[Point de vue] Casserolades : chronique d’une dégringolade annoncée

Aux abois, le pouvoir n’est pas loin de décréter l’état d’urgence contre les casserolades. Autant dire que ça sent le roussi pour lui !
Je ne sais qui a dit de l’opinion publique que c’est un sphinx à tête d’âne. Expression fabuleuse, accessoirement un des plus beaux oxymores de la langue française. Celui qui parvient à en déchiffrer l’énigme est le maître de l’opinion. Vox populi, vox dei. Malheur à qui n’y parvient pas. Si la popularité est le juge de paix des démocraties, l’impopularité en est le bourreau sans pitié. Macron en fait les frais, comme l’un de ses lointains prédécesseurs – ni VGE ni Kennedy, mais Louis-Philippe, fourrier de la haute banque.
Le moindre de ses déplacements en province se transforme en séances de mortification publiques. Pas un bain de foule qui ne donne lieu à un camouflet, pas un camouflet qui ne tourne en boucle sur les réseaux sociaux comme d’enivrants rappels au théâtre. Les gens en redemandent. Bis repetita. Les mêmes scènes, partout, Guignol humiliant à tous les coups le gendarme Flageolet. Il y en avait pourtant 12.000, le 1er mai, pour encadrer les cortèges.
Le pouvoir est apeuré, comme au plus fort du mouvement des gilets jaunes, quand Macron devait fuir Le Puy-en-Velay, poursuivi par la foule, ou qu’un hélico se tenait prêt à décoller dans le jardin de l’Élysée. Aujourd’hui, Macron ne se déplace plus sans un impressionnant dispositif de sécurité, son groupe électrogène, ses drones et sa majesté outragée. Il n’a pas encore abdiqué, mais on dirait déjà un roi en exil. Il ne risque pourtant que des huées et des sifflets. Pas d’attentat du Petit-Clamart en vue, comme de Gaulle en 1962. Ce qui ne l’empêche pas de détourner à son profit la loi antiterroriste de 2017 instaurant un « périmètre de sécurité ».
La casserole, ennemi public numéro 1
Les préfets en sont réduits à traquer les casseroles, les forces de l’ordre à les confisquer, le gouvernement à les collectionner. À quand, un plan Vigipirate anti-casseroles ? Bientôt, le gouvernement fera interdire les rouleaux à pâtisserie, comme il a voulu bannir les sifflets et les cartons rouges, le jour de la finale de la Coupe de France.
Lorsqu’un pouvoir transforme les casserolades en « dispositifs sonores portatifs » ou « amplificateurs de bruits », c’est qu’il a peur de tout, sauf du ridicule. Aux dernières nouvelles, le premier « dispositif sonore portatif », c’est la parole, que la novlangue administrative a placé au faîte de la bêtise d’État. Ces périphrases jargonneuses rappellent les riches heures de Najat Vallaud-Belkacem à la tête de l’Éducation nationale avec ces piscines soudainement transformées en « milieux aquatiques profonds standardisés » et ces ballons de foot dûment déconstruits par le pédagogisme et redéfinis comme « référentiels rebondissants », chef-d’œuvre lexicographique.
À ce rythme, les arrêtés préfectoraux vont bientôt détrôner en fantaisie certains arrêtés municipaux, l’un des derniers domaines politiques où le registre saugrenu n’est pas bridé. Qui ne se souvient de l’interdiction de « lancer de nain » dans l’Essonne ? Ou de l’interdiction faite aux éléphants d’accéder aux plages normandes de Granville ? Ou de l’arrêté de 1954, toujours en vigueur, chef-d’œuvre de l’imagination municipale, publié par le maire de Châteauneuf-du-Pape, dans le Vaucluse, interdisant sur tout le territoire de la commune le survol de soucoupes volantes ?
La casserole est un ustensile plus commun que les OVNI. C’est même, avec la fourche, une des pièces centrales du répertoire de la révolte populaire. La fourche est tragique, la casserole tragi-comique. Elle marque le souverain mépris pour le souverain déchu, qui n’est plus qu’un monarque de carnaval, objet de la dérision publique. La dérision est une arme de corrosion massive, le pouvoir de la dérision soulignant comme nul autre la dérision du pouvoir. Quelle réponse lui apporter ? Aucune. Qui se risquerait à envoyer Ubu roi devant un tribunal, sauf à encourir le risque de devenir à son tour ubuesque ?
