Sommet pour la paix en Ukraine : Macron, vedette américaine ?

La Russie a déjà exclu l'éventualité d'une force internationale positionnée en Ukraine, comme l'annonce Emmanuel Macron.
Capture d'écran Présidence de la République
Capture d'écran Présidence de la République

On est loin de l’époque où Emmanuel Macron répétait à l’envi : « La Russie ne peut ni ne doit gagner cette guerre. » On est quelque peu redescendu sur Terre, car le constat de la réalité commande d'admettre que la Russie a d’ores et déjà gagné cette guerre qui n’est pas terminée. Quoi qu’on en pense. À ce sujet, écoutez ou réécoutez le passionnant entretien du colonel (er) Peer de Jong interviewé par Marc Baudriller, samedi dernier. Ce jeudi 27 mars, après avoir reçu, la veille, le président Zelensky, Emmanuel Macron a présidé un sommet réunissant trente pays, soutiens de l’Ukraine. Objectif affiché : « Bâtir une paix solide pour l’Ukraine et l’Europe ».

« Nous sommes au point de bascule »

Les mots comptent, nous l’avons déjà dit ici, et l’on notera qu’il n’est plus question de « paix solide et juste », comme on avait pu l’entendre par le passé dans la bouche d’Emmanuel Macron. Là aussi, retour vers le réel. Il n’y aura de paix pour Poutine que si – a minima – sont entérinées, de facto ou de jure, les annexions territoriales « légitimées » dans la Constitution russe : la Crimée et les oblasts de Donetsk, Kherson, Louhansk et Zaporijjia. Et donc, cette paix – si paix il y aura – sera forcément injuste au regard du droit international. « Nous sommes très clairement à un point de bascule », a constaté Emmanuel Macron, dans la conférence de presse qu’il a donnée à l’issue de ce sommet. Effectivement. Mais un point de bascule vers quoi ? C’est la question qu’on peut se poser. Vers un engrenage infernal ? Alors, que retenir de cette conférence de presse ?

Macron au salon, Bayrou à la cuisine

D’abord, au plan de la politique intérieure, que Macron, pour exister, a définitivement confisqué le terrain de l’international dans cette cohabitation qui n’en est pas une tout en en étant une (on cohabite au sein même du gouvernement sur pas mal de sujets...). S’appuyant sur une interprétation erronée de la Constitution (le « domaine réservé » n’est écrit nulle part), Macron en profite pour faire la roue au salon de l’international pendant que Bayrou, à la cuisine, poursuit sa tambouille laborieuse pour conserver sa toque de cuistot de Matignon. Il faudrait connaître, par exemple, les ressorts budgétaires qui permettent d’accorder, comme ça, deux milliards supplémentaires d’aide à l’Ukraine alors que la dette publique française dépasse les 3.300 milliards d’euros. On y reviendra.

Ensuite, on retiendra que Macron, tout en saluant « l’effort de paix américain », constate qu’à ce jour, « la Russie fait semblant ». Il est vrai qu'elle redouble d’efforts, actuellement, dans les combats et n’a pas donné de réponse à la proposition américaine d’une trêve de trente jours sans conditions, pourtant acceptée par l’Ukraine. D’où la poursuite du soutien, à court terme, de l’Ukraine. D’où, notamment, ces deux milliards de la France. À la question de savoir si la France a les moyens financiers d’une telle aide, Macron balaye ça du revers de la manche. On cite, de mémoire : cet effort est intégré dans notre loi de programmation militaire (LPM) ; on peut le faire parce qu'on a anticipé et investi ; parce qu'on est en train de renouveler nos matériels (est-ce à dire qu’on refile aux Ukrainiens nos rossignols ?) ; tout cela fait partie de notre trajectoire. Bref : RAS. Dieu (et Charles de Courson !) sait où se terminera cette trajectoire financière…

Déployer une « force de réassurance »

Mais le cœur des propositions « actées » (pour reprendre le mot de Macron) à ce sommet concerne « le jour d’après » (toujours Macron dixit). Le jour d’après ? Lorsque la paix sera revenue. Macron et son collègue britannique, Sir Keir, ont réussi à faire entériner, outre la création d’une mission militaire (le terme n’est pas employé) pour réorganiser l’armée ukrainienne, l’idée d’une « force de réassurance » qui serait déployée en Ukraine en des « points stratégiques » et dont la pointe de tungstène serait franco-britannique. Non pas pour s’interposer mais pour dissuader la Russie de toutes nouvelles velléités en Ukraine. Une proposition qui ne fait pas l’unanimité parmi les pays européens (pas tous, concède pudiquement Macron). Cette force pourrait être dotée des trois composantes (terre, air, mer). Cela fait des semaines que cette option est sur la table et l'on imagine qu'au niveau des états-majors français et britanniques, on y travaille de longue date.

Macron bravache

La Russie a déjà exclu cette éventualité et si Macron, bravache, a répété, une fois encore, qu’en vertu du droit international, l’Ukraine n’avait pas à demander à la Russie pour autoriser le déploiement de troupes amies sur son territoire, on imagine la dangerosité potentielle d’un tel déploiement, dans un contexte de paix fragile. Le moindre incident anodin sur le terrain pourrait mettre le feu aux poudres. Une force de réassurance avec le soutien des Américains ? Là aussi, Macron, tout aussi bravache, répond : « Il faut espérer le meilleur et se préparer au pire. » Sans, par exemple, les moyens de « command and control » américains ? Voire… On peut se demander, d’ailleurs, si cette proposition « actée » par les participants de ce sommet ne fait pas partie d’une certaine gesticulation afin d’aider Trump à peser dans les négociations avec la Russie. Un Trump qui, affirme Macron, aurait salué l'utilité de ce sommet.

