[SANTÉ] Loi déserts médicaux : deux jours dans la vraie vie

Les manifestations d’étudiants en médecine (les seuls, notons-le, qui rapportent de l’argent à l’État) n’y auront rien changé, le Sénat vient d’adopter une mesure que l’Assemblée confirmera probablement avec gourmandise : imposer aux médecins d’aller exercer « jusqu'à deux jours par mois » dans ce qu’ils appellent un désert médical, au risque d’une « pénalité financière […] de 1.000 euros par jour ».
Il faudra d’abord caractériser ces déserts, dont la majorité des Français constate qu’ils sont en réalité un peu partout. Il reviendra donc aux agences régionales de santé (ARS) de trouver la formule mathématique magique à douze paramètres par laquelle elles les définiront, tâche pour laquelle l’intelligence artificielle ne sera pas de trop.
Qui pour remplacer qui ?
Détail intéressant et fiction : le médecin expédié dans une plaine à corbeaux pourra se faire remplacer. Illustration avec le Dr Paul, installé à Glandage (Drôme). On lui impose d’aller travailler deux jours au Fion (Haute-Savoie). Pendant ce temps, Eusèbe peut le remplacer à Glandage. Une question vient immédiatement à l’esprit : pourquoi Eusèbe n’irait-il pas plutôt lui-même consulter directement au Fion ? Probablement trop simple… Et si Paul ne se fait pas remplacer à Glandage pendant qu’il est au Fion ? C’est simple : au grand ravissement de ses patients, il met « Faites le 15 » sur son répondeur pendant 48 heures.
Qui pour régler les notes de frais des réquisitionnés ?
Mais en réalité, plutôt que de Paul et Eusèbe, il faudrait parler d’Iris et Amandine, parce que la profession s’est extrêmement féminisée. Que feront ces jeunes femmes de leurs enfants, pendant leur relégation ? Embaucher des nounous ? Payées par qui ? Solution évidente : deux jours d’arrêt de travail à leur compagnon…
Il faudra aussi que ces réquisitionnés se rendent sur les lieux de leurs futurs exploits. En voiture, peut-être, s'il ne s’agit pas d’une ZFE. Sinon, ce sera TGV, puis TER, puis autocar, avant de découvrir un sinistre Formule 1™ ou la chambre d’hôte du père Mathieu. On présentera une note de frais ?
Pour les zones élues par le système, il faudra aussi informer : « Avisss à la po-pu-la-tion ! Mardi et mercredi prochains, un médecin sera à votre disposition dans la salle de billard du Café du Commerce. » Mais avec quel matériel ? On ne sait.
Dernier problème : dès lors que vous êtes tenu d’effectuer une tâche, et que celui qui vous l’assigne peut vous sanctionner, un tel lien de subordination ajoute nécessairement à l’exercice libéral une forme de salariat et, donc, un contrat de travail. En l’occurrence, l’application d’une grille de salaire qui, appliquée à des bac+10, aurait de quoi faire couiner Bercy. Un beau combat pour les syndicats médicaux, tandis que l’Ordre se couchera comme d’habitude.
C’est un grand classique, les hommes de l’État créent une calamité, puis en inventent une seconde pour pallier la première. Mais quelque chose nous dit que celle-là n’est pas près de voir réellement le jour…

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33 commentaires
J’habite Cahors. Essayez de trouver un généraliste, un cardiologue , un dentiste, un ophtalmo (le dernier cabinet installé 1000 appels le premier jour et intervention de la police cela tourner à l émeute sur place.
Les professionnels de santé se font insulter au téléphone par des patients qui n’ont personne pour les soigner
Magnifiquement expliqué ! tout est dit ! bravo !
et nos pauvres internes et médecins qui font les frais de ces gouvernements qui ont conduit la France à l’abîme.
Courage à ces médecins et futurs médecins dont nous avons tant et tant besoin.
Tout mon soutien
Excellent article avec un bel humour féroce. Encore une mesure absurde. On rit mais on s’afflige aussi.
Selon un site d’IA bien connu, une année d’études de médecine coûte (à l’État) 30 000 €/an.
L’Étudiant paie moins de 500 €… C’est à dire un fifrelin…
Il semblerait logique, qu’une fois son diplôme acquis, le médecin aille pratiquer, par reconnaissance et pour un certain temps, où on lui dit d’aller !
