Prêtre agressé : pourquoi l’archevêque d’Avignon ne veut-il pas qu’on en parle ?

Il reproche aux journalistes d'avoir diffusé cette information.
Église de Montfavet Capture d'écran ©CNEWS
Église de Montfavet Capture d'écran ©CNEWS

Mais pourquoi donc, après l’agression d’un de ses prêtres, l’archevêque d’Avignon semble-t-il en vouloir aux journalistes d’avoir « trop » parlé ? Après l’agression d’un prêtre dans l’église de Montfavet, un quartier d’Avignon, l’association LÉA (Lutte pour l’égalité dans l’antiracisme) annonce, ce jeudi, porter plainte. Dans son communiqué de presse, l'association « déplore l’attitude de certains membres de l’autorité ecclésiastique qui, par souci d’éviter toute polémique, font preuve d’une discrétion excessive, contribuant ainsi à passer sous silence des événements d’une telle gravité ». LÉA ne cite pas le nom de Mgr Fonlupt, mais c‘est une allusion très claire à l’étrange communiqué de celui-ci.

L’archevêque ne nie pas les faits, il les relate lui-même tels qu’ils ont été rapportés dans les médias - des jeunes se disant musulmans qui sont rentrés dans l’église, de la provocation, des insultes contre la religion chrétienne, des menaces de mettre le feu à l’église… Il ne reproche donc pas aux journalistes d’avoir déformé, exagéré, extrapolé… mais tout simplement d’en avoir parlé. Il fustige un « emballement médiatique » qui « ne fait que donner de l’ampleur à une situation qu’il importe de chercher à apaiser ». « Emballement », comme il y va. C’est, au contraire, parce que très peu de médias sont « emballés » par ce genre d’événement que fort peu en ont parlé. Mais visiblement, pour Mgr Fonlupt, c’est encore trop. Quel conseil donne-t-il aux journalistes, pour l’avenir ? D’occulter les faits ? De ne pas relayer ces agressions ? On pensait pourtant, eu égard à certains gros dossiers très glauques dont l’Église paie encore aujourd'hui douloureusement les pots cassés, que les prélats avaient compris que l’omerta, la loi du silence, les agressions que l’on pousse sous le tapis en faisant l’autruche étaient une très mauvaise idée.

Accusation baroque

Il paraît que depuis que l’Église est réputée synodale, tout le monde a le droit de donner son avis. Et les évêques, à l’instar de feu le pape François, n’aiment plus qu’on leur baise l’anneau. Foin de la flagornerie ! Reçu cinq sur cinq : l’humble paroissienne - et accessoirement journaliste visée par cette accusation baroque - que je suis a donc le droit de s’exprimer.

Quelle sorte de berger minimise les blessures infligées à ses brebis ? Certes, les catholiques doivent tendre l’autre joue et il ne sont pas du genre - c’est tout à leur honneur - à se victimiser et à réclamer vengeance. Mais il y a aussi une exigence de vérité, ou alors, on m’a trompée ! Le Christ n’a-t-il pas dit « Je suis la Vérité et la Vie » ? Et cette exigence se conjugue avec la vertu cardinale de prudence. Nombre de chrétiens d’Orient s’égosillent à mettre en garde leurs coreligionnaires d’Occident contre la montée, en France, d’un islam conquérant dont eux mêmes ont tragiquement fait l’expérience. Si nous leur faisions la grâce de les écouter ? Ce 14 mai, le nouveau pape Léon XIV, dans l’un de ses premiers discours, a supplié ceux-ci de ne pas « abandonner » leurs terres. Encore faut-il qu’on ne les y massacre pas et qu’on les y autorise à vivre dignement. Les chrétiens d’Occident, aussi, ont le droit et le devoir de ne pas abandonner leurs terres. Mais s’agissant de certains quartiers, hélas, c’est déjà fait.

« Plutôt que d’accuser ou de mettre en exergue, il est urgent de déployer toutes nos capacités pour travailler à une possibilité de vivre ensemble respectant chacun », poursuit l’archevêque. Comme il est curieux d’utiliser cette locution très politique, connotée et démonétisée - même la gauche n’ose plus tellement l’utiliser - de « vivre ensemble » quand l'Église possède, pour exprimer l'amour du prochain, ce mot si beau et éternel de « charité ».

Il rajoute : « Aujourd’hui, la misère qui règne dans certains quartiers du Vaucluse génère cette violence. C’est à la racine de ce mal qu’il nous faut nous attacher à travailler. » Le poncif est aussi éculé qu'inexact. Non, la misère n’est pas synonyme de violence : beaucoup de pauvres sont très honnêtes (supposer le contraire est insultant pour eux) et beaucoup de riches - les narco-trafiquants, par exemple - très violents.

Inaudible

Cet archevêque se rend-il compte à quel point ce discours est contre-productif et inaudible pour certaines périphéries, comme l’Église les appelle ? J’entends les Français modestes qui vivent de plein fouet la montée de l’immigration et de l’islam : pourtant, travaillés par leurs propres origines, et la foi de leurs ancêtres qu'ils y découvrent, ils pourraient être tentés de pousser la porte d’une église, mais ils en sont dissuadés par de telles déclarations, si loin de leurs réalités.