En tout cas, dans tout cela, Macron n’a pas grand-chose à perdre. Immédiatement, au plan national, il peut continuer à surjouer son rôle de chef de guerre et maintenir le pays dans un état de pré-guerre, sinon de drôle de guerre, qui lui a si bien réussi au temps du Covid-19, mais aussi à seriner la petite musique lancinante d’une défense européenne qui fait son chemin. Au plan européen, il impose son « lead » (des fois que, pour le coup d’après…) et s’offre même le luxe de raccrocher la frégate Royaume-Uni au bateau ivre européen. Si Trump réussit à arracher une trêve sérieuse à Poutine, Macron aura beau jeu de mettre en avant sa contribution déterminante qui aura pesé indirectement, etc. On vous laisse imaginer la suite du discours. Maintenant, tout cela est très joli, mais dans ce « grand show » international, on est bien d’accord que Macron ne peut prétendre, au mieux, qu’au rang de « vedette… américaine ». Les stars sont ailleurs.

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

139 commentaires

  1. Un  » jeu de rôle » de plus pour ce bonimenteur qui ne sait plus quoi faire pour tenter d’exister et d’occuper le peu de terrain qu’il lui reste  » quoiqu’il en coûte »….! Pitoyable et pathétique…. Encore deux ans à supporter ces gesticulations insupportables…. ça va être très long…

  2. Et l’avis des peuples ? Faudrait peut être les consulter avant de prendre des décisions qui mettent en jeu leur avenir et leur survie.

  3. En effet, la nouvelle position du moulin à vent pourrait lui servir à réaliser son rêve, à savoir, créer une fédération du machin europe. Inutile de préciser qu’il se voit bien à la tête d’une telle monstruosité. A surveiller de près donc…

  4. L’agenda personnel et le projet funeste de défense européenne de Macron transpirent largement dans ces dernières séquences. Son comportement est affligeant et il nous fait honte. Comment peut-on encore le laisser en roue libre ainsi sans contrôle. Il favorise son projet en réfutant la réalité du terrain. Tout sonne faux dans ses derniers propos.

  5. Quand on est fauché, on n’invite pas 30 couples et leurs amis à déjeuner pour bavarder! Ce type est pret à tout pour se pavaner…

    • moi aussi il me fatigue, n’empêche il reste dangereux, lui et son pote britanique n’ont de cesse de continué la provoc envers poupou – Il faut bien se souvenir des dix années aux cours desquels les provocations d’extension de l’otan aux frontières de la Russie on amené poupou à réagir – Sauf que là, la patience de l’ours s’amenuise sérieusement.

  6. Macron est aussi qualifié en art militaire que moi en danse classique. Il est entouré de compétences certaines mais les Généraux sont habitués depuis St.Cyr à ne présenter de caractère que celui qui permet l’accession au grade supérieur . N’est pas de Villiers qui veut dans notre modèle républicain et la victoire de Poutine n’est plus aléatoire désormais.

  7. Tout est dit…quand on a compris cet homme qui n’est que trompe-l’œil dans tous les domaines, qui n’était fait que pour gérer des casinos, on parfaitement compris ce jeu grossier de cet individu.

  8. Macron devrait être destitué depuis longtemps
    Mais « l’opposition «  faisant partie du système , il est toujours là et, sans doute , au moins jusqu’en 2027
    Et pendant ce temps il décide de tout tout seul, et continue de dilapider notre argent (qui n’est sûrement pas perdu pour tout le monde)

  9. Deux milliards à Zelensky pour perdre la guerre.
    Ou je ne comprends rien, ou Macron le magnifique est totalement irresponsable. Anglais & Allemands, acceptent de le suivre !!!? Non, je ne comprends rien.
    Comment va se terminer ce petit jeu de défis ?

  10. « « la Russie fait semblant ». Il est vrai qu’elle redouble d’efforts, actuellement, dans les combats et n’a pas donné de réponse à la proposition américaine d’une trêve de trente jours sans conditions, pourtant acceptée par l’Ukraine. »

    Faux. La Russie a accepté cette trêve de combats sur les plateformes énergétiques. Elle a même demandé à ses soldats d’arrêter les tirs dès la première heure de cette trêve.
    Depuis, Liev tire régulièrement sur les palte formes énergétiques (et tant qu’à faire sur les civils qui habitent tout près) !

    Il serait tout de même intéressant d’avoir de vraies infos et donc de ne pas avoir besoin d’aller les lire sur la presse internationale!

    « Si Trump réussit à arracher une trêve sérieuse à Poutine » = il n’y a pas eu de problèmes avec la Russie (d’ailleurs les Etats UNis l’ont clairement dit et affirmer!), mais avec Kiev qui, comme pour les traités de Minsk (ceci avec l’accord de l’Europe!!!) fait ce qu’il veut et se fiche des trêves comme des civils!

    Par contre, la Russie réfléchi à la trêve sur la mer noire, vu que Kiev ne respecte rien. ce qui me paraît logique.

  11. Le Président a t’il réellement le droit d’engager seul une dépense de 2 milliards d’euros? Qu’attendent les deux chambres pour rappeler leur tôle?

  12. Une alliance avec l’Angleterre ? Une nation qui exclut à toutes les strates de la société ses autochtones au point d’en faire des parias.

  13. Nous savons que ce président est un véritable danger pour notre pays qu’il saccage dans tous les domaines, économique, social, sociétale, à l’international, la France ne ressemble plus à rien, et les femmes et hommes politiques, de droite, de gauche, élus du peuple laissent faire essayant de profiter au maximum de leur avantage et des moyens mis à leur disposition, rien faire des la France et des Français

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