollande et Macron tous nos territoires Outre Mer sont passés aux oubliettes !!!
    Macron leur crie dessus , les insultes lors de sa visite poste cyclone , Pauvre peuple Mahorais dans la misère sans plus rien et mal considéré par leur « président  »
    Il faut absolument les protéger des migrants comoriens ( et supprimer le droit du sol et les interdire sur le sol de Mayotte ) , et leur apporter toute l’aide possible afin qu’ils puissent vivre en sécurité et sans manquer de tout

  7. M. Jamet : vous dites « mais des hommes et des femmes, français comme nous », vraiment  » comme nous » ?
    pardon mais s’ils étaient  » Français « comme nous » pensez vous sérieusement que l’état Français les auraient laissé livré à eux même ainsi ? Ils sont Français oui, mais pas  » comme nous » , ils sont à 8000 kms de l’hexagone et çà fait une sacré différence ! nos politiciens de tout bord ne prennent aucun risque en promettant sans tenir, la révolte sera à 8000 km, çà ne les empêchera pas de dormir ! de la même manière nos politiciens savent et connaissent évidemment toutes les difficultés de l’île, ( hopitaux surchargé par les naissances de femmes venant des comores juste pour profitter du  » droit du sol », taux de naissance le plus élevé de l’hexagone !!! et c’est ce que vous appelez des Français  » comme nous » ??? Misère grandissante lié au flux de migrations illégales des comores ( toujours dans l’optique que cette misère là est moins misérable que celle qu’ils vivent aux comores) – je pense qu’aujourd’hui les mahorais ( de souche) si je puis dire sont minoritaires et évidement laissé pour compte, et s’il n’y avait eut ce cyclone, on ne parlerai pas de Mayotte dans l’hexagone !

  8. Cela ne va pas le faire concernant l’immigration à Mayotte déja que chez nous en France nous ne n’y arrivons pas alors là-bas.

  9. Je constate une chose c’est que nos îles ou colonies ont toutes subi le même sort. C’est à croire que la distance éloigne le degré d’intérêt qu’ont nos dirigeants depuis des décennies au regard de celles-ci. La misère, l’immigration, le délabrement, le délabrement ont fait place aux idées idéalistes de nos valeurs que l’on voulait universelles et dont on peut financièrement plus honorer..Seule l’Algerie a été privilégiée. Ce pays que l’on a rendu tellement moderne en 1962 et qu’on à abandonnée au profit d’une caste avide et vorace qui nous en remercie par tant de haine et de rejet. Ces mêmes personnes qui ont auparavant perpétré plus de massacres que l’armée française. Bravo la France !

  10. En réponse à votre question : « Les mahorais, des français largement à part ». Un reproche à nos médias, ils n’évoquent jamais les ressources de Mayotte. Un territoire aussi isolé doit disposer de ressources en mesure de lui assurer une relative autonomie, ne serait-ce qu’alimentaire. Au-delà de cette considération majeure, nos politiques sont dans l’embarras. Développer Mayotte au risque, à terme, d’une revendication d’indépendance, un coup d’épée dans l’eau qui leur serait reproché. Se tenir « à distance  » de Mayotte c’est se conduire à être qualifiés de colonisateurs. Nos politiques se situent donc sur le fil du rasoir. Au-delà de ces considérations, il est évident que Macron, après 7 ans de pouvoir, comme il est coutumier, n’as pas eu de vue à long terme. Maintenir sur cette île les conditions de gestion de l’immigration appliquées à l’Europe et plus particulièrement au territoire français est une vue de l’esprit totalement débile. Le droit du sol maintenu est suicidaire pour l’ensemble des habitants de cette île compte-tenu de son environnement. Elargissons le débat. Les USA on su former rapidement un pont aérien pour alimenter Berlin à la création du mur de la honte. Le Macron français qui souhaite nous engager dans une guerre en Ukraine a-t-il les moyens d’un tel pont aérien pour Mayotte ? Par ailleurs, nos médias flattent Macron pour cette réussite dans la réhabilitation de Notre Dame de Paris. Mais dans les faits tout est dû au privé, du management à l’exécution sans négliger le financement. Macron et son Etat sera-t-il aussi performant dans la reconstruction de Mayotte ? Quel financement (des milliards sont à investir. Nous ne les avons pas), quel délai, quel acheminement des matières premières, quelles responsabilités dans le management ? Nous avons sur le continent, à proximité, l’expérience de la construction de simples prisons. Démonstrative de l’efficience uniquement macronienne.

  11. Malheureusement cette île qui était si jolie et promis a abriter ne vie agréable comme bien d’autre, par sa trop population dont une bonne moitié n’est pas venue pour participer a entretenir une belle civilisation n’a que peut de chance de s’arranger, pas assez d’eau naturellement, trop de consommateurs et pas suffisamment autonome en nourriture sans rien produire pour importer alors que les entreprises sont parti de l’île pas suffisamment sur.

    • Totalement d’accord ! Et ils ne se sentent pas français le moins du monde. « On » nous à fichu dans un inextricable merdier…

  12. Mayotte est une colonie, perdue dans un océan de larmes. La France, qui a abandonné la France, peut-elle porter secours à cet enfant sauvage qui se réclame d’elle, le sien, qui exhibe son bulletin de naissance : je suis ton département ?
    Il en aurait coûté un milliard ? Je veux dire « à la vitesse de Notre-Dame » de lancer une immense opération de constructions préfabriquées et d’infrastructures au lieu et place de ces tôles de bric et de broc, ces abris de carton-pâte que la bourrasque a balayés comme fétus de paille. Il en aurait coûté deux milliards ? Mais qu’est-ce dans la gabegie de notre budget national qui distribue ses prébendes à l’emporte-pièce et arrose des institutions bancales qui n’ont d’autre but que d’assurer leur passivité active ?
    Quel sursaut français c’eût été, ce retour inattendu de la terre mère auprès de l’environnement africain et océanien. Ces ex-colonies qui développent envers la France une névrose d’amour-haine en se jetant dans les bras d’une Russie carnivore qui n’a cure que de les infantiliser.
    Mais notre Premier ministre a surtout sauvé sa peau en filant dare-dare à sa mairie montrer qu’il était surtout le premier de sa province. Il sait trop que son nouveau titre national peut voler au-dessus de sa tête plus vite que Chido n’a rasé Mayotte.

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