Des casserolades aux barricades
Cela nous ramène à la monarchie de Juillet, Louis-Philippe, sa gidouille ubuesque et ses traits caricaturés en forme de poire. Les points communs entre les deux régimes sont fascinants. Même crise économique, même inflation galopante, même confiscation de la démocratie, même casserolisation des ministres Thiers et Guizot poursuivis par la foule. Le règne de Macron a commencé comme celui de Louis-Philippe d’Orléans avec la révolution de Juillet. Son livre Révolution (2016) a d’ailleurs redonné des couleurs à l’orléanisme. Qui sait s’il ne finira pas comme le « roi des Français » en 1848, chassé du pouvoir après une manifestation qui a dégénéré ?
Mais plutôt qu’à Louis-Philippe, c’est au banquier Jacques Laffitte (1767-1844) qu’il fait penser. Surnommé « Jacques la Faillite », à la tête du deuxième ministère de Louis-Philippe, il était le chef du « parti du Mouvement », autant dire un « marcheur » avant l’heure ! Dans Les Luttes des classes en France (1850), Marx rappelle que c’est lui qui a conduit à l’hôtel de ville le futur Louis-Philippe, après les Trois Glorieuses, les journées révolutionnaires de juillet 1830. Et Lafitte de chuchoter à l’oreille du roi : « Désormais, ce sera le règne des banquiers. » Du Macron dans le texte, lui qui fut inspecteur des finances, associé-gérant chez Rothschild, ministre de l"Economie. Louis-Philippe avait fait interdire les banquets républicains ; Macron se contente des casseroles. Mais il n’y a pas loin des uns aux autres, comme il n’y a pas loin des casserolades aux barricades – et des guignolades aux dégringolades.
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34 commentaires
énorme saisie par la police de casseroles lors du déplacement présidentiel, autre chose amusante, les journaleux et communiquants de BFM nous disent « il va au contact des français », ah bon, mais lesquels, ceux qui sont triés la veille du passage, parce que dernièrement il a eu peur d’aller sur la pelouse au stade de France à la présentation des équipes, il est resté caché au fond des couloirs pour saluer les joueurs, quel poltron. Toujours à provoquer du genre « qu’ils viennent ma chercher », mais il est toujours en fuite et protégé par des compagnies de CRS, quelle honte, j’espère que le Charles va l’inviter pour qu’il lui fasse apprécier la sécurité quand il reçoit des invités.
Le fameux mot passé dans le langage : « Une Macronade ».
Nous restera-t-il des casseroles pour la cuisiner ?
Ce régime , il en traine tellement de casseroles mais la question est : quand va t’il tomber … ???
François Bousquet est trop jeune pour avoir connu les concerts de Casseroles à Alger et ailleurs où les gens tapaient « AL-GE-RIE-FRAN-CAISE » le soir sur des casseroles ou autres ustensiles sonores.
Malheureusement, ces « casserolades » (encore un nouveau mot) n’eurent pas plus d’effets qu’aujourd’hui. Elles servaient à exulter une colère en même temps qu’un vain espoir de changement, exactement comme aujourd’hui.
L’affaire s’est finalement mal terminée et je gage que la situation actuelle sera tout aussi dramatique et calamiteuse.
L’histoire n’est qu’un éternel recommencement, c’est bien vrai !
Très bon texte ;
Un gouvernement détestable et détesté , à juste titre , par une forte majorité de Français , il faut continuer à les harceler jusqu ‘ à ce qu ‘ il s ‘ en aille au plus vite , ils ont déjà fait trop de dégâts .
Tout le monde le déteste, mais qui donc a voté pour lui? A oui, c’est vrai, vous vouliez tous éviter Marine. Vous avez évité Marine, vous avez eu Macron. Vous en avez encore pour 4 ans. C’est bien fait pour la gueule de ceux qui ont voté pour lui.
Force est de constater que notre intelligentsia politique est frappée d’altération du discernement en s’obstinant ou en tolérant le déni de démocratie consistant à gouverner contre la volonté massive du Peuple souverain. S’il veut épargner à la France la violence de nouvelles « Trois glorieuses », le chef de l’État, garant des institutions, a l’ardente obligation de dénouer pacifiquement la crise par l’arbitrage des urnes.
