[POINT DE VUE] La grande méfiance de la nation à l’égard de la Justice de la République

La confiance des Français en leur Justice est historiquement basse et s’est totalement effondrée depuis 2008.
@tingeyinjurylawfirm/unsplash
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Le mystère du sondage disparu. Dès le 20 avril 2025, divers journaux et sites (Le Figaro, Dernières Nouvelles d’Alsace, Causeur, Le Dauphiné, Le Progrès, etc.) faisaient état d’un sondage évoquant, une fois encore, l’opinion très négative des Français à l’égard de leur Justice. Si le résultat est tristement édifiant, la formule reprise dans tous les médias est curieuse : « Le Conseil national des barreaux (CNB) vient de finaliser, avec l’IFOP, un sondage sur la confiance des Français dans la Justice. » Or, il est impossible de trouver trace de ce sondage et de sa méthode, ni sur le site du CNB, ni sur celui de l’IFOP. L’auteur de ces lignes a écrit plusieurs fois aux deux organismes concernés. Mutisme : le sondage a disparu !

Pour les lecteurs qui ne le sauraient pas, le CNB, qui a commandité ce sondage, est l'organisme national qui représente les 75.000 avocats inscrits dans un des 164 barreaux français : une forte représentativité, mais une voix en général discrète et mesurée. Interlocuteur des pouvoirs publics, le CNB participe à l'élaboration des règles professionnelles et il intervient aussi sur les questions relatives au droit et à l'institution judiciaire. Toutefois, il existe désormais une guerre au grand jour de certains magistrats contre les avocats (ce qui est déplorable) et le CNB a réagi par une résolution de son assemblée générale du 17 janvier 2025 « dénonçant des attaques inacceptables (et ouvertes, de quelques juges) à l’encontre de la profession d’avocat ». Ambiance...

Seulement 48 % des citoyens font encore confiance à la Justice française

Que révélait, selon les médias, le sondage disparu ? Que seulement 48 % des citoyens font encore confiance à la Justice française. Or, ce sondage n’est pas le premier mauvais sondage sur la Justice. Déjà en juillet 2022, 73 % des personnes interrogées par l’IFOP estimaient que « la Justice fonctionne mal », rejoignant les constatations du rapport de Jean-Marc Sauvé, en conclusion des États généraux de la Justice lancés en novembre 2021 par Emmanuel Macron. Ils n’étaient que 37 %, avant l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, mais en novembre 2024, selon un sondage CSA pour Europe 1, CNews et le JDD, 65 % des Français pensaient que la Justice est partiale. Après le sondage d’avril 2025, la présidente du CNB, Me Julie Couturier, a déclaré que la confiance des Français en leur Justice est historiquement basse et « s’est totalement effondrée depuis 2008, quand 63 % des citoyens déclaraient lui faire confiance, pour atteindre aujourd’hui péniblement 48 % ». Soit une chute de 15 points en 17 ans.

Les réactions des tenants du système

Alors que le sondage n’a toujours pas été rendu public (le sera-t-il un jour ?), les prises de position officielles se succèdent. Les Dernières Nouvelles d’Alsace rapportent les propos de Christophe Soulard, Premier président de la Cour de cassation, pour qui tout ne serait qu’une question de « pédagogie » (sic) pour faire évoluer les mentalités sur le fonctionnement de l’institution : « De plus en plus d’efforts sont réalisés pour expliquer les décisions de justice », sans pour autant « se faire trop d’illusion sur la pédagogie » (sic). Dans Le Dauphiné libéré, c’est Mme Guigou, ancien garde des Sceaux, qui monte en ligne. On nous fait savoir que la « montée du populisme en France annihilerait toute réflexion en profondeur et volonté de comprendre la complexité du système judiciaire (sic), car contrairement au peuple souverain, les magistrats n’auraient aucune légitimité ». Membre du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), l’ex-ministre socialiste ajoute : « Cette idée de "gouvernement des juges" est une fable, sauf qu’elle prend aujourd’hui dans des milieux qui devraient résister. » Mme Guigou n’est pas juriste mais elle contredit ce que publient, depuis des années, plusieurs renommés professeurs de droit à l’université. Pour elle, « la démocratie, ce n’est pas seulement le vote. Tous les dictateurs et autocrates sont élus. La démocratie, c’est l’État de droit. Il nous protège contre l’arbitraire. » L’État de droit certes, mais le sujet du sondage était : est-ce que la Justice en est encore garante ?

