Macron a eu son discours dans N.-D. de Paris et son geste contemporain (moche)

Comme Gisèle dans les Caprices du même nom, Emmanuel Macron finit toujours par obtenir ce qu’il veut.
(Photo by Christophe PETIT TESSON : POOL : AFP)
(Photo by Christophe PETIT TESSON : POOL : AFP)

Il aura donc finalement eu son discours inaugural sous les voûtes de Notre-Dame, sous couvert de « dernière visite de chantier » retransmise en direct par toutes les télés. Il a grillé la politesse à l’archevêque de Paris, apparemment consentant, puisque ce dernier, sur le parvis, bien aligné en rang d’oignons avec les autres dans une semi-haie d'honneur, attendait le couple présidentiel comme le petit personnel accueille le comte et la comtesse de Grantham de retour à Downton Abbey.

Capture d'écran

Mais Monseigneur Ulrich n’était pas le seul à accompagner dans Notre-Dame Emmanuel et Brigitte Macron. Ceux-ci étaient aussi flanqués de Rachida Dati, de Valérie Pécresse, du préfet Nuñez et, surtout, d'Anne Hidalgo pour déambuler dans les contre-allées, la nef et le chœur, levant le nez, commentant ou serrant la main des artisans, s’arrêtant un instant devant la Vierge au pilier, comme un hommage du vice à la vertu. Car chacun sait que « Notre-Drame de Paris », comme est appelé le maire par ses opposants, avant le vrai drame de Paris qu’a été l’incendie, se préoccupait comme d’une guigne du patrimoine religieux parisien et que les célèbres embouteillages dans la capitale qu’elle a largement contribué à développer ont, le soir fatidique, ralenti les pompiers.

Un sketch des Inconnus

La fameuse statue restée intacte - qui a réintégré les lieux il y a 15 jours - doit avoir bien du mal à se sentir chez elle : si la partie « immobilière » de sa maison - les murs, la voûte, les croisées d’ogive, les colonnes, les sols - ont été magnifiquement restaurés, grâce à la patience, au savoir-faire et au talent méticuleux d’artisans merveilleux, le mobilier, en revanche, tient moins de l'église éternelle que d'un show room IKEA. La séance d’extase convenue devant un autel en forme de bol sur une estrade, d'un ambon sur le modèle d'un pupitre pour séminaire d’entreprise, de fonts baptismaux (quand on connaît les anciens…) semblables à un entonnoir, d'un fauteuil épiscopal au dossier dur et droit comme un siège de torture pendant l’Inquisition, d'un reliquaire pour la Couronne d'épines aux allures de « disque d'or » des années 80, ne laisse pas d'étonner. Quant aux félicitations surjouées aux « designers » Ionna Vautrin, Sylvain Dubuisson et Guillaume Bardet - celui-ci jurant ses grands dieux, avec des air modestes, que cet autel version poterie de CE2 pour cadeau de fête des mères lui a valu six mois de réflexion pour trouver l’inspiration -, elles ressemblent singulièrement à un célèbre sketch des Inconnus.

 

Capture d'écran

Emmanuel Macron a réussi - en tordant le bras, par le fait du prince, aux règlement en vigueur, mais reconnaissons que le jeu en valait la chandelle - à faire en sorte que Notre-Dame soit rebâtie en cinq ans. Il se sent donc l’empereur des lieux qui tapote l’épaule des artisans comme Napoléon tirait l’oreille de ses grenadiers : « Nous sommes contents de vous. » Et surtout de nous-mêmes.

Le roi est nu

Sauf que, comme dans le conte d’Andersen, l’empereur est nu. Ces meubles rutilants, les habits neufs de la cathédrale, sont nuls, mais chut ! il ne faut rien dire de peur de passer pour un plouc obscurantiste, un philistin obtus.

Le designer, puisque c’est son nom - il est vrai qu’en l’occurrence, il convient mieux qu’artiste ou artisan -, excipe comme dans les années 70, d’une sobre simplicité supposée rappeler le christianisme originel. Sauf que tout cela jure dans l’exubérance grandiose de la cathédrale comme un plat Tupperware™ sur la table d’un grand banquet dans la galerie des Glaces... à cette différence près que le coût (ignoré jusqu'à présent) ne doit pas être celui d’un moule à charlotte en plastique. Et en ces temps de Laudato si' prônant dans l'Église l'économie circulaire et le développement durable, le moins que l'on puisse dire est que l'archevêché de Paris ne donne pas l'exemple : tant de trésors à restaurer - et, pour ce faire, on le voit à Notre-Dame, il y a des artisans excellents - croupissent, au fond de la France, dans des réserves de musée oubliées et de petites églises en ruine qui auraient été honorées de ce don pour recyclage à Notre-Dame.

