[SANTÉ] Sécurité sociale : le modèle allemand est-il vraiment LA solution ?

Conditionner le remboursement des soins aux revenus de chacun serait un impôt supplémentaire, profondément injuste.
©CreativeCommons
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Alors que la France s’efforce de contenir l’explosion des dépenses de santé, la Cour des comptes suggère de réformer l’assurance maladie en s’inspirant du modèle allemand. Outre-Rhin, le « bouclier sanitaire » repose sur un principe simple : chacun contribue à ses frais de santé à hauteur de ses revenus, jusqu’à un plafond au-delà duquel l’assurance maladie couvre 100 % des dépenses. Résultat : un reste à charge plafonné, prévisible et, surtout, équitable. Les personnes les plus modestes sont même exonérées dès le premier euro et les affections de longue durée sont automatiquement prises en charge.

Côté français, si l’objectif affiché est similaire - garantir la pérennité du système -, la méthode diverge. Le dernier rapport de la Cour des comptes appelle à un programme pluriannuel d’économies pour freiner la hausse de l’ONDAM (Objectif national de dépenses d’assurance maladie), qui atteindra 265,4 milliards d’euros en 2025, soit 8,9 % du PIB, contre 8,2 % avant la crise sanitaire. Mais plutôt qu’un bouclier social, la France privilégie une logique de réduction des dépenses et de responsabilisation des assurés en envisageant une hausse des restes à charge et une participation accrue des patients et employeurs. Sous couvert de s’inspirer du modèle allemand, la France semble opter pour une version bien plus discriminante, sans ajustement en fonction des revenus. Là où l’Allemagne renforce la solidarité, la France risque de creuser les inégalités.

Le financement de la Sécurité sociale est déjà conditionné aux revenus de chacun

Joseph Thouvenel, syndicaliste français, analyse pour BV ce nouveau projet annoncé par la Cour des comptes. Avant tout, dit-il, il y a déjà, dans le système actuel, une part de prorata dans le financement du système de santé. En effet, la Sécurité sociale est financée par des charges qui sont prises sur les salaires : « Plus je gagne, plus ces charges sont importantes. Donc, plus je finance notre système de santé. C’est aussi financé en partie sur les impôts. Or, plus j’ai de revenus, plus je paye d’impôts. » Dans cette mesure, conditionner le remboursement des soins aux revenus de chacun serait un impôt supplémentaire : ceux qui paient le plus de charge et le plus d’impôts auraient moins de remboursement. Il en conclut que « dans une société dont les principes sont Liberté, Égalité, Fraternité, il ne semble pas déplacé que ce principe d'égalité demeure, quand on est malade, au niveau du remboursement, sachant qu’à la base, le financement n’est pas le même [en fonction des revenus]. »

Jean-Baptiste Léon, directeur des publications de Contribuables associés, abonde en ce sens : « Plus une personne travaille et génère de revenus, plus elle paie de charges sociales qui financent, entre autres, la Sécurité sociale. La Cour des comptes, présidée par Pierre Moscovici, voudrait en remettre une couche en réduisant les remboursements pour les individus ayant les revenus les plus élevés. » Il alerte, également, sur les conséquences de la mise en place d’un tel système : « On peut craindre d’expérience qu’une telle mesure finisse par retomber sur les contribuables plus modestes. Un tel dispositif, au-delà de son injustice criante, donne à penser qu’on vise toujours les mêmes, ceux qui font tourner le système et qui sont les éternels cochons de payeurs. »

In fine, Joseph Thouvenel conclut : « Je note avec surprise que ces gens qui parlent d’indexer les remboursements sur les revenus ne se posent pas cette question : comment justifier que des personnes étrangères qui ne participent pas à cet effort national pour avoir des soins de santé puissent venir sur notre territoire et en bénéficier. » Autant de questions que devraient se poser ceux qui pensent s'inspirer du modèle allemand, comme s'il s'agissait simplement de la fameuse Deutsche Qualität...

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Raphaelle Claisse
Journaliste stagiaire à BV. Etudiante école de journalisme.