Et ces prélats (car il n’est pas le seul) s’exposent à des réflexions acides : dans leur palais épiscopal, ils sont à l’abri. D’ailleurs, Mgr Fonlupt, quand il était évêque de Rodez (Aveyron), en a fait installer un très beau, rutilant, dans un carmel désaffecté, après qu’il a cédé l’ancien pour qu’il soit, s'il on en croit les projets, transformé en hôtel de luxe.

Aujourd’hui, les élites minorent les maux liés à l’immigration et l’islamisation. Les prélats aussi. Attention que l’Histoire ne les juge pas comme certains de leurs prédécesseurs du XIXe, toujours du côté du manche. « Pour chanter Veni Creator, il faut avoir une chasuble d’or, nous en tissons pour vous, grands de l’Église, mais nous pauvres canuts n'avons pas de chemises », chantait-on dans les ateliers des soyeux lyonnais. C’est bien à cette collusion entre le clergé et les élites que Léon XIII, l’auteur de l’encyclique Rerum novarum qui a tant inspiré notre pape actuel, s’opposait absolument.

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Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

103 commentaires

  1. faut- il tendre l’autre joue ? je ne crois pas notre religion est le catholicisme et il est hors de question que l’islam fasse la loi chez nous .

  2. Le problème de l’Eglise, c’est le clergé et sa soumission à tout ce qui la combat. Il ne manque qu’une chose aux dirigeants politiques ou ecclésiastiques, c’est le courage.

  3. Lamentable ! Tout n’est que faiblesse . L’institution religieuse catholique pourrie de l’intérieur. Quel degout !

  4. Après l’islamo-gauchisme et l’islamo-droitisme qu’on décèle par ci par là, voici un exemple, parmi d’autres, d’islamo-catholicisme…
    Si on suit la logique de cet évêque, la Gazette du Golgotha aurait-elle dû passer sous silence la crucifixion de Jésus ?
    Mais, Monseigneur, il n’est peut-être pas trop tard pour demander la suppression de tous les crucifix et de revisiter toute la littérature chrétienne afin d’y masquer cet évènement ayant fait l’objet de trop de récupération depuis 2000 ans…

  5. Avec cette attitude l’ Eglise a perdu beaucoup de fidèles Il y en a marre de baisser la tête il est urgent de réagir.

  6.  » Attention que l’Histoire ne les juge pas comme certains de leurs prédécesseurs du XIXe » même avant le XIXème siècle : pensez à Cauchon .
    « beaucoup de pauvres sont très honnêtes » : l’honnêteté ne dépend pas de la richesse ou de la pauvreté mais la gauche prêche le contraire et l’ épiscopat ne crache pas contre le vent. Classique.

    • Quels prédécesseurs du XIX° siècle ? Pour ma part je ne vois que de saints évêques missionnaires ,tel le cardinal Lavigerie ,archevêque d’Alger,fondateur des Pères Blancs pour la conversion des musulmans , l’un des principaux artisans de la lutte contre l’esclavagisme.
      Ces véritables pasteurs avaient à coeur de propager l’Evangile au risque de leur vie .
      Monseigneur Affre,archevêque de Paris,tué sur une barricade en 1848 alors qu’il tentait de s’interposer entre la troupe et les révolutionnaires , Monseigneur Darbois, archevêque de Paris ,pris en otage par les communards en 1871 ,fusillé en haine de la foi .

  7. Pourquoi ?
    Mais parce que la mise en cause des coupables ne serait pas compatible avec la pratique du dialogue interreligieux.
    Initiative soutenue par le Vatican et dont Monseigneur est adepte.
    Si les agresseurs du prêtre semblent avoir une conception plus directe du dialogue, cela ne doit finalement représenter qu’une forme supplémentaire et actualisée du droit à la difference.

  8. Le retour des pharisiens. Jésus les qualifie d’« hypocrites », de « guides aveugles », d’« aveugles insensés », de « serpents » et de « race de vipères ».
    Aussi : »Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! Vous nettoyez l’extérieur de la coupe et du plat, et à l’intérieur, ils sont pleins de cupidité et d’intempérance. »

  9. A mon avis Mgr Monlupt souhaite éviter que la médiatisation de cette agression ne fasse le jeu du RN… Mgr Monlupt veut sans doute éviter qu’on fasse de l’ombre aux croisés de LFI hurlant à « l’islamophobie »…

    Ce n’est évidemment que mon avis et l’archevêque d’Avignon ne peut évidemment pas le dire et ne le reconnaîtra jamais! Si on estime que je délire, qu’on m’oppose des arguments.

  10. Encore un archevêque ou un évêque , soumis à la religion dont il est interdit de prononcer le nom .

  11. Car l’église est devenue soumise .
    Depuis des célébrations d’iftar rupture du jeun dans des églises.
    Soumission de Houellebecq.
    Cette église est méprisable.
    Et le catholicisme de gauche oublie les chrétiens d’Orient.
    Au profit des musulmans

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