[STRICTEMENT PERSONNEL] À droite toute !

La vie, aussi bien la vie politique, réserve d’étonnantes surprises.
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Étais-je le seul, ces dernières semaines, à trouver qu’on en faisait peut-être un peu trop autour du match de titans qui opposait deux compétiteurs, aux dents longues mais aux perspectives limitées, pour le contrôle – la présidence – d’un parti à la ramasse, d’un parti qui se réclamait toujours, les dimanches d’élection, du nom, de la stature, du parrainage, des idées du père fondateur de la Ve République, mais qui tendait à n’être plus qu’un lobby vieillissant de notables, plus fortement vissés à leurs fauteuils d’élus qu’attachés à leurs supposées convictions « gaullistes », d’un parti qui, lors de la dernière présidentielle - la vraie –, n’était pas parvenu à se hisser jusqu’au seuil fatidique des 5 % de votants, d’un parti qui, faute de leader, de programme, de militants et d’électeurs, avait perdu toute crédibilité, s’accrochait bien, ici et là, à quelques fiefs tant bien que mal sauvegardés, mais paraissait inexorablement condamné à une descente aux enfers, pour ne pas dire à une chute dans le néant, parallèle et analogue à celle de son vieux rival socialiste, lui aussi tombé si bas qu’il ne devait le maintien d’une représentation parlementaire minoritaire qu’au soutien mortifère de la Mélenchonie ?

On ne donnait pas cher de leur avenir

Quels que fussent les qualités personnelles des deux rivaux en piste, en dépit de leur affichage commun d’une volonté inébranlable d’aller jusqu’au bout de leur campagne et de leur évidente intention, s’ils gagnaient cette première bataille, d’aller plus loin et plus haut, la plupart des experts et autres observateurs de notre paysage politique ne donnaient pas cher de leur avenir, au-delà de la date retenue - le 18 mai –, pour siffler la fin du match. L’attitude, les propos, les promesses de Bruno Retailleau et bien entendu son accession au ministère de l’Intérieur, poste important à toute époque, et particulièrement dans le moment d’effondrement que vit notre malheureux pays, avaient projeté sur le devant de la scène le Vendéen, compatriote et admirateur de Georges Clemenceau comme du maréchal de Lattre de Tassigny, passé par l’école de formation idéologique du villiérisme et le creuset du Puy du Fou, mais jusqu’alors plus apprécié par la classe politique que reconnu par le grand public. L’engouement suscité par ses déclarations de guerre au crime organisé, par sa volonté affichée de faire entendre et respecter la voix de la France de Dunkerque à Tamanrasset, et faire régner l’ordre public du boulevard Barbès à la porte de la Chapelle (pour commencer), ne risquait-il pas de n’être qu’un feu de paille si, pour des raisons connues de tous et indépendantes de sa volonté, les paroles n’étaient pas suivies d’actes ? Quant à Laurent Wauquiez, cet enfant chéri de la méritocratie, aux diplômes et au curriculum vitae comparables à ceux d’un Bruno Le Maire, même s’il pouvait faire état (et ne s’en privait pas) d’un bilan positif à la tête de la région Auvergne-Rhône-Alpes, n’avait-il pas donné des verges pour se faire battre en accumulant les erreurs, voire les fautes dans son comportement, ses choix, sa communication, ses aveux maladroits qui faisaient douter sinon de son talent du moins de sa sincérité ? Ne s’était-il pas discrédité, sinon disqualifié, tout seul ? Qu’attendre de nouveau, de positif, d’éclatant de ce jeune cheval de retour ?

Plusieurs types d’événements qui n’étaient pas attendus par les spécialistes du sondage, de la prévision et des baromètres de l’opinion sont intervenus et ont spectaculairement changé la donne.