Pourquoi tout cela est-il gravissime ?

Les maux de la Justice sont perçus par tous, citoyens et acteurs judiciaires : laxisme pour certains délinquants et politisation de certains magistrats (affaire du « mur des cons », condamnations perçues comme éliminatrices contre certains politiques) ; et parfois même la corruption : magistrats et avocats honnêtes le savent bien. Même si on admettait la thèse de Mme Guigou, la simple perte de confiance dans l’État de droit est un mal mortel pour une société. Par-delà le baratin, il faudra en guérir au plus vite la République par des gestes institutionnels très forts, comme cela a été fait en d’autres pays (ainsi au Canada). Car « toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » (Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, art. 16). La dégradation de la démocratie en continu, l’explosion de la société sont inévitables et nul ne peut en prévoir l’ampleur : « Il est essentiel que les droits de l'homme soient protégés par un régime de droit pour que l'homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l'oppression » (Déclaration universelle, ONU, 1948) : l’injustice de la Justice est une cause de révolution.

Picture of Henri Temple
Henri Temple
Henri Temple est universitaire, juriste, théoricien de la Nation (auteur de :  Essai sur le concept de ‘’Nationisme’’, Sphairôs, 2024)

Vos commentaires

57 commentaires

  1. La justice est créée par des littéraires.
    Des lois qui se contredisent.
    Aucune structure logique.
    Il est temps d’y mettre de l’IA et des gens ayant une logique et scientifique.
    Et non pas des idéologues utopistes.
    Varier le recrutement.
    Et pourquoi pas des juges élus pas le peuple.
    Comme en suisse

  2. Les militaires sont assujettis au devoir de réserve avec interdiction de se syndiquer. Qu’attendent nos courageux députés pour imposer ces mêmes obligations aux magistrats. Le mur des cons est symptomatique du délabrement de ce que l’on appelle encore la justice paraît il rendue au nom du peuple.

  3. « montée du populisme en France annihilerait toute réflexion en profondeur et volonté de comprendre la complexité du système judiciaire (sic), car contrairement au peuple souverain, les magistrats n’auraient aucune légitimité » !!
    Si je comprends bien « cette spécialiste, le peuple, car c’est bien de lui qu’il s’agit dans cette déclaration, est incapable de réfléchir, c’est un ramassis d’illettrés et d’analphabètes selon madame Guigou qui a, tout le monde le sait, la science infuse … Cette suffisance, ce mépris ont des relents nauséabonds d’égouts.

  4. Qu’ils/elles me pardonnent… Messieurs et Mesdames les Juges.
    Personnellement je ne vois (plus) que « l’injustice de la République ! ».
    Nous sommes nombreux à ne plus voir que son « injustice » à cette république !
    Un seul exemple, car il y a tant d’excès : comment cette République, comment sa justice, peuvent-elles justifier l’existence en leur sein d’un « syndicat de la magistrature » vendu aux thèses gauchistes révolutionnaires et anti-rpublicaines ?
    Une République digne de ce nom ne doit (ne devrait) répondre que d’une Justice indépendante !
    Comme j’ai pris l’habitude de dire : « on peut rêver, profitons-en, c’est pas encore taxé ! »

  5. La Justice en France ….quel vilain mot ….mais actuellement peut on encore le prononcer sans râler et crier au secours …beaucoup trop de copinage .

  6. Chacun sait que la Justice penche idéologiquement à gauche pour la majorité des personnes qui la composent et dont plus de 30% sont membres du syndicat de la magistrature dont on connaît parfaitement la ligne directrice. Et à part une minorité de magistrats intègres certainement, cela ne suffit pas pour nous faire croire que cette institution est efficace,les scandales concernant des affaires de libérations débouchant sur des agressions ou drames le prouvent ainsi que l’acharnement dont sont victimes les forces de l’ordre quand elles font bien leur travail, sans oublier les verdicts très cléments à l’égard d’individus ayant mis en danger la vie d’autrui comme pour celui qui , ayant fait un refus d’obtempérer, a traîné un policier avec son véhicule sur au moins une dizaine de mètres et qui a écopé juste de 150€ d’amende,alors non, je n’ai aucune confiance en « la justice de mon pays » comme tant de gens le proclament hypocritement dans le sens inverse.

