Osons le dire : la maltraitance en EHPAD a été aggravée par la gestion inhumaine de la crise sanitaire

Le livre-enquête Les Fossoyeurs, de Victor Castanet (Fayard), a fait grand bruit. Brigitte Bourguignon, ministre délégué chargé de l’Autonomie - inconnue du public, ce qui en soi est un bon indicateur de l’importance donnée à cette question par le gouvernement -, est montée au créneau : en ce mardi matin, elle a « convoqué les dirigeants d’ORPEA pour les entendre » et « souhaite que toute la lumière soit faite sur les faits signalés ». Comme si ORPEA était le seul groupe concerné. Comme si ces agissements dans les EHPAD étaient inconnus jusque-là. Bien sûr, ORPEA ou pas, ils ne sont pas tous à mettre dans le même sac. Mais convenons que pour les décrire, les mots « rentabilité » et « opacité » reviennent souvent… Dans son dernier roman, anéantir (Flammarion), Michel Houellebecq décrit une famille exfiltrant son père d’un « mouroir ». Tout est si verrouillé qu’elle doit imaginer un scénario d’évasion digne de la série Prison Break. « Nous n’avons pas pu encore faire la très grande loi sur l’autonomie », se défend Jean Castex devant l'Assemblée nationale. Cinq ans, voyez-vous, cela passe vite et le gouvernement n’est pas la déesse Vishnu, il n’a que deux mains et ne peut pas être au four et au moulin. Mais pour rester dans le registre de « la santé », on a eu du temps, par exemple, pour la PMA ou la prolongation du délai de l'IVG. C’était tellement plus urgent.
Non seulement ce gouvernement ne s’est pas occupé de cette maltraitance, mais il l'a en sus, beaucoup en témoignent, amplifiée, l’étendant aux hôpitaux, par la gestion inhumaine de la crise sanitaire.
Ne parlons pas de nos anciens qui sont morts, seuls, que même leur conjoint ou leurs enfants n’ont pas pu approcher, et que l’on a glissés précipitamment, nus, dans une bâche en plastique comme des chiens. Ne parlons même pas des longues semaines de confinement, au plus fort de la crise, où chacun, dans les EHPAD, devait rester reclus dans sa chambre, la porte ne s’entrebâillant brièvement que pour laisser passer un plateau-repas.
Non. Parlons d’aujourd’hui.
Il y a quelques jours, un hôpital du Sud-Ouest dans lequel un homme de 90 ans de mon entourage avait été transféré a signifié à la famille une fin de non-recevoir : ni son épouse ni ses enfants n’avaient le droit de le visiter. Même s’il n’avait pas le Covid et que ladite famille, vaccinée, proposait en sus de se faire tester. À 90 ans, on décline vite, on est vite désorienté… C’était ainsi et la standardiste était incapable de dire qui avait édicté cette loi. Un directeur trop zélé préférant laisser dépérir un vieillard - si un patient démoralisé, se laissant glisser, décède à 90 ans, qui pourra s’en étonner ? - que se voir reprocher - là, sa responsabilité pourrait être engagée - un hypothétique cluster. On connaissait le « quart d’heure du caporal » (chacun, dans la chaîne hiérarchique, avance de quelques minutes le rendez-vous fixée par le général et c’est ainsi que les soldats finissent par attendre des heures), voici le tour de vis du directeur. Et ce cas n’est, bien sûr, pas unique. Hospitalisée récemment, la mère de Valérie Guittienne, conseillère municipale de La Seyne-sur-Mer et fondatrice du CPAE (Cercle de proches aidants en EHPAD créé lors du premier confinement), en a également fait les frais. Celle-ci raconte qu’il a fallu l’intervention personnelle d’Emmanuel Hirsch, du Conseil d’éthique, auprès de l’hôpital pour qu’elle puisse la voir.
