[SANTÉ] BV à la rencontre des soignants qui « ne veulent pas tuer »
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Parce qu'au chevet des personnes en fin de vie, ils côtoient la mort quasi quotidiennement, ils devraient être pièce maîtresse du grand débat autour de l'aide à mourir : le collectif de professionnels de santé « Soins de vie », regroupant plusieurs associations, convoquait la presse, ce mardi 13 mai. Ceux-là veulent être « la main qui soigne et non la main qui tue ». Ils s'inquiètent des critères écrits dans l'actuelle proposition de loi fin de vie pour déterminer qui aura le droit au « droit de mourir ».
La question cristallise les oppositions. Selon le texte qui sera débattu à l'Assemblée nationale, seraient ainsi éligibles au droit à mourir les patients « atteints d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale » ; cette dernière, provoquant une « souffrance physique ou psychologique réfractaire aux traitements ou insupportable », sera un point clé du débat. Même la Haute Autorité de santé est réfractaire et juge « impossible » de définir un pronostic vital « à moyen terme ».
Dans la salle, l'émotion est palpable. Parmi la quinzaine de professionnels de santé présents, le Dr Manuel Rodrigues (oncologue), Claire Fourcade (présidente de la SFAP, Société française d'accompagnement et de soins palliatifs) et l'ancien ministre de la Santé (sous le gouvernement Juppé) également ancienne députée Élisabeth Hubert, venue représenter l'association Hospitalisation à domicile. Aux côtés de leurs collègues infirmiers, psychologues, psychiatres, tous ces professionnels de terrain ont beaucoup à dire.
« Fixer des critères pour l’éligibilité au droit à mourir est une fiction »
La question des critères pour « le droit de mourir » cristallise les inquiétudes : « Fixer les critères de l’éligibilité au droit à mourir est une fiction », balaie d’emblée un médecin membre de la SFAP. Un constat partagé par ses confrères : « Le médecin ne peut pas tout ; il est incapable de poser le diagnostic qui déterminerait le nombre de mois, voire de semaines qui restent à vivre à un malade condamné. »
Le Dr Manuel Rodrigues développe : « Il y a environ 400.000 nouveaux cas de personnes atteintes de cancer par an, parmi lesquelles la moitié récidivent. La phase avancée démarre très tôt. Faut-il considérer ces 200.000 patients comme répondant au critère de maladie grave et avancée exigé par la proposition de loi ? » « Pour nous, les spécialistes, ces critères ne veulent rien dire », abonde le neurologue chercheur Pierre-François Pradat, qui connaît le sujet - c'est un spécialiste de la maladie de Charcot, qui touche 1.400 Français par an. « Chaque jour, je pourrais déterminer 4 ou 5 nouveaux de mes patients "éligibles" à ce droit à mourir », s'alarme-t-il.
« Beaucoup de parlementaires ont découvert tous les aspects autour de cette question de la fin de vie » explique le Dr Rodrigues, membre du collectif "Soins de vie". « Il y a eu un vrai questionnement : l'ouverture large avec des critères vagues serait-elle une bonne chose ? » pic.twitter.com/b440o0PMnS
— Boulevard Voltaire (@BVoltaire) May 14, 2025
Des députés aux antipodes de la réalité du terrain
La déconnexion entre ceux qui vont décider et la réalité est sur la table. Faroudja Hocini est psychiatre psychanalyste. Cette brune dynamique respire l'énergie. À son tour, elle prend la parole et commence par faire amende honorable : « J'ignorais tout ; je suis bardée de diplômes universitaires, mais avant de rencontrer ces personnes qui sont là devant vous et qui ont la pratique de la fin de vie, j'étais à côté de la plaque. Il faut bien se rendre compte que la France s’apprête à faire tomber l’interdit de tuer. Jusqu’à présent, le fait de tuer avec l’intention de donner la mort avait toujours été sanctionné. Si l’euthanasie est votée, la mort donnée avec l’intention de le faire sera désormais considérée comme une mort naturelle. Cette loi universelle et symbolique qui protège les plus vulnérables sera supprimée. »
« Les députés sont aux antipodes de cette réalité que nous vivons », martèle Isabelle Hubert, qui pointe sévèrement du doigt ses anciens collègues. C'est, confie-t-elle, auprès de son association de soins à domicile qu'elle a beaucoup appris (100.000 patients sont actuellement pris en charge en soins palliatifs à domicile). Elle rapporte « la qualité des derniers moments de ces patients décédés à la maison qui ont eu le temps de "dire les choses", comme le rapportent les proches eux-mêmes ». Pour elle, « ce projet de légalisation d’un droit à mourir est un projet de CSP+ bien portants et jeunes qui ont des moyens ». Claire Fourcade, médecin en unité de soins palliatifs depuis vingt ans, auteur de Journal de la fin de vie (Éditions Fayard), préside l'AFSAP. Depuis les prémices des premiers projets de loi euthanasique, elle n'a pas ménagé sa peine, multipliant les rencontres auprès des politiques. À son tour, elle témoigne : « Nous, professionnels de santé engagés dans les soins palliatifs, sommes au contact. C’est nous qui portons ce non au droit de mourir au nom de la société. Si la fin de vie était intenable, si nous n’y arrivions pas, ce serait à nous de demander à ce que les choses bougent. Ce n’est pas le cas : au quotidien, on y arrive ! »
Délit d'entrave, équipes fracturées, toute-puissance des médecins, infirmières rétrogradées
Dans la salle, les échanges se poursuivent entre journalistes et professionnels de santé autour des menaces qui pèsent sur l'exercice de leur profession si la loi est votée. La création du nouveau « délit d'entrave » pénalement sanctionnable revient beaucoup ; tous se sentent concernés. Mais ce n'est pas tout : « Ça va détruire nos équipe », alerte une infirmière. Isabelle Hubert développe : « Comment les choses vont s'organiser dans les établissements de santé : qui de nous sera volontaire pour donner la mort ? » Sophie Chrétien, pour l'ANFIPA (Association nationale des infirmières en pratiques avancées), renchérit : « Comment imaginer que dans un même lieu, on donne à la fois le soin et la mort ? » Émue - vingt ans de pratique en soins palliatifs ne peut laisser indifférent à ce qui se joue -, elle redoute « cette toute-puissance qui sera donnée aux médecins pour décider de la mort du patient, tandis que les infirmières seront ravalées au rang de simples exécutantes tout juste bonnes à administrer le produit létal sous peine de poursuites pour entrave ».
