Roumanie : au cri de « Liberté ! », la droite exige que son vote soit entendu

En Roumanie, des milliers de manifestants dénoncent l’annulation des élections et un « coup d’État ».
Capture d'écran X
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Le 12 janvier, Bucarest était le théâtre de la colère de la droite conservatrice roumaine. Armés de drapeaux tricolores aux couleurs du pays et d’icônes religieuses, des dizaines de milliers de manifestants, voire davantage selon les organisateurs qui estiment la foule à 100.000 participants, se sont rassemblés, ce dimanche, dans la capitale roumaine pour protester contre l’annulation des élections présidentielles de novembre dernier. Le scrutin avait placé en tête un candidat sans parti, nationaliste et eurosceptique, Călin Georgescu, crédité de plus de 22 % des voix.

« Rendez-nous le second tour »

Accusé par les autorités d’avoir mené une campagne soutenue par des financements russes via les réseaux sociaux, sans avoir organisé aucun meeting, le candidat surprise fait l’objet d’une enquête dans laquelle aucune preuve tangible n’a encore été apportée. Un contexte qui renforce la colère de ses électeurs et des sympathisants du parti conservateur Alliance pour l'unité des Roumains (AUR). Ses partisans partagent le sentiment de s’être fait « voler [leur] élection ». Qualifié de « coup d’État », cet événement, majeur pour le pays, témoigne d’une fracture patente entre la classe politique et une partie du peuple roumain, qui exigeait ce dimanche la démission du président centriste, Klaus Iohannis, comme le rapporte le Romania Journal.

 

L’Europe dans le collimateur des manifestants

Mais cette colère cible d’autres noms que les responsables politiques roumains. Celui, par exemple, d'Ursula von der Leyen, qui annonçait avoir ouvert une « enquête approfondie pour déterminer si TikTok [avait] enfreint le règlement sur les services numériques ». Thierry Breton avait appuyé les propos de la présidente à la Commission européenne en déclarant, à propos d’une possible interférence de l'Europe dans les élections allemandes : « On l’a fait en Roumanie, il faudra évidemment le faire, si c’est nécessaire, en Allemagne. » De quoi transformer la colère en révolte chez une partie de la population qui avait déjà exprimé, par son vote au premier tour, sa désillusion vis-à-vis de l’Europe, face aux promesses de progrès, de développement économique et social, de protection, qui peinent à voir le jour, nous explique Yann Caspar, chercheur au Centre pour les études européennes Mathias Corvinus Collegium de Budapest, contacté ce 13 janvier.

Les oubliés de la « Roumanie périphérique »

Si la rancœur est dirigée vers un même « ennemi », elle semble aussi émaner d’une même tranche de la population : celle qui ne se sent pas représentée par la classe politique actuelle. À l’image des gilets jaunes en France, l’idée d’une « Roumanie périphérique » peut être associée à ce mouvement contestataire d’ampleur, estime Yann Caspar, spécialiste de l’Europe centrale, en prenant pour exemple l’exode des populations rurales qui rejoignent l’Europe de l’Ouest, faute de voir leurs régions se développer, comme le promettait pourtant l’entrée, en 2007, de la Roumanie dans l’Union européenne. « Cette construction, ces fonds européens, profitent à la classe moyenne supérieure, à ceux qui sont dans les grands centres-villes, qui sont connectés, qui ont des emplois... », explique Yann Caspar.

Et si la comparaison vaut pour la sociologie de cette partie de l’électorat, le mépris de classe dont elle fait l’objet semble aussi être une constante. En France, on les appelle les « sans-dents » : en Roumanie, ce sont « les clochards » et les « analphabètes fonctionnels [...] qui ne comprennent pas ce qu’ils lisent », a déclaré le porte-parole de l’université de Bucarest, Bogdan Oprea, comme l'a rapporté le journal Libertatea.

On doute que ses propos calment l’exaspération d'un peuple qui se sent méprisé... Et si rien n’est certain sur la possibilité pour Georgescu de se représenter aux nouvelles élections de mai, une telle posture ne risque pas de rendre populaire la nouvelle coalition du gouvernement pro-européen roumain.