Le premier est évidemment l’afflux imprévu et relativement massif de militants « républicains », nouveaux en partie mais pour la plupart revenus au bercail abandonné, pour prendre part au vote et arbitrer entre les deux candidats à la victoire puis à la candidature. Qui sont-ils exactement, que veulent-ils, quels espoirs cultivent-ils, ou quelles arrière-pensées ? Ou quelles manœuvres ? Le fait demeure, éclatant : le corps électoral qui adoubera Wauquiez ou Retailleau, Retailleau ou Wauquiez et permettra donc au vainqueur d’envisager la suite avec optimisme, a triplé en quelques semaines en faisant de quarante mille à cent vingt mille inscrits. La chose est rare, elle ne peut être sans signification ni sans conséquences.

Que cherchent, aujourd’hui, les Français ?

...en tout cas ceux qui, déçus, échaudés, écœurés par l’usage qu’ont fait des institutions et l’état dans lequel ont mis notre pays les dirigeants et les partis qui se succèdent au pouvoir depuis trente ans, s’obstinent pourtant à chercher une lueur, un espoir, une sortie, un sursaut et pour tout dire un homme ? À ceux-là les deux champions, qui ont évité jusqu’à présent les coups bas, les traquenards, les règlements de comptes, les accusations, souvent justifiées, qui ont jalonné le parcours du mouvement gaullisto-chiraquien, ont tous les deux tenu le discours même que les adhérents anciens et nouveaux des LR désespéraient d’entendre.

Ce à quoi Jacques Chirac, habile et cynique politicien qu’une illusion répandue a fait passer pour un homme d’État, ne s’était jamais résolu, ce que Nicolas Sarkozy, plus prodigue de déclarations fracassantes que de résultats convaincants, n’a pas osé assumer, aussi bien Retailleau que Wauquiez l’ont fait, au moins dans les mots, dans des termes très voisins et en s’assignant des objectifs pratiquement identiques. Ouvertement, officiellement, fièrement, sans détour et sans équivoque, les deux rivaux ont affirmé leur appartenance et leur adhésion entière à la droite, avec tout ce que cela implique en matière d’ordre public, social, civilisationnel, financier ; bref, en rupture totale avec le bilan du Président en exercice.

Une demande et une offre « de droite »

Or, ils l’ont fait au bon moment, je veux dire en un moment où se répandent et montent simultanément, à travers le monde occidental (ou ce qu’il en reste), et chez nous aussi, une demande et une offre « de droite ». Sous l’impulsion et avec l’appui du « grand timonier » qui a pris le commandement des États-Unis, le paysage politique américain et européen change à vue d’œil. Limitons-nous à l’Europe. Viktor Orbán, hier paria, fait figure de pionnier. Aux Pays-Bas, en Belgique, en Autriche, en Slovaquie, la droite dite extrême, et qui est d’abord celle du sursaut national, est d’ores et déjà parvenue ou associée au pouvoir ou à la veille d’y parvenir. Ce sera sans doute le cas, dimanche prochain, avec la victoire probable de George Simion sur l’establishment usé et corrompu des vieux partis roumains. En Italie, Giorgia Meloni fait, sinon l’unanimité, au moins le consensus. En Grande-Bretagne, fragilisant le vieux système bipartisan, le Reform UK taille indifféremment des croupières au Labour et aux Tories. En Allemagne, le numéro 2 du team Trump, J.D. Vance, n’a pas craint de cautionner et d’encourager l’AfD, qui talonne désormais la bonne vieille CDU…

Le cordon sanitaire n'est plus qu'un souvenir

En France, lors de leur première confrontation, ce jeudi sur LCI, aussi bien Bruno Retailleau que Laurent Wauquiez ont annoncé et même proclamé une rupture historique. Le fameux cordon sanitaire qui depuis cinquante ans maintenait le FN puis le RN, partis légalement reconnus, à l’écart des responsabilités, des majorités, des gouvernements, du pouvoir et de l’espérance du pouvoir, n’est plus qu’un souvenir. C’est à LFI que les duettistes républicains comptent infliger l’apartheid jusqu’alors réservé au parti à la flamme. Qui aurait cru possible, il y a encore quelques mois, que les deux hommes forts de l’ex-RPR évoqueraient, pour l’un, une majorité allant « de Darmanin à Sarah Knafo » (en passant par qui, au fait ?), l’autre en s’adressant, plus prudemment, aux électeurs de Marine Le Pen et d’Éric Zemmour !