#Orpea est pointé du doigt mais c’est restrictif : TOUS les #Ehpad doivent être concernés. https://t.co/fxQuc9jsb8
— Valérie Guittienne (@valerie_en_pire) February 1, 2022
Voici donc le résultat de cette gestion autoritaire, en EHPAD et plus largement dans tous les établissements de santé : moins de personnel - cas contacts, soignants non vaccinés que l’on a écartés… -, beaucoup de turnover, une administration terrorisée par la psychose ambiante, une famille que l’on ne laisse pas entrer et qui ne peut donc plus écouter, remonter un oreiller, tirer un store, alerter une aide-soignante trop pressée parce que surchargée. On manque structurellement de main-d’œuvre mais on écarte ces petites mains bénévoles pleines de zèle de la parentèle. Pour le bien des personnes âgées… mais bien sûr.
Plusieurs infirmières spécialisées en témoignent, il n’y a guère que quelques EHPAD comme les Petites Sœurs des pauvres qui aient réellement réussi à préserver humanité et attention. Leurs recettes sont simples. Le gouvernement devrait s’en inspirer. Comme il devrait faire un plan Marshall du maintien à domicile, qui reste encore la solution la moins traumatisante mais relève parfois du parcours du combattant. Avec à l’issue, trop souvent, sonnant comme un échec, le (non-)choix par défaut de l’EHPAD. Mais quand il aura le temps, n’est-ce pas ?
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82 commentaires
Cette maltraitance de nos ainés ne date pas d’hier. Personne n’a osé comparer : on qu’un (pseudo) mineur isolé coûte 50 000 € par a au contribuable ? Combien coûte un criminel en prison alors que nos anciens, innocents et ayant trimé toute leur vie, doivent débourser entre 3 000 et 6 000, voire plus, € pour être maltraité ? Et personne ne se révolte ? Regardez le luxe des nouvelles prisons où il y a environ 1 salarié par détenu !
Sans oublier que la France, bonne fille, accueille sans hésitation les condamnés des pays étrangers, notamment du Maghreb, qui préfèrent nettement subir leur peine (quand ils la subissent) chez nous que chez eux.
1 salarié par détenu c’est peut-être un peu excessif, mais concernant le luxe et les conditions de vie, si vous saviez (parole de spécialiste), rappelez-vous, « ce ne sont pas des cobayes » !
J’ai lu un article sur l’ouverture d’une nouvelle prison dans mon secteur, c’était bien ça : 1 prisonnier = 1 salarié – 1 !
oui il y a eu Florence Aubenas qui a soutenu le personnel d’un Ehpad dans le Jura , dans ses revendications, il y a quelques années ..sans doute facile de retrouver l’article ..
Dans « Sud-Ouest » de ce jour, une page entière de pub d’ORPEA, pour expliquer qu’ils sont désolés et qu’on est vraiment trop méchants avec eux.
Questions : combien de pages dans d’autres journaux ? Et combien ça coûte ???? Et qui paie ?
Dans l’Alsace pareil , honteux .
Idem dans la Voix du Nord de ce jour !
La gestion est scandaleuse, inacceptable, la justice doit faire son travail. Les politiciens connaissent les problèmes de gestion, de maltraitance physique. Aujourd’hui, s’ils sont surpris, c’est qu’ils n’ont pas fait leur travail, la protection de tous ! De nombreux employés n’ont pas la vocation, comme dans beaucoup d’autres métiers à la personne. C’est uniquement alimentaire. Ils sont à l’image d’une société violente ou l’amour de son prochain n’a plus sa place.
Tous ces gens, qui maltraitent nos personnes âgées , au nom de l’argent, de la rentabilité, vieilliront aussi inéluctablement , dans quel état ils seront à ce moment -là !
Et vu la société déshumanisante , le non respect du serment d’Hippocrate, ce sera pire pour eux mais je ne serai plus là pour voir la catastrophe qui les attend
Nous savons tous ce que signifie de placer une personne en Ehpad, sa mort à + ou – brève échéance. Il faudrait que des soignants se dévouent sans cesse pour soigner et dorloter
les vieux sortis de leur foyer. Un peu faux cul non? Et si l’ on commençait à se mettre un peu en cause, ON ne veut pas s’ occuper de papa ou maman, ON le fout en Ehpad que l’ ON sait mouroir mais ON hurle avec les loups quand il faut l’ avouer
Ah, c’est vrai, nous avons tous une bonne excuse
Bravo, bien dit! On doit tout faire pour garder « à la maison » nos anciens qui, eux, ne sont pas allés à la pêche lorsqu’on n’avait que quelques jours… et dépendants alors.
