Résister à la « bollorisation » : ces libraires qui nagent dans le pathétique

Comment ne pas participer à l’enrichissement de Vincent Bolloré ? La question taraude certains libraires.
Capture d'écran
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Le Festival du livre s’ouvre à Paris pour trois jours. L’événement se déroule au Grand Palais et rassemble toute la grande famille du livre et de l’édition. Un monde qui traverse une crise existentialiste. Car non seulement la santé économique du marché n’est pas bonne mais, en plus, Vincent Bolloré s’est solidement implanté dans ce secteur. De quoi affoler certains auteurs, professionnels et libraires appartenant à cette gauche moraliste qui tentent laborieusement une résistance de pacotille.

Comment ne pas participer à l’enrichissement de Vincent Bolloré et à l'expansion de son empire ? Voilà la question qui taraude ce petit monde. Le problème est de taille : le milliardaire catholique est partout. Avec le groupe Hachette, dont il est propriétaire, il règne sur une immense partie de l’édition. Avec 2,8 milliards de chiffre d’affaires, le premier groupe d’édition français (troisième à l’échelle mondiale) règne en maître. Avec ses 650 enseignes Relay implantées en France (1.055 dans le monde), il est en situation quasi monopolistique dans les gares et les aéroports. Hachette regroupe beaucoup de grandes maisons d’édition comme Armand Colin, Grasset, Stock, mais aussi l’affreuse maison Fayard, dont la nouvelle éditrice s’occupait des livres d’Éric Zemmour et qui a le toupet d’éditer des livres à succès. Lesquels ? Je vous le donne en mille : Philippe de Villiers et Jordan Bardella, dont les livres Mémoricide et Ce que je cherche se sont vendus à plus de 180.000 exemplaires. Des chiffres astronomiques sur un marché du livre moribond.

« Désarmer l’empire Bolloré »

Alors les libraires cheguevaristes s’arrachent les cheveux. Dur, de se priver d’une manne financière certaine. Mais la lutte finale n’a pas de prix. « Il s’agit d’atténuer la part du fonds Bolloré dans nos librairies en abaissant les commandes et en refusant les rencontres avec les auteurs du groupe », explique ce libraire de Montreuil (93), à L’Humanité. « On écarte d’emblée les livres d’extrême droite », raconte ce professionnel de Bagnolet (93), avant d’expliquer privilégier Folio Gallimard au Livre de Poche, propriété de Hachette. À Saint-Étienne, cette libraire propose « une offre large et variée tout en veillant à ne pas afficher d’incitation à la haine » chez elle. À Lyon, ce gérant bombe le torse : « S’opposer à une certaine forme de pensée passe par le choix d’assortiment », car il explique ne pas exposer l’ouvrage de Bardella « en pile ». Il ne manquerait plus qu’un lecteur ne tombe dessus et l’achète. Mais ces résistants de papier l’assurent, ce ne sont pas des censeurs mais des promoteurs de « la libre expression, l’échange, pas la violence », car ce qui les anime avant tout, c’est de résister à « l’entreprise de conquête hégémonique » de Vincent Bolloré, comme le dénonçait, en novembre dernier, un collectif de libraires : « En rachetant médias, agences de communication, maisons d’édition, librairies et groupes publicitaires, le milliardaire breton s’est constitué un impressionnant outil de propagande réactionnaire. » Un collectif de zadistes littéraires s’est constitué en juillet, « Désarmer l’empire Bolloré », et n’aura de repos que lorsque le grand patron maléfique aura cessé son emprise sur leur domaine de prédilection.

Autre exemple : la directrice de Grasset, Juliette Joste, a quitté ses fonctions l’année dernière car « rapporter de l’argent au groupe Bolloré », elle « n’y arrivai[t] pas ». Côté syndicats, même chanson : « Le Festival du livre de Paris est l’occasion de dénoncer la bollorisation des esprits dans l’édition », affirme Martine Prosper, secrétaire générale de la CFDT-SLE (Syndicat du livre et de l’édition). La profession veille au grain. L'année dernière, un proche collaborateur de Pierre-Édouard Stérin était empêché de rejoindre le groupe Bayard après une bronca des salariés.

Ce petit monde vit dans la nostalgie du Paris littéraire communiste de Sartre et Beauvoir. Alors, quand il assiste au rachat de L’Écume des pages, une des librairies emblématiques du quartier de Saint-Germain-des-Prés, par Vincent Bolloré, il songe, dans une volute de fumée, que le Grand Soir n’est pas pour demain.

