[L’ÉTÉ BV] Pour en finir avec les droits de succession…

Éric Ciotti et François-Xavier Bellamy veulent « la mort de l’impôt sur la mort ».
notaire
Cet article vous avait peut-être échappé. Nous vous proposons de le lire ou de le relire.
Cet article a été publié le 25/05/2024.

Tout l'été, BV vous propose de relire certains articles de l'année écoulée. Ici, des nouvelles de notre civilisation.

[POINT DE VUE] Éric Ciotti et François-Xavier Bellamy ont signé, en mai dernier, dans FigaroVox, une tribune sur la question de l’impôt sur les successions et les donations. Et ils n’y vont pas de main morte : « Nous voulons la mort de l’impôt sur la mort », lancent-ils dans le titre. Nous étions en pleine campagne pour les élections européennes et l’on pouvait alors se demander pourquoi cette tribune tombait à ce moment-là, alors que la tête de liste des LR ne cessait de dire, à juste titre, qu’il fallait ramener la campagne sur les enjeux européens. Les droits de succession ne sont pas une compétence (pas encore, en tout cas !) européenne, mais on comprendra aisément que tout est bon pour tenter de ramener vers soi un électorat de droite sensible à ce sujet et tenté, par ailleurs, d’aller voir en face, notamment du côté de Reconquête ou du RN.

Un régime quasi confiscatoire remettant en cause le droit de propriété

Il n’empêche que Ciotti et Bellamy mettent, avec cette tribune, sur la table une question essentielle, existentielle, voire philosophique. Du reste, c’est ce qu’écrivent les deux parlementaires en qualifiant cet impôt sur les successions et les donations de « philosophiquement inacceptable ». On devine qui a été la plume… Effectivement, « au terme d’une vie d’imposition, un patrimoine – imposé et taxé à chaque étape de sa constitution – se retrouve de nouveau frappé par la fiscalité du simple fait de sa transmission », rappellent-ils. Aussi proposent-ils d’alléger cette fiscalité confiscatoire en l’alignant sur le mieux-disant en Europe (cela doit être le fil rouge pour se raccrocher à la campagne européenne !) : en Italie, par exemple, l’abattement est fixé à un million d’euros et le taux d’imposition n’est que de 4 %, alors qu’en France, l’abattement est de cent mille euros et que le taux peut monter à 45 % ! Des droits de succession qui pèsent 0,6 % de notre PIB, contre 0,2 % en Allemagne. On est bien dans un régime quasi confiscatoire qui remet en cause, l’air de rien, le droit de propriété consacré par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Notons, tout de même, que si la proposition de Ciotti et Bellamy est très intéressante (restera à en évaluer le coût pour les finances publiques), elle est relativement incohérente, à bien y réfléchir : un impôt « philosophiquement inacceptable » devrait tout bonnement être supprimé et non pas allégé ! Philosophiquement parlant…

Des Français majoritairement favorables à la baisse des droits de succession

Mais, comme toujours, tout est une question de mesure et, au fond, il n’est pas philosophiquement inacceptable qu’un impôt minimum soit perçu par la collectivité, en charge du bien commun, à l’occasion d’une succession. Cela a d’ailleurs toujours existé. On ne va pas faire, ici, l’histoire de la féodalité, mais l’on pourrait évoquer le paiement des droits de relief pour la transmission des terres nobles ou encore le droit de mainmorte qui permettait au seigneur de s’approprier les biens du serf mort sans héritier (un droit qui existait encore de façon résiduelle à la fin du XVIIIe siècle en Franche-Comté). La Révolution établit, en 1791, un impôt sur les successions de… 1 % sur les biens immobiliers. Mais parallèlement, elle faisait de la propriété un droit sacré, comme on l’a dit plus haut. Cette imposition monta jusqu’à 40 % à l’issue de la Grande Guerre, les finances publiques étant exsangues, pour faire le Yo-Yo™, ensuite, jusqu’à ce taux confiscatoire d’aujourd’hui. Il se trouve que ce caractère confiscatoire est rejeté par une immense majorité des Français : 87 % de nos concitoyens, selon une enquête du CREDOC [Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie, NDLR] pour France Stratégie, souhaitent une baisse des droits de succession alors même que seulement 20 % des héritages sont taxés. D’où, peut-être, la relative retenue de la Macronie à aller plus loin dans la taxation des successions, comme le suggérait l’une des têtes pensantes programmatiques de Macron, Jean Pisani-Ferry. Macron était même allé jusqu’à promettre, dans sa campagne de 2022, un allégement de ces droits de succession. Ayant, sans doute, découvert la réalité des finances au lendemain de sa réélection, la promesse est passée à la trappe…