Une psychologue en soins palliatifs, Sarah Piazza, ne s'y résoudra pas : « Jamais je n'ai dit et ne dirai "OK" à un patient qui me demande de mourir, ce n'est juste pas mon métier. » Un collègue infirmier, Thierry Amouroux (Syndicat national professionnel infirmier) prend à son tour la parole : « Il ne faut pas oublier que les patients en souffrance sont dans des situations fluctuantes. J’en ai côtoyé beaucoup qui, à un moment donné, souhaitaient mourir mais qui, une fois la douleur soulagée, ont changé d'avis. J’en ai même vu certains faire des projets de mariage ; la vie repart ! » Comment imaginer accéder à une demande de mourir en seulement quinze jours ?
Tous s'accordent pour dénoncer une proposition de loi qui « focalise sur l'exception et va diviser la société ». Avec un bon sourire, Claire Fourcade nous confie, à part : « Nous essayons de mettre le réel de nos pratiques dans cette réflexion de société. Il faut que les députés puissent voter les yeux ouverts et que l'ensemble de la société puisse comprendre les enjeux. Il faut que l'on puisse se dire qu'on a fait tout ce qu'on pouvait... »
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25 commentaires
Si certains malades étaient mieux pris en charge côté douleur, ils ne voudraient pas « partir »
Pour les soignants, il y a eu ceux qui n’ont pas hésité pendant le covid pour nos aînés en EHPAD et d’autres heureusement qui ne sauteraient pas le pas.
Euh… ôtez-moi d’un doute : un médecin n’a-t-il pas le droit de refuser de pratiquer un avortement, en faisant valoir la « clause de conscience » ? Qu’est-ce qui empêcherait de faire valoir la même clause, pour refuser de pratiquer une injection létale à un malade qui l’aurait demandée ?
Tout à fait .
L’accompagnement d’une personne en phase terminale à mettre fin à ses souffrances, n’est pas tuer.
Il serait insupportable d’envisager qu’une loi sur l’euthanasie soit votée par des incultes, qui, pour beaucoup d’entre eux ,ne savent pas ce que signifie euthanasie.
Un collège de médecins doit pouvoir donner son avis.
Il n’est pas nécessaire de légiférer…
La confiance entre le patient et son médecin est primordiale.
Une loi immanquablement aboutirait à des dérives comme c’est TOUJOURS le cas.
Monseigneur Lustiger en sait quelque chose et en parle très bien…
La loi sera présentée en douceur…puis évoluera très vite..
D’abord les malades incurables dont les souffrances sont insoutenables…
puis les handicapés, les trisomiques, les malades mentaux, les vieux avec des pathologies multiples,
Tous ceux qui seront jugés comme des êtres inutiles…par la société du moment…
Les soignants doivent se mobiliser pour que ce ne soit pas une loi,mais un consensus entre médecins et patients.
Des classes dirigeantes qui ont la tête ni pleine ni bien faite : faisons comme ces maires qui refusent d’appliquer des lois stupides, contraires à la sécurité, au bon sens, à la simple intelligence (Robert Ménard a donné l’exemple qui commence à être suivi).
C’est un devoir de résistance à la folie technocratique, idéologique qui nous enfonce jour après jour.
Un patient réduit à l’état de légume, incurable, qui souffre…doit-on le laisser souffrir encore des mois, parfois des années ?
On abrége bien les souffrances d’un animal âgé ou pas mais incurable ……
Ce ne doit être qu’une délivrance.
Les « tueurs à gages » pressentis seront-ils suspendu quand ils refuseront la mission qui leur est assignée ?
