Reportage : « J’ai postulé à la Légion internationale ukrainienne »

Nous avons suivi le début du chemin de ces volontaires français. Un voyage entre têtes brûlées éprises d’idéal et les soldats perdus.
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« Si tu veux aller combattre en Ukraine, rendez-vous ce vendredi pour un départ immédiat. » Au téléphone, la voix sans accent de l’« Oncle Sam ». Sous ce pseudonyme, l’homme coordonne et organise les départs de volontaires français désireux de combattre en Ukraine. Nous avons suivi le début du chemin de ces volontaires français. Un voyage entre têtes brûlées éprises d’idéal et les soldats perdus. L’aventure a commencé 24 heures plus tôt. Il est 16 heures, ce mardi 1er mars : je me présente à l’ambassade d’Ukraine, au 21, avenue de Saxe, à Paris. Le silence de cette artère du 7e arrondissement contraste avec le bruit de l’actualité internationale.

À la question du portier de l’ambassade, je réponds aussitôt : « Ya khochu staty soldatom » (« Je veux devenir soldat »). L’homme vêtu d’un treillis vert-de-gris, sur lequel éclate l’écusson jaune et bleu, me transmet une simple adresse mail. Je dois faire état de mon volontariat pour défendre l’Ukraine assaillie par la Russie depuis le 24 février. Pour contrer l’avancée des troupes de Vladimir Poutine, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a ordonné la création d’une légion internationale réunissant des combattants étrangers. L’ambassade d’Ukraine en France recrute aussi bien des volontaires sans aucune expérience militaire que des vétérans aguerris.

La représentation m’indique un groupe d’une quinzaine d’hommes. On se salue d’une poignée fraternelle, comme si on se connaissait depuis des années.

Ils attendent la navette qui les conduira en Ukraine. Regard azur, cheveu ras et blond, une trentaine d’années, Luc (le prénom a été modifié) me confie les raisons de sa présence : « C’est un peuple européen, j’ai envie de défendre l’Europe. La fierté de ce peuple, c’est impressionnant. » Il habite la Seine-Saint-Denis. Plus jeune, il aurait aimé intégrer les forces armées françaises. Il a laissé tomber. « Tu comprends, les meufs, les histoires, tout ça m’a empêché de m’engager. » Il rêve d’un autre univers : « Là-bas, ils ne brûlent pas de voitures », explique-t-il. Le jeune homme n’a aucune expérience militaire, comme la dizaine de camarades de circonstances qui l’entourent. Shuonan, lui, est venu de Chine. Son objectif à l’origine ? Porter le képi blanc de la Légion étrangère française. Il est passé quelques jours auparavant au fort de Nogent, la porte d’entrée mythique du corps étranger des forces armées françaises. « Si je ne suis pas pris à la Légion française, j’entrerai dans la Légion ukrainienne, dit-il. C’est une solution de secours. » Le petit groupe discute et noue des liens. Thierry, 50 ans, père de trois enfants, ancien du 2e REI et de la 13e DBLE, seul candidat présent à avoir une expérience militaire, s’adresse à Shuonan : « Je te donne le contact d’un camarade légionnaire chinois : si tu as le moindre problème, tu l’appelles. » L’allure de loup de guerre de ce vétéran tranche sur celle des néophytes. Il a servi en opérations extérieures dans les Balkans deux fois, puis à Djibouti. La crise en Ukraine l’a remobilisé. « Je ne pouvais pas rester les bras croisés, à ne rien faire, dit-il. Je veux pouvoir regarder mes enfants dans les yeux et leur dire que je ne suis pas resté inactif. » Il ne se fait pourtant aucune illusion : « Je sais que je vais partir, je ne sais pas si je reviendrai. » Il me prend à part, m’éloigne des journalistes qui sont venus avec perches et caméras devant le bâtiment de l'ambassade. « Apparemment, Zelensky veut créer une brigade uniquement composée de légionnaires sur le modèle des forces spéciales. Il veut faire peur à Wagner [le groupe de mercenaires russes qui traquerait actuellement Zelensky]. J’ai vu ce matin deux légionnaires français déserteurs devant l’ambassade », affirme-t-il avec des airs de secret.

Soudain, le groupe des volontaires s’anime. La navette censée transporter le groupe en Ukraine, une camionnette grise, immatriculée UA (le code de l’Ukraine), vient d’arriver, avenue de Saxe. Les volontaires chargent leur matériel. Sacs de courses en plastique en guise de paquetage, sacs à dos débordants : l’équipage de ces jeunes hommes témoigne d’une impréparation paradoxalement conjuguée à une détermination de fer. La Légion ukrainienne a recruté un peu partout. Un jeune homme de 21 ans a trouvé des renseignements sur Discord, une plate-forme de discussion instantanée à l’origine conçue pour les amateurs de jeux vidéo. Difficile d’imaginer que, dans moins de 48 heures, ces conscrits pourraient faire face à la deuxième puissance militaire du monde dans des conditions hivernales extrêmement hostiles. Trois volontaires n’ont pas de place, un proche de l’ambassade a appelé pour eux le responsable d’un car qui partira, lui, dans la soirée de la porte Maillot, à l’ouest de Paris. Le lendemain, j’apprends par un tweet de la journaliste spécialiste de la défense au Monde que quatorze légionnaires d’origine ukrainienne et une quinzaine d’autres passagers ont été contrôlés par la police nationale et placés au commissariat pour un contrôle d’identité. Pour ceux-là, l’aventure a tourné court.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 05/03/2022 à 9:34.
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Jean Bexon
Journaliste

Vos commentaires

30 commentaires

  1. Tout ça part d’un bon sentiment, peut-être d’une soif de grands frissons.
    Mais pour moi, cela démontre aussi l’immaturité d’un partie de la jeunesse, à l’instar des jeunots qui ont « très envie » de Macron.

