[L’ÉTÉ BV] Que cache (selon certains) le portrait de Charles III ?

Le portrait de Charles III plaît, déplaît et nourrit toutes sortes de théories complotistes.
Capture d'écran © ITV News
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Cet article vous avait peut-être échappé. Nous vous proposons de le lire ou de le relire.
Cet article a été publié le 21/05/2024.

Tout l'été, BV vous propose de relire certains articles de l'année écoulée. Ici, des nouvelles de notre civilisation.

 

Il y a quelques jours, Charles III a dévoilé son portrait plus grand que nature. Charles Ier avait été portraituré par Anton van Dyck, Charles II par Philippe de Champaigne. Charles III a choisi un artiste britannique, Jonathan Yeo, peintre mondain, portraitiste d’innombrables célébrités. Et, comme en 2001 lorsque la reine Élisabeth avait été peinte par le talentueux Lucian Freud, tout le monde n’apprécie par le résultat. The Guardian a trouvé le portrait « trop chauve, trop fou, trop rouge » mais le Daily Mail l’assure : voilà « le portrait royal le plus progressiste depuis très longtemps ». La vérité est sans doute plus mesurée que les deux appréciations.

Sur ce portrait officiel, le roi porte l’uniforme des gardes gallois dont il est le colonel - le portrait avait été commencé avant que Charles ne devînt roi. Ce « red coat », la tunique rouge qui devint le surnom des soldats anglais, se confond avec le fond rouge et rose, s’y dilue. Dans son genre, ce fond est intéressant - mais va comme des bretelles à un chat avec le visage et les mains qui sont peintes de façon réaliste (il n’y manque pas une ridule). C’est une façon répandue, dans le monde de l’art, de faire cohabiter académisme et « modernité ». L’artiste peint la tête de façon convenue - voyez comme je sais peindre avec habileté - et le reste de façon déstructurée - voyez comme je suis moderne.

 

His Majesty King Charles III by Jonathan Yeo, 2024. Copyright Jonathan Yeo studio, 2024. Courtesy of the Artist

 

Baal et le papillon

 

Plus qu’à cette conception picturale bâtarde, c’est au visage royal semblant émerger du sang ou des flammes que les gens ont été négativement sensibles. Les lecteurs de Bram Stocker y ont vu Dracula. Les lecteurs d’Edgar Allan Poe, la mort rouge. Les lecteurs de Dante, Charles III cuisant dans le Phlégéthon, fleuve de sang en ébullition à destination des damnés. Beaucoup s’accordent pour dire que le tableau le représente aux portes de l’Enfer. Dans le fond brouillé, ne distingue-t-on pas là un œil inquiétant, là une tête démoniaque ? Et, a prouvé quelqu’un, en accolant le tableau à sa photo inversée, c’est Baal ou Belzébuth qui apparaît.

Même le papillon qui volète près de l’épaule royale a été scruté de près. Charles III l’a choisi parce que ce papillon est un « monarque » - dénommé ainsi en référence à Guillaume d’Orange - et qu’il est en voie de disparition : lignée et écologie sont les deux mamelles de Charles III. Selon le peintre, il symbolise aussi sa métamorphose en roi (après 70 ans d’état larvaire ?). Mais un monarque sur un portrait royal… Bon sang, mais c’est bien sûr ! Claire allusion au « Project Monarch », mené par la CIA dans les années 50 pour contrôler et manipuler les esprits…

 

L’ombre d’Epstein rôde dans Buckingham

 

À ce stade, certains commentateurs enchaînent sur un autre complot, qui n’est peut-être qu’une ramification du précédent : le frère du roi, le prince Andrew, était lié à Jeffrey Epstein ; l’on ressort une photo (admise pour authentique, malgré quelques doutes), où l’on voit Kevin Spacey et Ghislaine Maxwell assis sur les trônes de Buckingham Palace lors d’une visite organisée par le prince Andrew en 2002 ; et l’on rappelle que Jonathan Yeo a peint, justement, un portrait de Kevin Spacey… Le portrait de Charles III devient une pièce d’un vaste puzzle.

