[Point de vue] Du rififi dans les rangs de la police judiciaire

Ce bouleversement arrive au pire moment pour la police nationale.
police judiciaire

Dans le silence quasi généralisé des médias, Gérald Darmanin, avec la complicité active de Frédéric Veaux, le directeur général de la police nationale, s’apprête à rayer d’un coup de plume plus d’un siècle d’histoire de la police. Dans le collimateur de ces technocrates implacables, la police judiciaire !

Le crime qu’ils s’apprêtent à commettre tient dans quelques phrases contenues dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (LOPMI) actuellement en cours de discussion au Parlement. Et plus particulièrement dans le rapport annexé à cette loi qui annonce, en son point numéro 135, la création des futures directions départementales de la police nationale.

Présenté par leurs auteurs comme permettant dans l’avenir de mieux piloter l’action de la police au niveau territorial, cet argument ne tient évidemment pas à l’analyse. Tout d’abord à cause de la disparité de nos départements. En effet, comment une réforme d’une telle ampleur pourrait-elle être pareillement applicable à des entités territoriales aussi différentes que le sont la Lozère ou le Cantal et les Bouches-du-Rhône ou le Nord ? Dans les premiers cas, les services de police sont représentés a minima, alors que pour les deux autres, c’est l’ensemble des directions qui y sont présentes et actives. Ainsi, grâce à un coup de baguette magique, le pilotage et les choix stratégiques applicables par et pour quelques dizaines de policiers deviendraient comparables à ceux conduits ailleurs par et pour plusieurs milliers de fonctionnaires appartenant au même ministère.

En second lieu, l’unicité de commandement n’a jamais été la garantie de l’efficacité des services. Cette réforme, pas plus que celle de même nature qui fut tentée puis annulée au début des années 1990, ne permettra qu’à quelques hauts fonctionnaires de faire une brillante carrière, mais elle se fera au détriment de l’efficacité des services d’investigation sur le terrain.

Enfin, ce bouleversement arrive au pire moment pour la police nationale. Déjà fortement délaissée par les policiers, la mission « investigation » qui aurait besoin d’être revalorisée va se retrouver amalgamée dans la masse et finira de perdre toute attractivité.

Il est évident que cette réforme des DDPN n’a pas été réfléchie à sa juste mesure. Exhumée du passé pour répondre à un besoin de réformer pour réformer, elle ne fera que contribuer à la mort lente que vit l’institution policière depuis plusieurs années.

Cette agonie sera par ailleurs précipitée par les mesures également contenues dans la LOPMI qui visent à augmenter coûte que coûte le nombre des officiers de police judiciaire. Les futurs enquêteurs seront en effet formés à la va vite au cours d’une formation initiale dont la durée n’augmentera pas (elle reviendra simplement à sa durée première de douze mois). Aucune expérience sérieuse ne sera exigée de ces OPJ, puisque seulement six mois en qualité d’agent de police judiciaire seront requis.

C’est donc à juste titre que policiers, magistrats et professionnels de la sécurité s’inquiètent d’une énième réforme de la police nationale qui risque fort d’être la dernière, tant les grands équilibres organisationnels et sécuritaires sont aujourd’hui menacés. Une réforme qui, par ailleurs, a posé au cœur de son sujet non pas la sécurité des Français, mais les préoccupations corporatistes de certains de ses promoteurs et le besoin irrépressible de communiquer d’un ministre de l’Intérieur depuis longtemps dépassé par l’ampleur de sa tâche.

C’est donc fort de leurs convictions que de nombreux fonctionnaires de la police judiciaire, derrière certains de leurs chefs qui ont été démis ou qui ont démissionné de leurs fonctions, manifestent désormais leur mécontentement à l’instar de l’accueil qu’ils ont récemment réservé au directeur général de la police nationale à Marseille. Plus qu’une place ou un poste, c’est une mission qu’ils défendent, conscients du fait qu’une fois qu’ils auront disparu, c’est un boulevard qui s’ouvrira pour les mafias en tous genres et le grand banditisme. Et, une fois encore, les premières victimes en seront les Français.

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Olivier Damien
Conseiller régional de Bourgogne-Franche-Comté, Commissaire divisionnaire honoraire

Vos commentaires

20 commentaires

  1. on fait dans la Pj ce qu’on fait déjà à l’éducation nationale , on forme à la va vite. On va appliquer le même principe dans les hôpitaux. Scandaleux ! Il serait plus que temps de nous organiser et de soutenir les forces de l’ordre. A force de les mépriser , les policiers ne protègeront plus les membres de ce gouvernement et ce chef de l’état arrogant. La situation risque de devenir malsaine et un dérapage peut survenir à tout moment dans de telles conditions

  2. Charles Peguy a dit quelque chose qui ressemble à :
    Seul l’ordre crée la liberté. Le désordre crée la servitude.

    Et que veut Macron allié des grands capitalistes ? la servitude.
    Laisser s’installer le désordre en coupant les ailes de tout ce qui pourrait s’y opposer est donc une stratégie cohérente.
    Et bien sûr laisser l’extrême gauche faire ce qu’elle aime le plus : créer du désordre.

  3. Bonjour La sovietisation de la police est En Marche et dans le même temps la liberté est En Marche Arrière

  4. Cette réforme illustre parfaitement la hauteur de vue du gouvernement et tient en une phrase : Supprimons la police, nous ferons disparaître la délinquance.

  5. On semble oublier que la principale mission de la police risque, et cela sera de plus en plus vrai, d’être le maintien de l’ordre et la garantie de l’intégrité du pouvoir central. Un pouvoir aux abois ne peut que renforcer la verticalité des chaines de décision dans un pays de moins en moins démocratique. Le judiciaire devient accessoire devant le risque d’émeutes et le pouvoir de la rue agitée par la NUPES.

  6. Votre conclusion Monsieur Damien pose la véritable question sur les raisons qui poussent à détruire cette vénérable institution qui a prouvé de son efficacité dans nombre d’affaires.

  7. Vous pourrez essayer de ne pas être d’accord mais cet énième scandale s’apparente à de la Haute Trahison de la part de cette équipe de malfaisants qui tout compte fait doivent êtres rémunérés par l’organisation du crime pour agir de la sorte . LRM livre la France au crime organisé

  8. Pour avoir à une époque de ma vie, fait des cours aux futurs OPJ de la gendarmerie (médecine légale), je sais qu’un OPJ ne se fabrique pas comme une savonnette, si on veut des agents compétents il faut du temps et des moyens, Macron va tuer un système qui était efficace.

  9. Encore une partie de l’administration française qui marche (remarquablement ) bien et que Macron va casser ! N’est il pas temps de le virer ?

  10. Je suis cependant étonné du manque de réactions et même du grand silence des syndicats mais aussi des fonctionnaires de police de base. Comme si la solidarité s’était dissolue au sein de la corporation. Serait-ce un problème de génération ? Ils sont dans l’ensemble victimes tous les jours des coups foireux de la classe politique par des positions lâches mais aussi sur le terrain de la racaille délinquante et antifa par des actions violentes.
    Tous ces suicides sont tout de même bien révélateurs de l’état d’esprit. Il serait grand temps que cette institution gardienne de la paix civile et de l’esprit patriote manifeste sa volonté d’assumer ses missions. En bloc.

  11. Inacceptable. Les policiers doivent se défendre, dire qu’il y a a tellement qui se suicident par désespoir. Défendez-vous.

  12. Les technocrates corrompus n’ont de cesse de détruire tous les piliers de notre nation. Quand s’arrêteront-ils ?

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