  7. Si on commençait par dépoussiérer le code pénal … Peut être que la justice ne serait pas aussi lente et moins opaque.

      • Pourtant avec le nombre toujours croissant de nouvelles lois, d’amendements et de jurisprudences, ce fatra d’articles devient interprétaple à souhait. Ajoutez y une grosse cuillerée d’idéologie et considérez que certains LFIstes sachant à peine lire rédigent et votent des lois. Franchement je m’étonne que 48% lui fassent encore confiance. Cela dit si l’on somme déjà les racailles bénéficiant de leur mansuétude, et ceux qui les défendent, on a déjà parcouru au moins la moitié du chemin.

    • Attention à la réforme que veut réaliser darmanin sous prétexte de « rapidité »: la Justice ne sera plus rendue « au nom du peuple français », mais des seuls juges, autrement dit une « dictature ».
      Première réforme: les magistrats dans les tribunaux. Il faut mettre fin au détachements et nominations dans des structures « ad hoc », et controler le travail effectif des magistrats qui ne sont que des fonctionnaires dans la gestion de leurs dossiers ! Ensuite on verra

  8. Il devient de plus en plus évident qu’une réforme de fond de la magistrature au sens large s’impose. Sans perdre le principe de l’indépendance du jugement et de l’analyse, le magistrat doit cependant répondre de ses actes comme tout citoyen. En somme: la quadrature du cercle

    • C’est incontestablement une justice à deux vitesses, à géométrie variable, selon qui vous êtes, selon ce que vous avez fait ou pas fait. Lorsqu’on voit le verdict contre Marine le Pen, verdict politique, on ne peut plus faire confiance à cette justice, restant un exemple parmi tant d’autres. Un magistrat devrait être neutre et apolitique. L’existence d’un syndicat de la magistrature avec un mur des cons à rendu Indigne l’autorité judiciaire.

  9. Concrètement, dans le système français d’aujourd’hui :
    Si vous êtes condamné à 10 ans de prison, vous pourrez sortir au bout de quatre ans et demi.
    Si vous êtes condamné à deux ans de prison, vous n’irez probablement pas en prison.
    Si vous êtes condamné à la perpétuité, vous pourrez sortir au bout de 18 ans (article 729 du code de procédure pénale). Le mot “perpétuité” ne veut plus rien dire !

    Or, les honnêtes citoyens demandent une seule chose à la Justice : faire exécuter les peines qu’elle prononce.
    Car, tant que la Justice ne fera pas son travail, la délinquance continuera à exploser. Et nous en serons les victimes malheureuses.

    • Vous oubliez le juge d’application des peines qui après le verdict rendu par le tribunal + vient encore alléger la peine prononcée par… manque de place de prisons, idéologie, etc. Cette « justice » ne signifie plus rien de nos jours si ce n’est un simulacre d’institution.

  10. La justice c’est comme les appels d’offres: plus c’est touffu et compliqué,plus les spécialistes y nagent seuls comme des poissons dans l’eau. A force de crier au populisme quand un juge libère une crapule dangereuse, le peuple qui lui , a les pieds qui touchent le sol à du mal à comprendre et donc n’accepte plus.

  11. 48 %, cela tient du miracle ou de l’inconscience ? Le grand écart entre les paroles du rapport Sauvé et les actes de la loi d’orientation et de programmation de novembre 2023 font attendre avec impatience que l’IA lise enfin les pièces que n’ont plus le temps de lire les magistrats. Une petite visite de terrain vaudrait mieux que dix ans de procédures perclues d’omissions, dénégations et contre-vérités à tous niveaux… Indépendance oui, mais impunité ???

  12. >>>… pour qui tout ne serait qu’une question de « pédagogie » <<<
    Comme quoi les définitions évoluent.
    Ce qui pouvait autrefois se définir raisonnablement par le mot "pédagogie" peut aujourd'hui s'énoncer "bourrage de crane" !

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