Retraités en Algérie : contre la fraude, un député français réclame un contrôle

Un cabinet d'expertise a déjà constaté une « fraude massive » chez les retraités de plus de 85 ans résidant en Algérie
© Capture écran Service Public
© Capture écran Service Public

Quand la presse algérienne crie victoire un peu trop vite… En ce début de mois de février, les médias algériens se sont réjouis du retrait d’un amendement déposé dans le cadre de l’examen de la loi française de financement de la Sécurité sociale. Cet amendement, écrit par le député Les Républicains Fabien Di Filippo, entendait imposer un contrôle physique dans les consulats aux personnes résidant à l’étranger et bénéficiant d’une retraite française, sous peine d’une suspension du versement de leur pension. Un moyen d’éviter que des personnes décédées - ou plutôt leur entourage - continuent de percevoir leur retraite et, ainsi, de lutter contre la fraude. Ce 28 janvier, en commission des affaires sociales, après un bref débat, l’élu de Moselle a effectivement annoncé le retrait de son amendement. Un « soulagement » pour les médias algériens qui dénonçaient déjà une mesure « discriminatoire » prise à l’encontre des retraités algériens ayant travaillé en France. Hélas pour eux, ce 7 février, BV apprend que si cet amendement a bel et bien été retiré, son auteur l'a d'ores et déjà réécrit et déposé pour être débattu en séance la semaine prochaine !

Réécriture de l'amendement

Cela a apparemment échappé à la presse algérienne. « Grosse victoire pour les retraités algériens », « Bonne nouvelle pour les retraités algériens »… Retour en arrière. Ces 3 et 4 février, l’heure est au « soulagement », pour les journaux algériens. Après s’être inquiétés de l’amendement déposé par Fabien Di Filippo qui aurait, selon eux, engendré de « lourdes contraintes » pour les retraités algériens, l’annonce de son retrait n’a pu que les ravir. À lire les articles publiés de l’autre côté de la Méditerranée, on pourrait croire que le député LR a cédé face aux injonctions des Insoumis. En effet, en commission, les élus de La France insoumise n’ont pas manqué de dénoncer un article « fondé sur des principes racistes » et « discriminatoires ». Pour certains, comme Hadrien Clouet, « le débat sur la fraude revêt un caractère largement imaginaire ». Le député LFI a même accusé Fabien Di Filippo d’« inventer des problèmes » comme celui de « retraités centenaires en Algérie ». Autant de critiques qui auraient, selon les médias algériens, conduit l’élu de Moselle à faire marche arrière.

Contacté par BV, l’entourage de Fabien Di Filippo dément donc les affirmations de la presse algérienne. Il nous assure que ce n’est pas du tout sous la pression de ses collègues insoumis que le député LR a décidé de retirer son amendement. « Au contraire, ce n’est pas du tout son genre ! », nous souffle-t-on. Non, le parlementaire a supprimé son amendement pour ne pas que les dispositions déjà prévues par l’article 7 bis du projet de loi de financement de la Sécurité sociale ne disparaissent totalement. En effet, en l’état actuel, le texte de loi prévoit déjà d’apporter la preuve de l’existence par différents outils numériques. Or, Fabien Di Filippo proposait de réécrire totalement cet article en exigeant seulement un contrôle physique « par les autorités consulaires ». « Si, vraiment, le contrôle physique n’est pas possible, il faut prévoir des conditions dérogatoires », nous explique son entourage, pour justifier le retrait.

Une fraude réelle

Ce 30 janvier, le député a donc déposé un nouvel amendement que BV a pu consulter. Fabien Di Filippo demande à nouveau que « le bénéficiaire d’une pension de retraite versée à l’étranger se présente chaque année, en personne, devant les autorités consulaires françaises » afin de continuer à percevoir sa pension de retraite. Mais cette fois-ci, il ajoute : « S’il est démontré que la personne est dans l’incapacité totale de se déplacer ou d’envoyer une personne agréée par lui », alors le contrôle se fera grâce aux outils numériques déjà prévus par l’article 7 bis. Autrement dit, si cet amendement est adopté, le contrôle physique au consulat deviendrait obligatoire, sauf rares exceptions.

Loin de vouloir mettre des « bâtons dans les roues » des retraités installés à l’étranger, Fabien Di Filippo entend, de cette façon, lutter contre la fraude. Le député rappelle que, selon la Caisse nationale d’assurance vieillesse, environ un million de retraités français sont installés à l’étranger, notamment hors d’Europe. Au 31 décembre 2023, ils étaient ainsi 337.183 retraités à avoir choisi de s'installer en Algérie, premier pays étranger de destination des retraités. Or, en 2022, un programme spécial a tenté de vérifier l’existence des retraités presque centenaires installés en Algérie. « Près de 30 % des 1.000 personnes âgées de plus de 98 ans qui ont été convoquées ne se sont pas présentées », rappelle l’élu LR.