Qu’en résultera-t-il ? L’original prévaudra-t-il, une fois encore, sur la copie ? Les porte-parole autoproclamés de la vraie droite mordront-ils, au nom de leur envergure, de leur compétence, de leur respectabilité, sur l’électorat de Le Pen et Bardella ? Tout est possible dans un pays où les gauches, unies ou divisées, ne dépassent pas 30 % des intentions de vote. LR survivra-t-elle ou succombera-t-elle à la cure de droitisation qu’annoncent les déclarations et les prises de position des deux candidats à sa présidence ? Le dissident Éric Ciotti se perdra-t-il sur les bords de la Riviera ou sera-t-il célébré, honoré et récompensé comme un précurseur ? C’est égal, on aura au moins entendu un successeur potentiel de Michel Debré, de Georges Pompidou, d’Alain Juppé, de Philippe Séguin… et du général de Gaulle, juger Marine Le Pen « trop à gauche ». La vie, aussi bien la vie politique, réserve d’étonnantes surprises.

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Dominique Jamet
Journaliste et écrivain Président de l'UNC (Union nationale Citoyenne)

Vos commentaires

29 commentaires

  1. Parler et se revendiquer de  » droite » est maigre et insuffisant, lorsque sa signification est à redéfinir dans ce marasme politicien et cet effondrement des valeurs sociétales et  » républicaines » …. Que veut (encore) dire  » la droite » ?
    Il serait plus courageux de parler de la France aux Français….et de patriotisme….. Ils n’ont pas encore osé…. Le mot « patrie » reste un gros mot dans notre pays, c’est bien là tout le problème. Et pourtant…..plus que de droite et de gauche, la bipolarisation est plutôt aujourd’hui entre patriotes et européistes.

  2. les dirigeants de LR payent la note pour leurs trahisons de leurs électeurs . La forfaiture du traité de Lisbonne à été le dernier clou planté dans le cercueil du parti .

  3. LFI grâce à laquelle, ne l’oublions pas, ils ont parfois été élus…à cordon…cordon et demi !

  4. La colère et le ras le bol sous-jacents sous l’appparente tranquillité du peuple français , vont s’exprimer massivement à chaque prochaine occasion électorale.

  5. Monsieur Jamet, cela ne fait pas 30 ans de gabegie mais, ne vous en déplaise, cela fait plus de 40 ans puisque le début du déclin français date de 1981.
    Sinon, pour les LR, qui pour faire confiance à leurs déclarations ? Eux qui ont favorisé l’élection de macronistes et surtout de l’extrême-gauche du NFP sont perdus pour longtemps. Il faudrait commencer à ne pas voter aveuglément pour le gouvernement à l’Assemblée Nationale ou participer à un gouvernement de fantoches

  6. Pour moi ils resteront des traîtres qui ont cautionne la chute de la France. Trahison un jour trahison toujours. Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent disait Chirac le roi de l’immobilisme.

  7. Les nouvelles recrues LR sont des macronistes voir des LFI. Tous mangent à tous les rateliers.
    Encore faudrait-il vérifier l’exactitude du chiffre des soit-disant nouveaux arrivants? Fake news à la Jamet pour ses petits copains LR , des traitres!
    Tout cela est à fuir!

  8. Rappelons aux français qu’il est judicieux d’aller voter. Surtout pour éviter d’avoir un président mal élu et mal venu au fil de son mandat. (Un peu moins du quart des électeurs). Il faut avoir du poids sur élus et gouvernants .Évitons la chianli. La société civile peut et doit s’exprimer. Regardez la Suisse !!!!