Vos commentaires

47 commentaires

  1. Sortez « l’europe » de l’équation et vous résolvez tous les problèmes politiques . Cette « europe » rogne la souveraineté des pays membres . Comment voulez vous que ça marche ? Avant c’était CEE : Communauté Economique Européenne ; Maintenant c’est Europe !!!!! Bruxelles prône le fédéralisme et asphyxie les nations .

  2. Une bonne jacquerie des états Européens pourrait remettre un peu d’ordre en satisfaisant les peuples…

  3. Précisons que lorsque vous parlez des sans dents sans préciser qui , on doit cette expression a François Hollande, président soi-disant socialiste.
    Il est important de le rappeler…

  4. Les dirigeants roumains ont-ils oublié le sort des époux Ceaușescu ? À leur place je réfléchirais avant d’humilier et bafouer le peuple.

  5. ils ont raison et chez nous le vote RN des 11 millions d’électeurs qui ont été bafoués par ces pourris qui veulent gouverner mais qui refusent de céder leur place.

  6. L’élite mondialiste richissime tente des coups d’Etat permanents, pour voir jusqu’où elle peut soumettre et exploiter les peuples : covid, ruine d’un Etat rebelle (la Grèce, par exemple), destruction des élections démocratiques, pillage économique des nations, etc.
    Cette élite applique ainsi son programme d’extrême droite ( = élite privilégiée exploitant le peuple) avec leur arme favorite : l’union européenne. C’est aux peuples de se défendre contre ces attaques, comme le font les roumains, les hongrois, les coréens, les britanniques et tous ceux qui relèvent la tête.
    Jusqu’à présent, les français sont un peu en reste, il me semble.

    • Souhaitons qu’ils se réveillent car je crains fort qu’en 2027, les élections présidentielles ne soient volées au peuple français comme à la Roumanie . Si l’annulation d’un vote marche pour un pays européen , pourquoi ne pas appliquer les mêmes méthodes pour l’Allemagne ou la France ? Et alors , nous aurons perdu notre dernier et ultime recours : le vote .

  7. Nous avons déjà entendu cela en France, réserver le vote aux citoyens qui votent bien. La gauche et la clique de Bruxelles sont prêts à tout pour faire taire le peuple.

  8. Si la Roumanie n’a pas l’élection souhaitée, ils pourront dire que l’Europe est une dictature. Ils ont connu pendant plusieurs décennies ce régime, ils savent ce que vaut pareil régime. C’est ce que les Allemands redoutent, et ce qui nous pend aux nez. Car Macron pourrait être tenté par cette option en 2027. Il est prêt à tout pour se maintenir à la Présidence. Il s’en moque éperdument des déficits. Quand la France sera exengue, un plan marchal nous soumettra. Adieu la France.

  9. La Roumanie… on l’a fait clame Breton
    L’Allemagne… on peut le faire
    Et la France, ce technocrate connait-il déjà le verdict du tribunal ?
    Et cette Europe se permet de parler de protéger la Liberté d’Expression !!!

  10. On comprend bien que c’est les gens d’en bas contre les gens d’en haut. Autrement dit, la gente des gueux contre la gente des élites. Ça sent la révolte à plein nez !

  11. Ce qui se passe à l’heure actuelle en Roumanie pourrait bien être une répétition de ce qui arrivera en France, en 2027, si Marine Le Pen est élue Présidente de la République. Soyons plus que vigilants.

  12. Pardonnez moi de pinailler, mais je reviens à cette erreur récurrente: « deS électionS présidentielleS ».
    Même si ladite élection se joue à plusieurs tours, il n’y a qu’un seul candidat à élire, contrairement aux législatives ou municipales.

  13. Tout ça va mal finir . Ils oublient que c’est partout en Europe que les peuples ont décidé de les chasser du pouvoir .

    • Vous oubliez aussi que la première fonction du pouvoir, c’est … de se maintenir au pouvoir. La démocratie, la république, le peuple, ne sont que des mots vides de sens pour ces gens qui les utilisent pour endormir les foules et leur ôter tout désir de changement.

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