Ce n’est pas à un médecin ou quiconque de décider à la place d’un patient qui se trouve en phase terminale d’une maladie. La médecine palliative évoquée tout le temps connait rapidement ses limites quant au traitement de la douleurs, et à part les plonger dans un coma il n’y a pas d’autres moyens. Les médecins vous dirons que ce n’est pas vrai, mais mon épouse se trouve dans une telle situation et croyez moi elle souffre tous les jours, elle n’est jamais sans douleurs…et même après une hospitalisation de 8 jours dans une unité de soins palliatives pour réajuster son traitement cela n’a pratiquement servi à rien sauf augmenter sa dose de morphine de 20 mg. La prise de morphine quotidienne est également liée à un état nauséeux presque permanent…etc etc, alors par pitié laissez les patients décider de leur fin de vie ! Ce qui se passe en France actuellement c’est que les gens qui veulent mourir sont obligées d’aller en Suisse ou en Belgique ! Croyez vous vraiment qu’un pays comme la Suisse n’a pas réfléchi longtemps avant de donner le feu vert pour l’euthanasie assistée ?
Bien d’accord avec vous , mais il faut laisser au médecin la possibilité qu’offre la clause de conscience .
Mais c’est exactement cela…la confiance entre le malade et son médecin…
C’est au malade de décider et au médecin de faire ce,que lui demande son patient au moment où il le lui demande quand tous les deux savent qu’il n’y a pas d’autre solution.
Mais une loi.. c’est impensable..!!
Il faut avoir lu l’éditorial de Laurence Ferrari dans le JDNews pour se sentir étouffé par ce qui se prépare : atroce, inhumain, je cherche les mots exacts pour dépeindre ce que bientôt, sans doute, on inscrira dans la constitution. Exemple : ma mère est malade, il est temps qu’elle parte, son médecin établit une ordonnance, je passe à la pharmacie, la seringue contenant le liquide létal … je vous épargne la suite. Orwell et Huxley feront bientôt figure d’enfants de chœur. IVG pour les enfants trisomiques, euthanasie pour les alzheimer, l’eugénisme est en marche.
Enfin des gens pleins d’humanité qu’on devrait écouter parce qu’ils savent avant de dire au contraire de politiques de bas étage qui disent avant de savoir et qui n’apprendront jamais trop imbus de leur personne
« Sarah Piazza ne s’y résoudra pas : « jamais je n’ai dit et ne dirais « ok » à un patient qui me demande de mourir, ce n’est juste pas mon métier » »
Moi non plus.
« J’en ai côtoyé beaucoup qui, à un moment donné, souhaitaient mourir mais qui, une fois la douleur soulagée, ont changé d’avis. »
Là aussi, moi aussi =Je me souviens d’un malade qui un jour me dit = « madame, tuez moi ». Je le regardes étonnée et il me dis en riant = « je vous demande cela à vous, car je sais que vous, vous ne le ferez pas. » Et nous avons ri tous les deux. En effet, ce malade, qui demandait l’euthanasie, une fois soignées ses douleurs, a demandé un acharnement thérapeutique!
Il avait retrouvé l’amour de sa famille, le contact humain avec l’équipe soignante et il était heureux. En fin de vie lorsqu’il est entré dans nos services, il est mort 8 ans plus tard, n’ayant pas du tout envie de mourir.
Oui, » « ce projet de légalisation d’un droit à mourir est un projet de CSP+ bien portants et jeunes qui ont des moyens ». ». Je tiens à souligner les mots « Bien portants et « jeunes ».
Que ceux qui sont pour l’euthanasie tuent leurs amis, leurs parents malades eux mêmes avec un huissier pour formaliser la chose, mais qu’ils n’imposent pas ce meurtre à ceux qui ont comme choix de soigner, et chouchouter leurs malades jusqu’au bout de leur vie.
Incapable d’offrir des soins palliatifs pour tous, Macron préfère tuer les indigents malades! Avec tout le pognon qu’il gaspille, on aurait pu résoudre dignement la fin de vie.
Bravo et profond respect aux soignants qui refusent de faire la piqûre Finale ..ils travaillent pour la vie des malades et ce ne sont pas des Bourreaux..
Effarant honteux
Imaginez des médecins « formés » a l’étranger, supplétifs des hôpitaux et chargés de soins palliatifs surchargés.
« Comment imaginer que dans un même lieu on donne à la fois le soin et la mort ? » : en France, on aime bien se gargariser avec ce genre de grandes phrases idiote, cela permet de donner au corps médical une toute puissance qu’à mon avis il ne mérite pas. Il en a déja de trop, quand on sait qu’on ne peut pratiquement plus trouver en France un médicament sérieux sans ordonnance. Quand on se rappelle toutes les stupidités qui ont été énoncées par des professionnels de santé à propos du COVID, que ce soit par ignorance ou par cupidité, ces gens ont cessé de m’impressionner. Qu’on laisse l’interessé décider de son sort. Ce dossier est bien le seul sur lequel je suis d’accord avec Macron à 100%.
Salut boulevard Voltaire et bon vent.