[POINT DE VUE] 21 avril 2002 : la bête immonde entrait sur scène…

Contre toute attente, Jean-Marie Le Pen venait de surclasser Lionel Jospin.
@Keith Waldegrave/Shutterstock
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Beaucoup d’entre nous s’en souviennent, qu’ils aient été, à l’époque, ados idéalistes remontés comme des pendules ou militants déjà blanchis sous le harnais - mais encore très convaincus et pas allergiques à l’engagement, fût-il physique. La date est historique : un peu comme pour le 11 septembre 2001, chacun de ceux qui étaient déjà de ce monde se souvient de ce qu’il faisait, au moment où les résultats du premier tour de la présidentielle sont tombés, le 21 avril 2002 à 20 heures - il y a exactement vingt-trois ans. « Énorme surprise », ont dit alors les commentateurs de la télévision. Tu m’étonnes. Contre toute attente, Jean-Marie Le Pen venait de surclasser Lionel Jospin.

Un discours rassembleur

À l’époque, les processus de résistance du système, cette vieille bête malade, étaient encore remarquablement rodés. Le Pen, pourtant, avait fait un discours remarquablement rassembleur et même populiste - dans le meilleur sens du terme. Il paraît que certaines des meilleures punchlines du Menhir, ce soir-là, étaient dues à notre excellent ami Nicolas Gauthier. L’intéressé seul peut répondre. Toujours est-il que Le Pen, dans ce discours plein d’espérance, était loin du registre provocateur qu’on lui connaissait : pour ce qui est de l’angoisse face à la décadence, l’actualité s’en était chargée, notamment avec l’affaire de « Papy Voise », un retraité agressé gratuitement par des racailles, quelques jours avant le vote. Ce fichu sentiment d’insécurité, vous connaissez la chanson…

Des slogans, des manifs, des médias...

Tous les éléments étaient là et, pour paraphraser la fin du Rivage des Syrtes, de Julien Gracq, on savait pour quoi, désormais, le décor était planté. En revanche, contrairement à 2025 et comme on l’a dit, le camp du Bien se défendait alors remarquablement bien, avec des chansons (de Saez, notamment, devenu beaucoup plus intelligent après), des slogans, des manifs… et des médias, audiovisuels et autres, tous à l'unisson. Cartes de France envahies d’un brun couleur merde, soigneusement choisi sur nuancier et matérialisant l’avancée du vote des méchants ; unes de quotidiens subventionnés, accompagnant le geste des gauchistes qui votaient Chirac en se bouchant le nez, « pour faire barrage à la haine »… tout était en place pour que la lutte contre le « fascisme » (qui commençait déjà à se faire très abstrait) soit glorifiée.

Que reste-t-il de tout ce cirque ?

Vingt-trois ans ont passé, c’est-à-dire, à l’échelle qu’utilisent les généalogistes - vrais géomètres de nos modes culturelles -, une génération. Que reste-t-il de tout ce cirque, de tout ce « théâtre antifasciste », comme Jospin lui-même l’a très justement qualifié ? Rien. Le candidat socialiste, installé sur l’île de Ré, a acheté une baraque aux Portes, comme n’importe quel rupin de vieille roche, et fait probablement, chaque été, le tour de ses illusions perdues avec une bicyclette à panier. Jacques Chirac est mort d’une maladie neurodégénérative, voici quelques années. Il a eu la chance, dans son malheur, d’oublier jusqu’au mal qu’il avait fait. Le Pen vient de nous quitter et la postérité commence à peine à se rendre compte du talent qu’elle a laissé passer. Honni de son vivant, objet d’un culte de moins en moins secret, c’est une sorte de Flaubert des estrades. Et ça ne va faire qu’aller croissant. Pendant ce temps, la France a continué de couler.

Fin avril 2002, l’auteur de ces lignes, après avoir eu la vision surréaliste d’une manif « antifasciste » dans les rues de Versailles, animée par des boutonneux idéalistes qui sont probablement devenus ingénieurs et électeurs LR ou macronistes, s’envolait pour la Russie où un obscur guébiste athée était plutôt bien vu des élites en place. Hystérie de perroquets et glaçante mise en place d’un nouveau régime : deux visions de la temporalité historique…

Picture of Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

43 commentaires

  1. Jospin. Un Ex (?) Trotsko. Avec un immense merci à Chirac et Villepin, couple infernal s’il en est.

  2. Ont ne va pas refaire les élections certainement que JMLP aurait fait mieux que Chirac,et que en 2017 Marine également quand nous voyons ce qui est devenu la France en 8 ans,mais c’est à croire que le peuple de France aime cela,l’immigration,le wokisme,la pauvreté,la drogue avec les bandits ect…

  3. Le jour du déclic, où beaucoup ont commencé à se dire…..qu’ils n’étaient plus seuls et qu’il n »y avait pas de honte à être patriotes !
    Le jour d’un déclic, car depuis cette date, et grâce à la gauche, tous les nouveaux présidents élus, tous, ne l’ont plus été pour leurs idées mais contre les idées de leurs adversaires respectifs.
    Conséquence : sans être élu pour ce que l’on est mais bien d’avantage pour ceux qui l’on hait, 20 ans de « socialisme » plus tard, on ne doit pas s’étonner de la facture de ces présidents « tous élus par hasard », et qu’il nous reste à nous tous à devoir rembourser…

  4. Je venais de la gauche et j’ai voté Lepen en 2002 .
    Je regrette que Lepen n’ait pas été élu à ce moment là . Sommes nous au mieux alors qu’il n’a pas été élu ?
    Je pose la question !