Libre à lui de s’exonérer plus tôt de cette obligation en remboursant ses études.
D’ailleurs, on peut imaginer que les communes ne seraient pas opposées à mettre à leur disposition un cabinet et un logement pour un loyer minuscule, voire gratuit.
Cette solution de 2 jours par mois est débile : outre les coûts, les patients verront un médecin différent à chaque consultation ???
Imposer 2 jours par mois de présence dans les désert médicaux : mais quel constat accablant, quel aveu d’échec à gérer normalement le pays : même pas fichu de permettre que les français aient une médecine normale, correctement répartie sur le territoire : quelle incompétence !
Supprimons vite les Agence Régionales de Santé, elles sont nulles.
Glandage…
Fion…
Pleine à corbeaux…
Cela résume bien le mépris de classe de la part d’une petite bourgeoisie qui profite du système de santé français.
Les habitants de ces déserts médicaux n’ont qu’à se taire. C’est le même mépris de classe concernant les ZFE.
Les #geux sont méprisés par bien du monde dans ce pays…
Réfléchir aux conséquences pratiques ? Vous en demandez trop à ces gens là
Mais cher confrère si les politiques réfléchissaient aux conséquences de leurs décisions, cela se saurait et la France ne serait pas dans l’état où elle est.
Oui
Mais quelle usine à gaz ont-ils encore inventée! Ceci dit au Fion en Haute Savoie ceci peut expliquer cela…
Pourquoi ne pas plutôt demander aux médecins de travailler un an ou deux dans une zone démunie de médecins au début de leur carrière. Et qui sait, ils pourraient s’y plaire et y rester ?
Ça , c’est une solution facile et logique , il est à parier que nos petits hommes gris ne l’utiliseront pas .
juste une question perfide … était ce bien utile de choisir cette photo pur illustrer cet article ? selon moi c’est soit une projection temporelle dans nos campagnes … soit une provocation déplacée surtout sur ce site qu’est BV !
Vous êtes un peu à côté de la plaque, il me semble.
Les déserts médicaux ne sont pas tous à la campagne. Au contraire la photo illustre très bien par exemple le département 93, désert médical en regard de sa riche population diversifiée ( et Bvd aurait même pu choisir une photo avec un médecin « racisé », sans déformer la réalité.
Il n y a pas que de vieux français de souche qui sont en recherche de médecins ). Ou bien j ai mal compris et vous regrettez que boulevard Voltaire n’ est pas choisi une photo d’ un jeune médecin venu d’ Afrique pour suppléer au déficit de natalité de médecins hexagonaux ? Ou trouvez vous BLD Voltaire déconnecté de la réalité en affichant 2 jeunes pour illustrer les problèmes de santé dans une France vieillissante. « Cacher ces jeunes femmes que je ne saurais voir »?
Je ne veux ( peux ) pas trop commenter ce que je ne connais pas très bien ( sur le plan du comment et du pourquoi nous en sommes arrivés là. Certes, les banderoles » cherchons médecins » fleurissent _ en ruralité _ Maisons de retraite etc ). Juste un élément ( comme ça, en passant ). Attendu que le tiers payant rembourse presque toutes les consultations ( sinon les médecins ne verraient que peu de patients, et en mauvaise santé de surcroit ), ils pourraient peut-être aller quelque peu dans les déserts ( cela doit être discuté, négocié etc ) et non forcément dans des endroits très avenants ( j’avais été très impressionné par le nombre de médecin à Hyères , en me promenant dans les rues ). Là encore, justice et justesse…
A propos de désert médicaux, un autre désert se profile. La cours (dite) de justice de la république est en cours d’admnistier les promoteurs du scandale COVID, soit Édouard Philippe, Agnès Byzun, et le pire de tous Olivier Véran !
J’ai vu ça, quelle honte, une fois de plus !
« C’est un grand classique, les hommes de l’État créent une calamité, puis en inventent une seconde pour pallier la première. » Pour essayer de pallier, ce qui aboutit régulièrement à en créer une troisième.
Et pour enterrer un problème, on crée une commission …
Favoriser les remplacement en zone rurale par des incitations financières.
Au moins avoir un médecin des villes pour quelques semaines