  2. Celà me rappelle un fait historique: en 1936 les Brigades Internationales parties se battre contre les troupes de Franco.

  3. Dans cette guerre d’Ukraine, nous sommes en train d’assister au plus grand « viol des foules’ de l’histoire. Et les gogos se font piéger comme les moutons de Panurge,. Et plus c’est gros, plus ça marche !

  4. Où sont donc passés tous nos « joyeux » utilisateurs de mortiers et autres fusils d’ assaut de nos chères et chaudes banlieues? Voilà l’ occasion rêver d’ aller  » jouer » avec des gros pétards et crier  » nique la France » Curieusement, ils ne se bousculent pas ceux-là à l’ ambassade d’ Ukraine. Bien plus facile et bien moins risqué de « tirer sur du flic ». Je salue le courage des ukrainiens. Je ne me sert en rien de cette tragédie. Je souligne la bêtise de certains à « guerroyer » impunément.

  5.  » Chacun se bat pour ce qui lui manque » c’est dans cette phrase qu’il faut trouver la motivation de ces zozos. A toute fin utile, les unités de l’armée française recrutent, et sont pour certaines déjà en position sur le terrain.

  6. Et les milices anti casseurs de banlieues , ça les tentaient pas ? pourtant , c’était sous les yeux depuis un bout de temps. Un peu plus compliqué et dangereux …Ce lâcher de chiens fous est à l’image du bordel ambiant dans ce qui fût notre pays..
    Quand aux légionnaires : mauvais chef qui a omis de leur rappeler les règles de la « maison »

  7. Tous ces frustrés qui ont été refusés dans l’Armée ( et pourtant, le niveau de recrutement est fort bas depuis 1975 ! ) , qui ont râté le démarrage de leur vie , se trouvent soudain l’idéal qu’ils n’ont pas trouvé à l’adolescence ( pas la chance d’avoir un Papa qui leur impose le prytanée ou médecine , et les moyens matériels qui vont avec ) : les têtes bru^lées n’ont jamais été dignes d’admiration ; Quand on est con , on est con ( et ça peut durer ! autant se faire flinguer ) .

  8. Si je devais me battre je le ferais pour ma patrie et non pour les raisons géopolitiques des
    USA. Tout le risque pour ces mercenaires est d’être passé par les armes à peine pris par les russes. Il y a vraiment des gens qui ont un poix chiche à la place du cerveau. En plus aller se battre pour l’Europe quand notre pays à tant besoin de patriotes. Mais chacun est encore libre de ses actes , jusqu’à quand??

  9. Ils vont rejoindre le bataillon azov ….la seule unité nazie en Europe félicitée , armée , congratulée par des gens bien sous tout rapport , même par des juifs qui ont oublié leurs grands parents à Treblinka …….. chacun son truc , mais quand même , ça laisse dubitatif

  10. Je suis outré, scandalisé et désolé que France 3 ait eu l’outrecuidance de diffuser le reportage hier soir d’un homme père de 3 jeunes enfants qui n’hésite pas à quitter sa famille et ses responsabilités paternelles pour aller comme un gamin ecervelé faire le coup de feu en Ukraine. Quel bel exemple déjanté, décidément les journalistes ne respectent rien et n’ont ni modération ni pudeur. Honte à eux !

  11. Les déserteurs ..je déteste ces gens la …on se bat pour son pays .c’est cela le courage .donc aucune admiration béate .

    • Quel langage de charretier! (zozos ) . On attend d’un général ET professeur universitaire qu ‘il guide et remette dans le droit chemin ( à défaut de savoir remettre les têtes à l’endroit , et SURTOUT de savoir parler et communiquer autrement qu’en aboiements de roquet ) les brebis qui s’égarent faute de code de conduite …Rédigez-leur donc , cher retraité qui s’emm…de ,un autre manuel de survie en milieu hostile

    • et que la  » vraie guerre » c’est très différents des jeux vidéo !!! qui sont leur seul  » référence » !

  12. Chacun a le droit de mener sa vie comme il l’entend mais parfois il vaut mieux réfléchir avant de prendre une décision sur un coup de tête. Aller combattre dans un pays étranger, sans en connaître la langue dans le froid et mal équipé, n’est pas une preuve de courage. Dommage pour ceux qui ne reviendront pas, c’est leur choix et je le respecte mais ils seraient certainement plus utiles dans notre pays à la dérive.

    • Comme vous, je me suis dit que la France avait bien besoin de garder les bonnes volontés sur son sol.

  13. Le monde devient chaque jour plus fou avec les « va-t-en guerre » politico médiatiques.
    Ce soir sur CNews, Gilles-William Goldanel a tapé fort pour faire entendre une voix de raison, surtout contre Burgat qui en 3 minutes a accusé les russes d’avoir bombardé le mémorial juifs puis a reconnu que c’était faux, devant un Praud qui d’évidence ne connaisait pas l’info parut dès ce matin…
    Cette hystérie collective deviens insupportable et dangereuse.
    Alors où vont ces « légionnaires » paumés ?

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