    • Ben moi aussi je me la pose et pourtant je n’ai pas « l’extrème Drouate » dans les veines.

  5. En ce moment, on ne cesse de glorifier Jacques Chirac ! grand président par la taille et « roi fainéant » par l’esprit. J’ai beau chercher ce qu’il a fait de beau, de grand, je ne trouve pas.

    • De la publicité pour les Pommes..la Bière Corona…et la tête de veau..
      Tout le reste c’est du pipeau..il a fait deux choses de bien (à mon avis )
      Épouser Bernadette, une femme exceptionnelle..et refuser la deuxième guerre contre Saddam Hussein

  6. Les Français par leur veulerie ont fait dérailler « le train Le Pen » de cette époque. Eux et leurs enfants (nos ?) ont devant eux les dégâts de ce sabotage d’aiguillage et de ceux plus récents .La voie n’est pourtant pas difficile à réparer

  7. Mais je constate aujourd’hui que les LFI et autres sbires sont bien plus dangereux qu’un JM Le Pen

  8. La « bête immonde » n’est certainement pas celle que les gens croient avoir neutralisée en 2002, car depuis,c’est une autre bête immonde bien plus dangereuse et rusée qui nous gouverne subtilement  » l’islamo-gaucho-wokisme » . Faiseuse de notre destruction et de notre disparition programmée . Véritable génocide civilsationnel, et identitaire. Alors oui,JMLP a dit des âneries, mais sur beaucoup de choses,il avait raison, même le fils de Bernard Tapie l’a avoué.

    • Jean-Marie Le Pen..était un homme cultivé intelligent et respectueux.
      Ceux qu l’ont ostracisé étaient eux, des incultes bêtes et irrespectueux..
      PAUVRES FRANCAIS..
      pas des veaux… mais des moutons qui vont bêlant à l’abattoir…..

  9. C’est en 2002 que j’ai enfin compris que la France n’était plus une réelle démocratie, des présentateurs de journaux télévisés prenant ouvertement parti contre le représentant du FN, des gamins mobilisés par leurs profs défilaient dans les rues de nos villes,je vivais alors à Tarbes .
    Que dire du cinéma des élus et électeurs de gauche se rendant aux urnes pour voter Chirac avec une pince à linge sur le nez ,les Guignols de l’Info présentaient la marionnette de Chirac auréolée ,il était « l’Elu ».
    Dans le fond rien n’a vraiment changé ,en dehors de l’importance des réseaux sociaux , les héritiers de Chirac s’effacent à leur tour devant les gauchos afin de faire barrage au Rassemblement National ,que ces mêmes gauchos alliés aux mélenchonistes continuent souvent à appelé FN au lieu de RN, c’est gros mais ça passe encore .

  10. En effet , difficile d ‘ oublier le scandaleux « Tour Infernal  » qui ,déjà , formatait les esprits et méprisait les mauvais électeurs ; et depuis , la méthode est toujours la même mais a perdu beaucoup de son efficacité , le peuple ayant fini par ouvrir (un peu) les yeux

    • Pour ce qui est de la politique…j’ai perdu la foi…si les Souverainistes ne
      s’unissent pas pour la prochaine Présidentielle…je ne voterai plus jamais…
      Après moi…le déluge !!

  11. Je me souviens que dès le lendemain, les profs appelaient les lycéens à manifester en masse contre le « danger fasciste », et ça a marché pendant toute la semaine.

    • Parlons-en des profs…gauchos pour la plupart..et faisant de la politique au lycée…au lieu d’enseigner…CE POUR QUOI NOUS LES PAYONS !!
      Et en plus ignorant ce qu’est le fascisme…HONTEUX.

    • Ce ne fut pas meilleur avec la tambouille de la cohabitation .
      La France a perdu l’occasion de renverser la table surtout sur l’immigration .
      Les français vont bientôt comprendre ‘e sens de ce que cela signifie .
      Ce n’est pas la peine de faire des constats et regarder le sens de l’histoire passer sans rien faire .
      J’ai été courageux de voter pour Jean Marie Lepen à l’ époque et je ne le regrette pas une seconde . J’en suis même fier apeès coup d’avoir conservé un esprit de démocrate libre .
      J’ai voté longtemps à gauche , y compris pour Marchais .
      Je ne me regrette pas du tout .
      Cela correspondait à ma vision des choses aux moment où je le faisais .

      • J’avais des idées de gauche,lorsque j’étais adolescente..
        Mais j’ai vu des choses qui m’ont dégoutée lorsque je vivais à Saint Nazaire..La CGT le PCF. dont la tête était pourrie
        ( je ne parle pas de la base…et de tous les militants..qui sont sincères et se font berner…ils sont les idiots utiles d’une organisation de faux culs..et de menteurs

  12. Et puis, Terra Nova, Sarkozy et sa forfaiture après le référendum de 2005 et on connaît la suite de notre chute.

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