Certes, tous ne sont pas nécessairement des fraudeurs mais, alors que le versement des pensions de retraites est aujourd’hui simplement subordonné à la transmission d’un certificat de vie, le doute existe. D’autant plus qu’un cabinet privé d’expertise avait, en 2019, relevé « une fraude massive » chez les retraités de plus de 85 ans résidant en Algérie. Sur 1.000 dossiers d’allocataires français résidant en Algérie, « nous n’en avons retrouvé que 50 %. Sur ces 50 %, nous avons ressorti de l’administration algérienne 26 % d’actes de décès. Pour les 24 % restants, ce sont des supputations de décès […] ; ce qui laisse un nombre de personnes vivantes relativement faible », concluaient les experts. Alors qu'au Portugal, deuxième destination des retraités français, la fraude semble quasiment inexistante. Ce dossier rassemble de nombreux élus de droite. Ce 6 février, Sarah Knafo, députée au Parlement européen, appelait elle aussi à remettre de « l'ordre ».

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/02/2025 à 10:04.
Picture of Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

175 commentaires

  1. Vu l’argent qui est déversé en aides, en retraites, dans la santé, il est juste logique de s’assurer que les intéressés sont vivants et remplissent les conditions pour cette contribution. Supprimer la fraude, à tous les niveaux, c’est d’abord faire des économies dont nous avons bien besoin. Ensuite, c’est une question d’honneur et la preuve d’un certain niveau de développement.

  2. Depuis des dizaines d’années on paie sans poser aucune question des retraites à des centenaires sur le continent africain , et c’est en Algérie qu’il y en a le plus.

  3. Je suis suisse et retraité dans mon pays. Une fois par an, je dois me rendre personnellement à la compagnie d’assurance avec ma carte d’identité (ou mon passeport) pour prouver que je suis en vie. En cas de décès, mes proches doivent s’annoncer dans les 30 jours. Faute de quoi les mensualités payées en trop doivent être remboursées. J’ai le choix entre deux options payantes : annoncer personnellement mon état de vie chez un notaire ou au service communal.

  4. Pourquoi tous nos gouvernants conscients patents de cette fraude massive ne font rien faire pour éradiquer ces escroqueries institutionnalisées. L’état algérien ne se grandit pas en cautionnant les dérives mafieuses. Il faut montrer à tous ces voleurs qu’on ne se laisse pas faire. L’état et les caisses de retraite doivent imposer la mise en place d’un certificat de vie qui doit être confirmé par la présentation physique devant une autorité française accréditée. Sinon, constatant ce dont le pays et ces dirigeants sont capable de faire le pire est à venir

  5. Je suis retraité aussi en Espagne et j’ai un contrôle biométrique à faire chaque année pour prouver mon existence et je suis aussi au Togo et avec eux j’ai un contrôle biométrique 2 fois par an. Donc quand on veut on peut contrôler l’existence des retraités.

  6. Il serait temps et en même temps (formule d’actualité) d’arrêter de se ridiculiser…Vox clamat in déserto ? Espérons que non.

  7. Après 32 ans en Suisse je me suis renseigné pour justifier ma rente et l’on ma dit que ce n’était pas annuel mais qu’il y a des contrôles aléatoires. Je comprend très bien qu’il faille prouver que je suis encore en vie vue que je suis en France et que je touche une rente d’un autre pays.

  8. quand Français, on bénéficie de l’indemnité temporaire de résidence dans l’outre-mer français, on doit justifier aux impôts locaux de son existence et de sa présence, fournir billets d’avion, certificats …
    il faut couper ce cordon ombilical débile !

  9. [… ] Près de 30 % des 1.000 personnes âgées de plus de 98 ans qui ont été convoquées ne se sont pas présentées [… ]……… on le sait, en Algérie où il fait si bon vivre … il y a beaucoup de centenaires !!!! LOL Dieu, que nous sommes naîfs !!!

  10. Mon mari qui est japonais doit justifier tous les ans de son existence auprès de l’ambassade du Japon ; pour le moment nous nous y rendons physiquement, ensuite nous verrons comment faire, mais cela ne me paraît pas anormal.

  11. La dictature algérienne du FLN complice des fraudeurs Voilà qui démontre clairement l idéologie de ces gens emplis de haine

  12. Dans la région de Marrakech, au Maroc, chaque année, les retraités français doivent se rendre au consulat pour obtenir leurs certificats de vie. S’ils ne peuvent se déplacer, le consulat envoie quelqu’un chez eux.
    Il y a près de 80000 retraités dans la région.

  13. Quelquechose m’échappe. Je suis Française ( depuis environ mil ans ) et j’ai passé quinze ans comme retraitée en Thaïlande. Je dois me présenter EN PERSONNE chaque année à notre Consulat ou à la Police thaïlandaise de l’immigration pour établir mon certificat d’existence. À défaut, ma retraite n’est pas versée. Je ne vois pas pourquoi ce qu’on impose aux Français partout dans le monde ne s’appliquerait pas en Algérie !

  14. Le simple fait que l’Algérie s’indigne démontre qu’il y a bien un problème et que la dénonciation de la fraude, qui ne date pas d’hier (voir les déclarations et écrits de Charles Prats par exemple) est bel et bien justifiée.

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

Il faut faire des confettis avec le cordon sanitaire
Gabrielle Cluzel sur CNews

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois