[L’ÉTÉ BV] Royaume-Uni : le Brexit est-il vraiment la catastrophe annoncée ?

En matière de souveraineté, le Brexit est une condition nécessaire mais non suffisante : tout dépend de ce qu'on en fait
brexit day

Tout l'été, BV vous propose de relire certains articles de l'année écoulée. Ici, des nouvelles de notre civilisation.

Depuis que les Britanniques ont choisi par référendum de quitter l’Union européenne en 2016, les défenseurs de l’UE leur promettent un enfer et nous menacent du même sort si nous leur emboîtions le pas. Selon certains, la prophétie Brexit catastrophique s’est réalisée.

Dans le camp Macron, Clément Beaune, ancien ministre délégué chargé de l’Europe puis des Transports, s’est récemment distingué par ses attaques contre le Brexit. Venu défendre la liste de Valérie Hayer aux européennes à Strasbourg le 18 mai, il s’est ainsi lancé dans une diatribe anxiogène. Il avait déjà partagé le 4 mai, sur X, un article du Monde affirmant « le lent effritement du commerce britannique ». « Fin 2023, les importations et exportations de biens au Royaume-Uni étaient 10 % en dessous de leur niveau de 2019, avant la pandémie, tandis que celles des autres pays du G7 étaient 5 % au-dessus en moyenne. » Qu’en est-il, vraiment ? Comme l’article le précise lui-même, « si le commerce des marchandises a souffert, les importations et exportations de services sont, en revanche, en pleine forme au Royaume-Uni ». Tant et si bien que le pays est récemment devenu 4e exportateur mondial... devant la France !

« Les problèmes qui affligent le pays ne sont pas structurellement liés au Brexit, explique à BV Charles-Henri Gallois, président de Génération Frexit et financier. Le mix énergétique britannique est très dépendant du gaz et, donc, est lourdement impacté par les sanctions contre la Russie. La Banque d’Angleterre fonctionne comme la BCE et alimente l’inflation en faisant tourner la planche à billets et les taux variables sont rédhibitoires pour la consommation des ménages, notamment pour les emprunts immobiliers. »

De l’importance de l’industrie et de la City

Le Brexit en soi n’est donc pas une panacée. En matière de souveraineté, c’est une condition nécessaire mais non suffisante. Tout dépend de ce que le gouvernement britannique en fait, et il a désormais les mains libres pour choisir sa politique. Pour l’économiste Philippe Murer, interrogé par BV, tout le problème est là : « Les Britanniques n’ont rien fait du Brexit ! Sauf, il faut le reconnaître, que le SMIC a augmenté et qu’il est désormais supérieur au SMIC français. Mais sur le reste, rien ! »

Selon lui, il faudrait aux Britanniques non pas un Brexit mais un « City-exit ». La City de Londres est en effet la première place financière d’Europe. Contrairement à ce que redoutaient les Cassandre, elle n’a en rien perdu de sa superbe. Si son influence a permis à Londres de garder une partie de sa puissance, elle l’empêche en revanche de se développer comme elle l’entend. En effet, la City a besoin de libre-échange. Or, celui-ci se fait nécessairement au détriment de l’industrie, cœur de la puissance du pays, selon Murer : « Si un coiffeur est mieux payé à Londres qu’à Katmandou, ce n’est pas qu’il coupe mieux les cheveux, c’est qu’il bénéficie de la richesse produite par l’industrie de son pays. » À ses yeux, le Brexit n’a donc pas été une catastrophe mais il ne peut, à lui seul, libérer le potentiel britannique car l’importance de la finance Outre-Manche empêche toute forme de planification et de protectionnisme.

Un bilan mitigé

Cependant, même si certains de ses résultats ne sont pas probants, le Royaume-Uni n’a de quoi rougir. Le taux de chômage y est récemment monté à 4,3 % ; il est de 7,5 % en France. Le SMIC horaire britannique est passé, cette année, à 11,44 livres, soit 13,43 euros (bruts). Il est ainsi supérieur, pour la première fois, à son équivalent français, à 11,65 euros.