En tout cas, que révèle cette sensibilité des Français à la question de la fiscalité successorale ? Il faut, sans doute, la relier à l’attachement viscéral de ces mêmes Français à la propriété. On se souvient de ce film de Pierre Granier-Deferre, La Horse, sorti en 1970. Jean Gabin y campait un gros cultivateur (on disait encore comme ça, à l’époque), patriarche et maître absolu sur ses terres. Impliqué dans une affaire criminelle, Gabin doit décliner sa profession au juge. « Propriétaire », lance-t-il. « C’est pas une profession », rétorque le magistrat. « Pour moi, si », réplique, cinglant, Gabin. Certes, c’était il y a un demi-siècle. C’est-à-dire hier, aux yeux de l’Histoire. Les Français « de souche » d’aujourd’hui, qui pour la majorité ont des racines paysannes, ont sans doute hérité cette aspiration légitime, quasi atavique, à être seigneur chez eux, à transmettre ce chez eux, aussi modeste soit-il, tel qu'ils l'ont reçu, constitué, voire amélioré et, donc, non diminué sous le rabot fiscal. Tout ça est évidemment aux antipodes de la société liquide que Macron appelle de ses vœux…

Picture of Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

86 commentaires

  1. Ce ne sont que des gesticulations, personne ne remettra en cause cet impot quand l’Etat doit 3100 milliards. Il me semble d’ailleurs que la profession de foi du candidat Macron au 2e quinquennat promettait la même chose, ou au moins de baisser la ponction … Et que dire des héritiers indirects qui voient disparaitre 60% de la succession avec un abattement de l’ordre, je crois, de 10.000 euros. On nous taxe comme des serfs quand on gagne de l’argent (IR), quand on garde son argent (IFI), quand on dépense son argent (TVA) et quand on trépasse et passe son argent au suivant. Si ce n’est pas de l’acharnement …

    • La dette est effarante, effectivement.
      Mais à défaut de nous ponctionner toujours et encore, nos divers mozarts de ceci et cela pourraient commencer par mieux gérer les finances de l’État, par réduire voire supprimer la gabegie ambiante, cesser d’accueillir, loger, nourrir et soigner quiconque décide de s’installer chez nous, réduire le train de vie de l’État, supprimer les avantages attribués à nos ex présidents, faire le ménage dans toutes les strates de l’administration, etc.
      Qui aura le courage de commencer ?

  2. Valérie PECRESSE avait le RIC dans son programme présidentiel page 2, mais LR ne l’a pas mis dans les propositions de sa niche parlementaire alors que c’est le seul outil permettant à l’opposition de s’opposer!
    Assez de mascarade d’opposition!

  3. Tout cet argent collecté sur la sueur des français qui ont travaillé toute leur vie en cotisant au maximum, et qui cotisent encore quand ils meurent, pour ce qu’ILS en font!
    Les immigrés qui réussissent en France achètent des bien dans leur pays d’origine et continuent ainsi à bénéficier des aides sociales…

  4. Quand on a, comme le président actuel, alourdi (le mot est faible) la dette des Français de 1100 Mrds, « pour l’instant » et en si peu de temps, on ne peut « décemment » se priver de la manne que représentent les droits successoraux qui spolient les héritiers d’une part importante de la sueur de leur parents. Le plus grave étant que ce « pognon de digue » récupéré n’arrive même pas à faire mieux vivre les citoyens.

  5. Liberté, Sûreté, Propriété voilà l’Homme. Frédéric Bastiat
    Le fondement de l’état c’est d’élargir son périmètre, pour élargir toujours plus le périmètre du fondement du citoyen.

  6. Des bonnes idées juste avant les élections on sait tous comment ça finit . Droit de succession plus frais de notaire exorbitant une injustice bien française , pays le plus taxé et le plus imposé .