  9. Que veulent les Français , ce que veulent aussi les citoyens des autres pays d’Europe , puisque les grandes décisions politiques sont prises au niveau de l’UE , moins d’immigration et moins d’islam .
    Et on voit monter ainsi les partis que l’on diabolise , extrême drouâââte , populistes , autoritaires , totalitaristes comme si l’autorité et le totalitarisme ne venaient pas de l’UE .
    500 000 migrants chaque année en France et on ne compte pas l’immigration clandestine .

    • Que veulent les Français ? des frontières fermées, une souveraineté, une gestion responsable du pognon, et une police efficace suivie par la justice. Une diminution de l’assistanat, et une suppression des gaspillages et fraudes.

  10. Ne vous leurrez pas. L’Establishment a prévu Édouard Philippe pour succéder à Macron. Les pions se mettent en place. Marine Le Pen a été éliminée, Bardella ne fait pas le poids. Une partie de l’électorat RN va rejoindre sa base,le PS qui se sépare ouvertement d’un LFI officiellement déconsidéré. Retailleau à la charge de récupérer des électeurs LR partis au RN. Donc en avant les déclarations radicales contre l’immigration et l’insécurité. Sachant que la CEDH lie les peuples européens.
    Donc nous assistons à une stratégie pour offrir à Édouard Philippe un gouvernement recentré, avec les extrêmes évacués. Une continuation de l’en même temps de Macron que la dissolution intempestive à perturbé. Bien sûr je me suis inscrite aux LR et j’ai voté Retailleau pour tenter d’infléchir ce prochain gouvernement à droite. Mais sans aucune illusion. La soupe est déjà prête.

  11. Ce parti LR me rappelle le Parti Radical et la SFIO dans les années 60, des astres morts au niveau national, mais qui continuaient via leurs nombreux notables locaux à dominer dans leurs baronnies et surtout au Sénat! Faites l’ exercice de comparaison avec la situation actuelle de LR, ultra dominant au Sénat, dans les régions (Pécresse, Wauquiez, Bertrand, Muselier et d’ autres moins connus) et les conseils départementaux sans parler des villes moyennes innombrables, tout cela malgré le score pitoyable de Pécresse en 2022 qui rappelle celui de….Deferre en 1969! CQFD

  12. En général, chez LR, on attaque avec des profils type Wauquiez-Retailleau, et on finit avec Larcher-Bertrand.

  13. Comment peut-on « espérer quelque chose » du parti des « JUDAS » qui sont nourris à cette façon de fonctionner ? …
    STOP à ces « macron-compatibles » dès que la gamelle est en vue ! …

    • J’ai déjà commenté sur Retailleau et Wauquier, deux menteurs patentés et Illusionnistes équipés d’un ventilateur a la Sarkozy.Surtout ne pas les croire,ils sont prêts à tous les reniements et trahisons malgré leurs belles paroles de séduction, maintenant s’il y a des gens pour continuer à les croire et à être déçus ensuite,grand bien leur fasse.

    • Entièrement d’accord, l’un rêve de Sarah faut il encore qu’elle soit d’accord , l’autre fait dans la veuve poignée depuis des mois , rien à attendre de ces deux pantins juste le maintien du système politique pléthorique qui nous ruine depuis 50 ans .
      A quand la suppression du Sénat la réduction des députés, la diminution des ministères ect ect ..,

  14. L’atmosphère politique « du jour » est bien résumé Monsieur Jamet. J’aurais quelque espoir si ce n’était la méfiance épidermique que me cause tout ce beau monde et notamment ceux qui, en attente d’être maintenu aux postes qui leur seraient éventuellement renouvelés ou échus dans le futur, adaptent leur discours sur l’air du temps. Entrez dans la danse, Messieurs, Dames, moi j’attends de voir.

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