On pourrait rétorquer que la valeur de ce chiffre dépend essentiellement de l’inflation, mais là aussi, le Royaume-Uni tire son épingle du jeu. Selon les calculs de Charles-Henri Gallois, l'inflation était en 2023 de 4,2 % pour les Britanniques et de 4,1 % pour les Français. Au regard de la hausse des salaires (7,3 % au Royaume-Uni, contre 4,3 % en France), cela signifie que le gain théorique de pouvoir d’achat des Britanniques, en 2023, fut de 3,1 %, contre 0,2 % en France… Il ne faut pas, en revanche, extrapoler ces chiffres pour les appliquer à un éventuel Frexit. La situation de la France comme celle du Royaume-Uni sont uniques. Mais pour que le débat public se structure de manière rationnelle et dépassionnée, il est toujours meilleur de rappeler les faits plutôt que d’agiter les peurs.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 22/07/2024 à 15:54.

Vos commentaires

28 commentaires

  1. Les Britanniques n’auraient jamais quitté l’EU si cette dernière avait apporté les réformes nécessaires et désirées encore aujourd’hui par un grand nombre de ses members. Comme toujours les médias donnent une image complètement fantaisiste de ce qui se passe vraiment de l’autre côté de la Manche. Les termes du Brexit ont négativement affecté beaucoup de domaines rendant la reprise du pouvoir souvent difficile comme l’immigration par exemple où, en dépit de la sortie de l’EU, il a fallu trouver des réponses aux obstacles imposés par Bruxelles lors du Brexit. On voulait faire un exemple pour dissuader d’autres pays d’imiter le Royaume-Uni. L’année dernière, la balance migratoire a baissé de 10% au Royaume Uni soit 685 000 personnes. On se féliciterait si on enregisterait le même chiffre en France.

  2. Le ministre Beaune voit parfaitement les disfonctionnement Anglais, mais en revanche ne peut voir l’état dans lequel est la France. Quel talent, il faut absolument conserver dans les plus hautes fonctions un tel observateur.

  3. Les chiffres économiques publiés par le Royaume Uni sont bons et en ligne avec ceux qui sont publiés dans l’Union.
    Le Brexit n’a pas eu de véritable effet négatif.
    Le pays devrait plutôt s’inquiéter du communautarisme.

  4. Nos gaulois de dirigeants négligent leur histoire. Il est vrai qu’en « progressisme », on ne regarde jamais en arrière….. sauf dans le cas des opportunes et nombreuses exceptions. Le Royaume Uni a été un puissant empire. Ils savent donc commercer. S’ils restent modestes dans leurs déclarations, ils ne prétendent surtout pas donner des leçons à des dirigeants qui conduisent 1.4 milliards d’individus alors que certains, suivez mon regard, peinent à en conduire 70 millions. Le rééquilibrage d’une politique ne se fait pas du jour au lendemain. Imaginez la France devenir indépendante, hors Union ! Pas d’industrie ou si peu, tous les secteurs en désagrégation, imaginez la chute. A ce jour, nous sommes pieds et poings liés à l’Union. Notre seule voie, retrouver nos autonomie et souveraineté dans l’Europe Unie. Retour aux salutaires premiers pas de l’Union qui ont permis les trente glorieuses.

  5. Ici aussi, la propagande marche à plein régime. Le problème des anglais, s’il en est, se situe ailleurs: lire le dernier livre d’Emmanuel Todd intitulé « la défaite de l’occident ».

  6. Pourquoi nos paysans sont-ils allés manifester à Bruxelles ? Parce que c’est là bas que leur sort se joue. Ni le président, ni le premier ministre et encore moins le ministre de l’agriculture française non leur mot à dire, quand les oligarques de l’UE ont décidé, les peuples n’ont qu’à obéir. Quelque qu’en soient les conséquences, les Anglais ont eut raison de reprendre leur destin en main. L’ultime liberté c’est de pouvoir décider de son sort.