Vos commentaires

60 commentaires

  1. Cette fois Moscovici est parti sur une autre galaxie . C’est pas la première fois mais celle-ci est la plus forte.
    Il serait temps qu’il envisage de passer à autre chose. Remarquez , à 67 ans il pourrait partir à la retraite fortune faite .

  2. cette proposition de la cour des « comtes » est scandaleuse.
    il serait intéressant de savoir quelles sont les conditions de prise en charge des soins de ces personnes. quel est leur reste a charge? quels sont les délais de consultation privée chez un spécialiste? est-ce qu’ils vont faire la queue aux urgences de l’hopital public?….
    Ce système, s’il est mis place, pénalisera comme toujours sur les classes moyennes qui elles n’ont pas le choix.

  3. En Allemagne, les remboursements ne sont pas fonction des revenus ;où ont il vu cela ? Il y a différentes caisses… notamment les caisses privées auxquelles sont affiliés tous les fonctionnaires.
    À l’hôpital il y a aussi deux régimes : privé et tout-venant.
    Chacun peut payer pour adhérer au système privé ;ce n’est pas très cher, et pas lié aux revenus.
    Je ne comprends pas très bien à quoi on voudrait en venir.

    • « On » veut juste nous faire croire qu’ailleurs cela existe et fonctionne pour nous faire avaler une pilule très amère. Arrêtons de « filer la sécu » gratos à tout nouvel arrivant en invoquant la solidarité via l’AME (a-t-elle seulement une âme cette AME ? J’en doute…).

    • Je suis tout à fait de votre avis, Jill! J’ai travaillé durant 22 ans en Allemagne; donc je sais de quoi je parle. La Krankenkasse ( Caisse de Maladie) est répartie en plusieurs catégories. Chaque catégorie est affectée corporativement. Par ex. Les fonctionnaires sont automatiquement affiliés à la BeamteKrankenkasse ( Kaisse de maladie des fonctionnaires). Les ouvriers possèdent leurs caisses également et cela est valable pour toutes les corporations. Chaque allemand ou étranger travaillant en Allemagne possede une Krankenkasse Ausweiss comme nous en France, nous possédons notre carte vitale. Lorsque vous consultez un médecin, vous ne payez RIEN. Votre ordonnance, vous ne la recevez pas en main mais elle est programmée dans la carte à puce de votre KA. A la pharmacie, vous leur remettez votre KA et ils vous délivrent les médicaments, non pas par boites…mais par nombre exact nécéssaire prescrit par le médecin. La pharmacie vous réclamait (1991) 5DM que vous payiez de votre poche. Le reste était à la charge de votre caisse. Lorsque vous étiez hospitalisé ou que vous étiez en cure thermale:
      1- ce n’est pas vous qui choisissiez votre cure, mais elle était définie par le médecin en fonction de votre pathologie. Les cures étaient en milieux hospitaliers. Vous étiez hébergés et vos repas vous étaient servis. Tout était pris en charge par votre Caisse de Maladie.
      2- Vous perceviez 75% de votre salaire sur votre compte en banque ( de la part de votre employeur). Et 25% de la caisse de maladie.
      3- En cas d’arret de travail, vous deviez rester à votre domicile chaque jour ouvré. Vous aviez des heures de sorties pour faire vos courses et vos démarches privées. Vous aviez à recevoir chez vous des visites de contrôles alléatoires et en cas d’absence, vous deviez rendre des comptes et avoir des raisons importantes et obligatoires. Tous les 10 jours vous deviez vous soumettre à un examen médical (sauf en periode d’hospitalisation ou de cure thermale) qui pouvait racourcir ou prolonger votre arret de travail.
      Par contre, les chômeurs, les « cas sociaux » étaient pris en charge par la Caisse Générale ( AllgemeineKrankenKasse) qui prenait en charge tous les frais médicaux, frais de transports. C’est autre chose qu’en France et les prélèvements ou participations personnels affiliations sont beaucoup moins hautes qu’en France.