Macron est un imposteur menteur professionnel un tartuffe méprisant arrogant suffisant incompétent larbin de la mafia mondialiste
Les citations attribuées à Najat Vallaud-Belkacem , sont, en fait de Bernard Jeu grand pourvoyeur du langage hexagonal. Précision qui n’enlève rien à cette sublime sinistre de l’Education Nationale……
Les casseroles ? C’est sympa, non ? Ces manifestations dégagent un climat de convivialité certaine.
C’est bizarre un pays où l’on réussit à interdire de promener des casseroles et à emporter des petits morceaux de carton dans un stade de foot, mais où l’on ne réussit pas à confisquer les armes de guerre qui circulent régulièrement dans certains quartiers …. de France (en guerre ?) au vu et au su de tous !
Et combien nous coûte donc la protection pléthorique de ceux qui sont responsables de ces concertes de casserole ? Ah, bientôt la fête de la musique ….
voilà un parfait exemple de texte comique sans le vouloir : les « frappeurs de casseroles » sont manipulés par la CGT qui a appelé à voter Macron en 2017, puis en 2022 et qui a annoncé qu’elle le ferait encore en 2027 face à MLP qui, comme chacun sait, est une « fasciste dangereuse pour le monde ouvrier » (si, si, la radasse cégétiste l’a dit). Dès lors, ce qui frappent dur des casseroles confortent Macron : il faudrait réfléchie 30 secondes avant d’écrire.
Désolée, mais non, les frappeurs ne sont pas manipulés par la CGT!
Si vous aviez été comme moi, au premier mai, faire une casserolade, vous auriez rencontré : des jeunes, des enfants, des adultes en pleine fleur de l’âge, des retraités, voire même de vieilles personnes avec des cannes et des handicapés en fauteuil roulant!
Des gens de droite, des gens de gauche, des gens ayant voté pour macaron (qui le disent et se repentent), pour Lepen, pour Zemmour, Lassalle , des abstentionnistes (qui le regrettent aussi), des cadres, des professons libérales, des artisans , des salariés, des syndiqués, des non syndiqués.
Ce qui nous a liés, ne vous en déplaise : la haine de ce gouvernement!
Et la CGT (et les autres, car pour la première fois, tous les syndicats étaient unis!) on s’en fichait totalement. On ne suivait pas leur mot d’ordre, mais notre colère!
je rêve donc je suis….Chacun existe comme il peut, le pouvoir, et ses amis des syndicats et de la NUPES, passent, tranquilles…A propos, vos casseroles, elles vous ont mené où? Au 6 juin puis aux vacances?
Merci pour ces précisions qui remettent les choses — en l’occurrence les casseroles — à leur vraie place !
C’est fou cette volonté de la cgt (en particulier) de vouloir s’approprier la colère populaire. À les écouter il n’y aurait donc que la gauche et l’extrême gauche habilités à exprimer une colère…
Nouvelle polémique d’ailleurs instituée par la « formidable » nupes : « la Fête du Travail » est pétiniste, il faut parler de « Fête des Travailleurs » ! Donc tous les calendriers sont pétinistes => supprimons les calendriers !!!
Ou taper sur des casseroles
Pourvu que cela dure ..j,aime le bruit des casseroles ..et vivement la Chute finale .
La casserolade, un mouvement de branquignols, mais bien adapté, sans doute à un gouvernement du même type.
Merci pour les branquignols qui ont casserolé pour leurs enfants, et petits enfants et pour tout le peuple de France.
Il auraient mieux fait de voter plus intelligemment.
Un régal cet article, tout est dit . L’impopularité macronnienne fait effectivement penser à des évènements historiques dont la fuite à Varennes pour Louis Capet. La France bouillonne et la cocotte minute qui la maintient risque l’explosion fatale. Ce gouvernement n’a aucune sagesse et son comportement boomerang va lui revenir en pleine figure pour rester poli.
Joli texte! toutes mes félicitations
Macron, c’est un peu comme ce mari volage dont l’épouse à demandé le divorce. Il s’accroche. Il croit encore que grâce à son charme personnel, il arrivera à la reconquérir. Il est le seul à ne pas comprendre que c’est fini.
Hélas je ne suis pas sûre que ce soit fini ….
Les « référentiels rebondissants » de la macronie semblent bien dégonflés !
Je suis bien d’accord avec Anne Aurore. La bestiole va s’accrocher jusqu’au dernier moment, comme les insectes dont on ne parvient pas à se débarrasser.