  7. Contrairement au Brexit, qui n’est pas la catastrophe qui était annoncée par les tenants d’une Europe fédérale, le Frexit, serait autrement plus difficile à réaliser, pour la bonne raison que nous n’avons plus de monnaie nationale et surtout que nous avons une dette abyssale, que non seulement nous ne pourrons jamais rembourser, mais qui augmentera tous les ans, quel que soit le parti qui sera au pouvoir. Ceci étant, ceux qui dirigeront vraiment la France dans leurs grandes décisions, ce sera nos créanciers. En Italie Meloni, en a fait l’expérience.

    • Voilà pourquoi Macron continue à creuser la dette. Cependant, contrairement à meloni la France est un gros contributeur et, celui qui paie les musiciens choisit la musique.

    • Les Français ont de l’argent.
      Certes, nous faisons appel aux marchés financiers car nous avons à la tête du pays des dirigeants INCAPABLES d’équilibrer un budget depuis 1978 !?!
      Un Frexit serait un grand moment de vérité car la priorité nationale devrait s’appliquer par la force de la réalité.
      Comment tolérer un déficit budgétaire annuel de 166 MILLIARDS cette année, quand « en même temps », on dépense pour les étrangers, pour les syndicats corporatistes et qu’on se fait réélirer en faisant des Milliards de dépenses pour sa clientèle électorale ?
      Les dirigeants français savent bien qu’ils tiennent les retraités par le bout du nez et c’est ce socle électoral qui ne permet pas de prendre les décisions courageuses pour la France.
      Mais tôt ou tard, les Français payeront l’inaction et l’absence de courage politique.
      Il est temps de purger les finances publiques !

      • Certes, les Français petits et moyens ont (encore) de l’argent, c’est pour cela que nos créanciers continuent à nous prêter, mais après les olympiades, je pense que le gouvernement va alléger nos comptes, livrets et assurances vies, plus augmentation de la TVA, des charges et assurances de toutes sorte, etc, etc.. Quand au Frexit, ce serait surement un moment de vérité, mais qui serait peut-être moins glorieux qu’on ne pourrait le croire.

  8. Après les horribles guerres du XXeme siècle, l’Europe nous a été vendue pour garantir la paix.
    Qu’en est-il aujourd’hui ?

  9. Vous pouvez rappeler aussi que la croissance au Royaume Uni est bien supérieure à celle de la France, même 5 fois supérieure depuis le début de l’année.

  10. Ils sont gagnants mais il leur faut du temps pour réparer ce que l’UE a saccagé chez eux . Et si quelqu’un pouvait me citer les avantages que nous avons en restant dans cette UE j’écoute parce que perso je constate que nous perdons de plus en plus et que nous payons de plus en plus au profit de populations qui ne font parti de cette UE ..

    • Entièrement d’accord avec toi.
      La priorité aux Français, les étrangers passeront quand les comptes publics seront rééquilibrés.

  11. Le Brexit est en effet, sur le papier, plutôt une reussite : autonomie stratégique, retour à l’emploi, rééquilibrage de la redistribution…
    Malheureusement l’anomie et la déchéance sociétale dans lesquels ce pays est tombé interdisent à tous souverainiste conséquent de le prendre pour référence.
    Aujourd’hui le roi Charles y incarne le sérieux face au frivole d’une classe politique bouffone, c’est dire…

  12. je sui allé au Royaume Uni début novembre 2023 , j’ai échangé 800 euros et j’ai obtenu 675 livres , j’étais donc chez les riches .

  13. Le Royaume Uni a des anciennes colonies que la France n’a pas , les Etats Unis , le Canada , l’Australie, et la Nouvelle Zélande , même langue , les écoles et les universités de ces pays sont des copies de celles du Royaume Uni , ces pays sont des grandes puissances économiques et non des pays avec des difficultés (économiques et politiques), qui expédient des migrants au Royaume Uni .
    Et comme la France le RU à malheureusement colonisé certains pays en Afrique et au Moyen Orient et il en paie de nos jours le prix , migratoire. Il faut ajouter l’Inde et le Pakistan , l’Inde est une grande puissance économique et le Pakistan musulman pose des problèmes migratoires au RU.
    Le RU a le Commonwealth, dont on ne parle jamais en France , une collection de pays indépendants sur le plan politique (pas de superstructure étatique comme en UE) , souvent liés par la même langue .

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