Facile à dire et de balancer sur ceux qui sont contraints de faire ce choix… un établissement qui semble bien change vite avec le turn over et la manque de personnel qualifié, sans compter les confinements qui ont ouvert la voie à beaucoup d’abus.
Ma mère a fini sa vie en Ehpad, c’était son choix, pour ne pas « m’empoisonner la vie », mais elle venait passer quelques week-ends à la maison, et j’allais la voir de plus en plus, quotidiennement quand sa santé s’est dégradée. Et je lui apportais régulièrement de quoi égayer son quotidien : quelques fleurs du jardin, sa confiture préférée pour améliorer son petit déjeuner, des revues de mots fléchés… D’autres n’avaient quasiment jamais de visite, ils ont tenu moins longtemps.
Les soins pour des personnes dépendantes ne sont pas les mêmes pour ceux qui vivent en foyer logement, en toute autonomie. Peut être, faudrait-il supprimer les Ehpad et repenser tout le système. Je ne comprend pas que les personnes très âgées soient isolées du reste de la population. Pour moi soit ce sont des personnes qui doivent être en secteur médicalisé dans le cadre d’un HP soit elles peuvent rester dans un foyer logement avec l’aide de personnes qui sont spécialisées .
mes parents ont finis en Ehpad près de chez moi, ma mère dans un fauteuil après un avc et je passais plusieurs fois par semaine m’occuper d’eux. impossible de les prendre à la maison vu les soins. par contre le personnel était dévoué et attentif, mais je dois reconnaitre qu’il faut une sacrée dose de courage pour faire ce métier, vu le salaire.
facile la critique ! j’ai été responsable d’un service à domicile, donc sensée garder ma mère chez elle ! un choix a été fait car ma mère chez elle, tombait et restait la nuit par terre ! Ma mère était ce qu’on appelle une femme de caractère, comme il y en a quelque ‘uns (es) , impossible d’en faire façon comme on dit, jusqu’à prendre ses traitements comme elle l’entendait ! ne parlons pas alors de, ses enfants qui avaient toujours tord ! qu’en dites vous ? chaque cas est différend ..
Il y a autre chose qui m’horripile ! Hier soir sur CNEWS une femme bon chic bon genre s’est plainte de la maltraitance de sa mère en EHPAD avançant la somme de … 6000€ payée mensuellement !! J’ai envie de dire à cette « bonne dame » qu’avec 6000€ il y a moyen de payer des aides soignants tout en gardant cette malheureuse chez elle ou … chez cette bobonne friquée. Les EHPAD ont bon dos.
oh que oui, l’idéal est vraiment la possibilité de rester à son domicile avec des aides, mais il ya longtemps qu’on aurait pu miser au maximum sur cette solution pour le bien de tous nos ainés ! mais le gouvernement n’a rien à faire du bien être de nos anciens
Si l’on traitait nos ainés en ehpad comme les détenus dans nos prisons 5 étoiles (gratuites ne l’oublions pas ) il n’y aurait pas de soucis .
Pas faux !
je sens la stigmatisation dans vos propos……….. .bravo de le souligner
Bien envoyé ! Parole d’un spécialiste des taules pendant 35 ans ! Et encore, si vous saviez !
On en sait déjà assez pour nous énerver ….
Merci pour cet excellent article .
N’y a t-il pas en France assez de fonctionnaires habilités à faire des enquêtes (ARS et autres) qu’il soit utile à madame LE ministre Bourguignon, pas le bœuf, non, Brigitte, de diligenter DEUX organismes indépendants (peut être prêts du pouvoir) que l’on va payer à prix d’or comme dans la crise covidienne !! La gabegie continue.
En somme la continuation du « quoi qu’il.en coûte » ! Nous avons un spécialiste aux manettes avec le pognon de dingue du Peuple.
Tout est bon pour créer un comité Théodule pour les copains…
Qu’ils mettent une plateforme en ligne et ils auront gratos le travail prémaché par les utilisateurs.
D’autant que l’on ne peut se plaindre à la direction de l’établissement qui menace alors de mettre notre parent à la porte…
Qu’il m’envoie, l’enquête sera vite faite !