  7. le prix moyen d’une petite maison en province est de 200 000E. C’est très souvent l’achat de tes petits épargnants avec un emprunts de 25 à 30 ans.
    L’abattementt était de 200000E par enfant monsieur Hollande l’a baissé à 15000OEuros. Il n’y a que les socialistes pour détruire les lois sociales qu avaient bâties le MRP avec la SFIO.

    • Erreur : Sarkozy avait rehaussé le montant de l’exonération de 100 à 150000, « indexé sur l’inflation ». Si bien qu’en 2012 ce montant revalorisé était de 159000 euros que le bon, le brave, « le compétent » Hollande, arrivé au pouvoir, a ramené à 100000 euros.

  8. C’est pire que la mafia ! Ma mère nous a fait donation de ses biens, nous avons donc régler une somme importante moi et mon frère. Pour ce même bien que je viens de donner à ma fille, j’ai encore réglé une note salée. Et ainsi de suite, c’est vraiment écoeurant. Ce n’est pas étonnant que les entreprises soient fracassées compte tenu de ces énormes frais, en ligne directe ; alors pour les autres … Pas de frais de succession en Espagne. Et si l’Europe qui applatie tous faisait là aussi le ménage.

  9. En complément à mon précédent commentaire : Il existe peu de chiffres officiels, mais selon l’AFP, en 2022, près de 80% des familles françaises ne sont pas concernées par l’impôt sur l’héritage.

  10. Il ne devrait y avoir aucun impôt de succession,quelque soit le montant. C’est un acquis personnel le patrimoine et qui d’entre nous voudrait que la loi ordonne de donner une partie de son héritage au voisin ? Et finalement, c’est ce qui se passe,tout ça pour financer un nombre important de parasites qui ne veulent pas travailler ou qui vivent en faisant semblant de travailler ( comme nombre de e politiques d’ailleurs ou de fonctionnaires inutiles,car ceux-ci ont besoin d’impôts pour vivre leur poste inutile) Pfff…

  11. Avec un abattement de 100 000 euros par parent et par enfant , et avec la possibilité de donations , la majorité des Français ne paient pas d’impôt sur les succession , il est donc curieux de voir une majorité de Français contre l’impôt sur les successions . Certains confondent l’impôt sur les successions avec la rémunération du notaire chargé de la succession.
    Ensuite on ne parle jamais de l’impôt négatif sur les successions , quand l’héritier a ses parents à charge et doit payer la maison de retraite (obligation alimentaire), l’argent ne coule pas toujours des plus vieux vers les plus jeunes mais parfois des plus jeunes vers les plus vieux.
    Les très riches s’organisent très bien afin que leurs héritiers échappent au maximum à l’impôt sur les successions , certains ont même élu domicile dans un autre pays , la Belgique par exemple.

    • Justement ! Quand on a bossé tous les étés dans la maison laborieusement acquise, au prix de sacrifices, par les parents, qu’il est impossible de la garder à plusieurs, et que le fisc vous ampute au passage de ce qui aurait permis d’apporter le complément à la maison de retraite (passée, et charges en cours, et les futures..) ou la remise en état pour montrer aux générations suivantes quels étaient les rêves et les goûts de leurs ancêtres, les arbres plantés à chaque naissance ou communion, etc…Que de patrimoine dilapidé, voire effondré, par la faute à « pas de chance »( dont l’Etat vorace) !

    •  » et avec la possibilité de donations , la majorité des Français ne paient pas d’impôt sur les succession  » = certes beaucoup moins que l’impôt sur les successions, mais on paye. je parle bien d’une taxe en plus des frais de Notaire (qui eux aussi sont taxés!). J’en suis certaine, ayant tout donné à mes enfants (en gardant l’usufruit pour pouvoir vivre) récemment.

  12. Ce serait une très bonne chose. Petit détail car cette dérive sémantique m’agace profondément. Quand vous parlez, à propos d’allègement d’impôts, de « coût pour les finances publiques », c’est un abus. Ce n »est pas un coût, mais un manque à gagner. Et si tous deux dans un bilan comptable se traduisent par un signe « moins », ce n’est pas une raison pour tout mélanger.

  13. Attention, les petits loups, à Bruxelles ils sont capables de flairer le bon plan et tout aligner sur nous.

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