  4. Il paraît qu’il n’est, en aucune manière, question d’augmenter des impôts déjà champions du monde…

  5. Depuis 1996, la sécurité sociale est gérée par l’Etat; revenons comme c’était fait auparavant à la gestion paritaire .les comptes redeviendraient à l’équilibre.
    L’état est incapable de gérer l’argent de la collectivité, la seule chose qu’il sait faire , c’est de dépenser à tout va. Freinons sa prodigalité.

  6. C’est injuste car n’auront des droits et des avantages que ceux qui viennent d’ailleurs …et la sécurité sociale doit être la même pour les français …lamentable

  7. Un remboursement au prorata des revenus. Donc, comme pour l’AME, ce seront encore les non-cotisants qui seront les mieux couverts. Ne serait-ce pas, une fois de plus, prendre le problème à l’envers ?

  8. Qui seront bénéficiaires ? les étrangers en France, occupants des HLM et dans l’ensemble ceux qui fraudent déjà.

  9. Les cotisations salariales finançant la sécurité sociale sont déjà proportionnelles au niveau de salaire donc qui gagne mieux paye plus.
    C’est la redistribution qui pose problème puisque ceux qui ne cotisent rien en profitent au même titre que ceux qui financent le système.
    A part une certaine solidarité à destination de ce qui ne devrait être qu’une minorité, devraient en être exclus tous ceux qui n’ont jamais contribué et/ou ne contribueront jamais.
    Ça freinerait l’appel d’air motivant une grande partie de l’immigration.

  10. Même si le monde entier nous apportait la preuve que les calamités augmentent avec l’accroissement de la redistribution, la France resterait ce dernier village dans lequel on continuera à croire aux vertus du socialisme. C’est dogmatique. En 1949, un sondage effectué en Allemagne avait montré que 59% des Allemands considéraient que le nazisme avait été une bonne idée… mal appliquée ! Nombreux étaient les Français qui après l’effondrement de l’URSS, disaient la même chose du communisme. Les opinions politiques sont d’une nature presque chimique, génétique. L’arrimage du remboursement des frais médicaux aux revenus des patients fait partie de toutes ces micro-mesures qui sont à des années-lumière de l’énormité de notre déficit, mais qui donnent bonne conscience à ceux dont le cerveau voit le problème, mais dont les tripes refusent les vraies solutions. Ceci rappelle le bouquin dans lequel Georges Fenech racontait l’histoire de son collègue magistrat qui, recevant le jeune délinquant qui venait d’être pris en flagrant délit d’arrachage du sac à mains d’une dame, lui avait expliqué que le forfait était grave et l’obligeait à l’admonester. Le magistrat était convaincu d’avoir apporté une véritable contribution à l’assainissement de la banlieue. Dramatique ou hilarant ? Les deux, mon capitaine.

    • en profitent au même titre que ceux qui financent le système… pas du tout: c’est mieux pour eux, ils sont à 100% !

    • Comme beaucoup de retraités , je paye à prix d’or une mutuelle pour compenser ce que la SS me rembourse de moins en moins . Malgré cela , j’en suis encore de ma poche à la pharmacie tous les mois . Je me dirige de plus en plus vers le privé pour me faire opérer parce que le public est saturé et ne me prend plus en charge dans des délais raisonnables que mon âge impose . Là encore , l’argent sort de ma poche à coups de dépassements d’honoraires . Je me prive sur autre chose pour compenser ( voyages , sorties..). Mes indemnités de retraite sont dans la moyenne des retraites françaises . Je pense donc que je ferai plus ou moins partie de ceux qui devront payer une part plus importante . Cela commence à faire beaucoup .

  11. Le pouvoir est entre les mains de gens qui se retrouveraient très vite en déficit même s’ils prélevaient 100% des revenus et de l’épargne des Français. Pendant que l’on nous distrait en polémiques sur de nouvelles options ayant pour finalité de nous prendre plus et de nous donner moins, on perd de vue que le seul et unique problème qu’il nous faut régler urgemment c’est l’éviction de cette caste qui gouverne contre la volonté et le bien du peuple.

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