Qu’est-ce qui fonctionne aujourd’hui dans cette République a part l’escroquerie et le vol à travers les taxes, charges et contraintes de toutes nature passant systématiquement par des mesures financières. Rien, Rien d’autre ne fonctionne en tout cas ce qui touche la population car les grosses rentes Républicaines font le bonheur de tous les fainéants et en premier lieu celui des politiques et de la haute fonction publique et il faut attendre un livre pour voir des réactions d’un peuple assisté.
Bravo. Résumé concis mais complet dressant le tableau de notre pauvre France tombée entre les mains de la mafia internationale pour laquelle il n’existe qu’une seule valeur : le fric.
et peut-être les captations d’héritages ? rappelez-vous Giacometti !
Un véritable scandale car tout le monde savait et ce, depuis des lustres mais personne ne voulait ou ne pouvait peut-être prendre ce problème à bras-le-corps – une personne âgée électoralement ne rapporte pas grand chose mais le respect, l’humanité et l’amour dont ils ont besoin devraient être le moteur des actions en lieu et place des intérêts financiers – ces révélations puissent être la mise en route d’une nouvelle politique qui réhabilite celle appliquée honteusement jusqu’à maintenant.
Combien de fois avons-nous entendu, dans bouche de certains politiciens, les vieux coûtent cher et ne rapportent rien à la société.
À partir de 65 ans disait atalli…
EHPAD signifie mourroir . Pour la fin de vie inéluctable c’est un pis-aller et il ne recouvre rien de gai quoiqu’on fasse . Ajouter l’inhumanité de certaines règlementations manque pour le moins de tact mais il est devenu difficile de se passer de ces institutions .
Il y a autour de Macron une foule de « ministres » dont on ignore l’éventuelle utilité . Ainsi toute décision ramène à Jupiter ainsi privé de fusibles qui seraient protecteurs .
Qu’il en subisse les conséquences électorales .
Hypocrisie de nos gouvernants , qui vont vite se dépêcher de faire un embrouillamini ,pour surtout ne rien faire ,mais que les actionnaires continuent de se remplir les poches au détriment de nos personnes âgées ,qui elles ,devraient être l’objet de toutes nos attentions .
Les personnes âgées sont la mémoire de notre pays, elles touchent une retraite méritée, elles ont redressé la France après la guerre de 40, pas avec 35 h par semaine, mais 48 h. et plus. Aujourd’hui, on efface l’histoire de notre pays, les retraités vivent trop longtemps, nous donnons une retraite à des personnes étrangères, qui n’ont jamais travaillé, ni cotisé, en France.
Conclusion : Il faut récupérer l’argent des retraités, et gommer la mémoire.
pourquoi n’existe t il pas un organisme indépendant de control pour vérifier tout cela??
Merci , Gabrielle , de dénoncer un fait bien réel que nous vivons actuellement , mon beau père en ehpad , lui agé de 96 ans . Ma belle mère y est morte en début de pandémie covid , aussi en isolement total par décision « supérieure » Personne n’a pu la voir , et nous avons du vraiment insister lourdement pour que son mari puisse assister à l ‘enterrement , avec pour lui 15 jours d’isolement total en prime , et l’ehpad municipal dans lequel il vit est un des meilleurs et plus humains par ici
Est-ce bien des actionnaires dont il s’agit, car sans eux il n’y aurait aucun EHPAD, mais plutôt des dirigeants aux salaires et émoluments mirobolants.
Donc le gouvernement n’aurait que 2 mains !
Il n’ont jamais été si nombreux, ils ne nous ont jamais coûté aussi cher et il n’ont jamais si peu fait…
Les ehpad… la majorité sont dans la même situation de maltraitance, il suffit d’écouter les médecins hospitalier : les prises en charge et les soins laissent à désirer.
Ma mère opérée du fracture du col du fémur est attachée depuis 2 mois dans un fauteuil roulant vétuste et les prescriptions du chirurgien non respectées : pas de kiné…
Réponse :
Les institutions pour personne avec un handicap, sont dans le même état que les Ephad. Le grand remplacement de notre civilisation, il est moral et physique. Cela me rappelle un certain projet, pas si lointain.