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Yves-Marie Sévillia
Journaliste chez Boulevard Voltaire

Vos commentaires

72 commentaires

  1. Des libraires refusent par idéologie de vendre les livres qui se vendent le mieux ?
    Qu’ils déposent le bilan et laissent la place aux autres !

  2. Tous ces libraires me font pitié. J’ai travaillé une bonne partie de ma vie chez Hachette, et je sais que la librairie n’est pas forcément un commerce où l’on fait fortune, et aujourd’hui peut-être encore moins qu’hier. Alors est-ce bien raisonnable de se prendre pour des résistants de pacotille et se plaindre ensuite du succès d’Amazon ? De toute façon les libraires n’ont jamais aimé Hachette, la pieuvre verte, considéré comme un empire capitaliste. Par contre, pour les salariés, c’était une très bonne entreprise.

  3. Petit rappel et prise de conscience : que serait le paysage médiatique aujourd’hui sans CNews, le JDD, les éditions Fayard et je passe sur tous les frères d’armes (tel que BV…).
    Que lirait-on ? Comment fonctionneraient nos cerveaux sans les informations quotidiennes et réelles ? Et de fait, quelles seraient nos réactions, mais surtout quel impact cette non-présence aurait sur nos bulletins de vote?
    La réponse est très simple. Si simple qu’on a un peu de mal à en mesurer l’ampleur; aucune autre vérité n’existerait que celle inoculer par les médisa du service public.
    ¨Par conséquent, on ne peut contredire le fait que M. Bolloré est un bienfaiteur de la nation.

  4. Il est vrai que Mr Bolloré cumule les tares: blanc, mâle, hétérosexuel et catholique… Bref, une créature démoniaque… A pleurer de rire quand on lit les arguments de ces libraires!

  5. N’oubliez pas que nous sommes en France et que l’on hait ceux qui…réussissent!… Sales riches!…

    • @ Maria William
      C’est tout à fait ça ! Ces esprits médiocres aux âmes grises n’ont que haine et jalousie, oubliant que la richesse crée la richesse dont un pays a besoin. Des Vincent Bolloré, la France en redemande…. Je salue personnellement cet honorable Monsieur pour sa brillante réussite qui honore la France.

      • ‘Ces esprits médiocres aux âmes grises n’ont que haine et jalousie’. ca porte un nom : le socialisme.

  6. Moi tout ce brouhaha me donne mal a la tête et je vais de ce pas relire le Petit Prince de St Exupéry.

  7. En France on reconnait pas la réussite et pourtant combien de personnes vivent grâce à Monsieur Bolloré .
    Quand aux gauchistes soit disant moralistes se sont des personnes jalouses et gangrénées par l’idéologie islamo gauchiste

  8. Et pour faire bonne mesure, Bolloré fait partie des investisseurs qui viennent d’acquérir l’Ecole de Journalisme de Paris (EJP), depuis longtemps centre de formation de la gauche la plus sectaire, qui est en plein renouvellement des cadres, des programmes et des modes d’enseignement. Une magnifique école de journalisme, ouverte sur le réel et prête à le faire connaitre, est en train de naitre. Bonne route et vents favorables aux étudiants qui y seront formés!

  9. Il faut éviter toutes ces librairies gauchistes qui refusent de vendre les livres qui ne sont pas dans leur idéologie et surtout ne pas pleurer sur leurs pertes de clientèle

  10. J’ai trouvé « FRONTIERES » dans mon super marché et toc, les libraires ! Amazon et la grande distribution vous disent merci ! Très bon ce n° de Frontières sur LFI le parti de l’étranger. Pour les plus anciens (la pub pour Hara Kiri – années 60 – : « si vous ne pouvez pas l’acheter, voler le »! Pareil pour Frontières.

  11. J’ai découvert la personnalité de Vincent Bolloré lors de son audition par la Commission TNT.
    Il s’est montré sensé, courtois, sûr de lui et très sain dans ses convictions, bref « quelqu’un de très bien ».
    C’est évidemment le pire reproche que lui font tous les médiocres, les lâches, les fourbes, bref la lie de ceux qui prétendent compter dans la politique ou dans les médias.

    • On peut faire à Amazon les reproches qu’on voudra, et il en est certainement de pertinents, mais pas celui de choisir à la place du lecteur! Amazon vend tout et n’importe quoi, mais ne choisit rien à votre place, et ça, c’est le plus important.

    • La lecture est un moyen de s’informer, de se faire une opinion sur un auteur, c’est avoir l’esprit ouvert et non, pas forcément la volonté de ne lire que ceux qui ont nos idées.

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