 

 

Les réseaux sociaux sont aussi le terrain de jeu des humoristes. Certains ont modifié la vidéo du dévoilement du tableau pour y faire apparaître tout autre chose : la reine mère, Donald Trump, le roi en squelette ou caricaturé… Les internautes ont de l’imagination drolatique à revendre, toujours plus que Jonathan Yeo dont toute la créativité s’est épuisée en 2007, lorsqu’il portraitura George Bush avec des collages de magazines pornographiques pour dénoncer le puritanisme et l’hypocrisie de la droite américaine… Charles III peut s’estimer heureux ! D’autant que le jour où la toile sera aspergée de soupe de tomates par des militants écologistes, on ne verra pas la différence.

 

Jonathan Yeo travaillant au portrait royal. Copyright Jonathan Yeo studio, 2024. Courtesy of the Artist

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 16/08/2024 à 13:54.
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Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

40 commentaires

  1. Sous un éteignoir pendant des années, il s’est fait remarquer en mal du fait de son divorce lamentable de Diana, et son ex maitresse devenue reine consort ?. au lieu de laisser la place à son fils, il ne sait plus quoi faire pour se faire remarquer !!! Ces anglais tout un poëme , il n’y a qu’à voir en Nouvelle Aquitaine, une attitude abjecte pour 75% d’entre eux !! ils se croient en pays conquis et vous marchent sur les pieds avec arrogance !! Au fait le saviez vous certains bénéficient même d’avantages sociaux , en ne déclarant pas tous leurs vrais revenus !! Et aucune vérification bien sûr !!!

  2. Je suis pétrifié d’admiration…devant le flegme du roi découvrant cette horreur… A moins qu’il ne l’apprécie, car on connaît les options parfois discutables de l’ex prince de Galles.

  3. Personnellement , je trouve ce tableau affreux ; il n ‘est pas flatteur , manque singulièrement de classe et de distinction , ce qui est un comble pour un monarque ; ce rouge mal barbouillé a quelque chose de désagréable ; on le croirait sorti des Dingodossiers ; le roi a sans doute voulu tomber dans le modernisme et la laideur ambiante .

  4. Ce n’est pas mauvais du tout, mais quelques touches polychromes en plus n’auraient pas gaté l’ensemble. Le portrait d’Innocent X par Velasquez en 1650 a également été peint dans une même couleur dominante rouge dans les vêtements et le décor, et c’est un des portraits les plus marquants de l’histoire de l’art.

  5. « le jour où la toile sera aspergée de soupe de tomates par des militants écologistes, on ne verra pas la différence. » Génial! C’est exactement cela. J’adore cet humour de Samuel Martin.

  6. Rien à dire. C’est seulement moche. On dirait qu’il baigne dans le sang. Ce serait mieux pour un président iranien non?

  7. Je trouve ce tableau intéressant. La couleur rouge (couleur traditionnelle des anglais) uniforme, laisse percevoir ce qui est strictement personnel (comme pour chacun de nous) : notre corps ; ici le visage et les mains. Ainsi, c’est bien Charles, personne physique et non pas vraiment le roi, qui est représenté. Charles qui subit l’apparat dépersonnalisé de sa fonction (on pense à son amour pour Camilla qui lui a été si longtemps interdit), Charles qui baigne dans l’uniformité d’une vie décidée par l’étiquette comme dans l’uniformité de son tableau, comme dans son « uniforme » militaire. Le papillon lui-même, si petit et si léger en comparaison de cette chape de plomb, rappel les quelques timides tentatives de Charles pour s’émanciper.
    Bref, c’est bien lui, personnellement, dans ce tableau. Les outils plastiques (couleur, uniformité, rendu du corps rompant avec le rendu du décor) ont bien été utilisés pour exprimer l’émotion de l’artiste.

  8. Regardez bien la vidéo.
    Lorsque Sa Majesté Charles III enfin déballe le tableau, il y a comme un temps d’arrêt si court soit-il, puis, en bon communiquant, le Roi fait dans l’autodérision, histoire de…
    Charles « avait » une bonne opinion de l’artiste, je doute qu’une autre commande ne lui soit donnée…
    Les langues se délient dans les cercles informés, et la conclusion est loin d’être positive.
    La majorité des britanniques est horrifiés.

  9. Horrible ! Mais où sont les Velasquez, Vigée Le Brun, L. De Vinci, Durer, Petrus Christus etc.. ces peintres célèbres qui faisaient si bien ressortir la personnalité de leur modèle

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