Comme Gisèle dans Les Caprices du même nom, Emmanuel Macron finit toujours par obtenir ce qu’il veut, même quand on lui a dit non : le discours dans la cathédrale, le geste contemporain avec le mobilier. Et l’on n’a pas encore vu les vitraux.

La France sait imiter le beau, mais plus le créer. Qu’elle ait au moins l’humilité de le reconnaître et se contente de reproduire… en attendant d’avoir retrouvé la recette qui est peut-être, au fait, spirituelle.

 

Ostensoir Notre-Dame

Ancien et nouveau baptistère

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Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

143 commentaires

  1. La transgression, ne respecter rien ni personne, et le faire en se mettant en scène, voilà sans doute le principal moteur de celui qui, il n’y a pas si longtemps, se plaisait à « avoir très envie d’emmerder » certains Français. Les autres, ceux qui l’ont réélu, ne sont sans doute pas l’objet de plus de considération de sa part, mais c’est grâce à eux que cet individu malade peut continuer à se livrer à ses caprices qui finiront peut-être par nous conduire à la guerre.

  2. Je ne ferais qu’un commentaire , par rapport au titre , pour moi pas correct , désolé me Cluzel ; que je regarde tous les jours sur cnews avec grand plaisir , ce n’est pas obtenir , qui suppose de la discussion et un accord final , mais imposer ses idées , sa présence comme il a l’habitude de le faire , par la force , la pression , ou le détournement des règles .

  3. En quoi devons-nous à Macron la restauration de ND ? Sans les généreux donateurs, les artistes et ouvriers, il pouvait promettre ou prédire ce qu’il voulait, rien n’aurait pu se faire ! Heureusement d’ailleurs qu’il n’était pas aux commandes car vu la réussite de tout ce qu’il a entrepris pour notre pays, sa renommée internationale, ses finances, et son invasion, la Cathédrale ne serait que désolations. NON, ND ne doit rien à Macron ! Et je trouve que la présence ostentatoire de sa femme toujours à ses côtés est dérangeante, aurai-il besoin d’un soutien ?

  4. Comme l’a fait en son temps, Hollande, qui a purement supprimé tout ce qu’avait mis en place Sarkozy, j’espère que le prochain Président de la République, aura la sagesse de virer tous ces mobiliers et accessoires dignes d’IKEA et de remettre en place toutes les pièces historiques d’origine, pour d’effacer le passage de ce soit disant Jupiter….

  5. Macron ou la mouche du coche .. en plus il se fait applaudir après une prise de parole à l’intérieur de la cathédrale. Là où même St Louis était entré pieds nus ! Pauvre individu, aucun sens de scandale que sa personne représente en ce lieu sacré !

  6. On nous a promis une rénovation a l’identique alors pas de faux fuyants. Si nous étions une vrais démocratie tel la Suisse et ses votations alors beaucoup d’événements que nous vivons seraient différents, sans enlever l’impulsion que Macron a donné çà ne lui permet pas de faire n’importe quoi.

  7. Je me suis sentie moi-même dépourvue de religiosité tant mon esprit s’est égaré à travers ce cheminement profane. Par honnêteté, je le dis, j’ai regardé au journal télévisé le résultat, effarée. Le travail y est mais quid de la spiritualité ? Ça sentait le fabriqué. On salue bien sûr le travail des artisans et de l’ensemble des intervenants mais on ne ressent presque rien devant Notre-Dame restaurée. A l’extérieur cela se tient, bien sûr, mais qu’en est-il de la nef, du chœur, du baptistère et du reste. Pourquoi cette sensation ? Parce qu’une forme d’injure sous-jacente, due à une luminosité exagérée des lieux, nuit à leur sobriété et nous amène à oublier que ceux-ci sont saints. Faut-il attendre la patine du temps pour s’en voir consolé ?

  8. Le disque d’or ressemblerait à celui du dieu Râ. Macron ne peut s’empêcher d’installer ses références païennes, une forme de détestation de la chrétienté. Le marchand dans le temple avec son discours d’auto encensement était aux anges, enfin façon de parler…

  9. Gabrielle Cluzel parfaitement su décrire la scène théâtrale dans laquelle Macron s’imagine être le maître d’œuvre de cette  » renaissance  » de la cathédrale où seule l’expertise des compagnons du tour de France ont réalisé une véritable prouesse en dignes héritiers des constructeurs de cathédrales. Pour le reste Ikéa aurait fait l’affaire pour quelques euros. Mais voilà il fallait faire briller les copains pour qu’ils puissent annoncer pour « l’éternité » en toute humilité « Regardez c’est moi qui l’ai fait ». Pauvre France.

  10. Je n’ai évidemment rien regardé de ce qui pourrait participer à la gloire de cet individu mal élevé
    L’attitude du clergé est pathétique
    L’évêque de Paris a t il conscience qu’il encense un suppôt du démon
    Quelle honte
    Seul point positif : la dignité des artisans

    • Entièrement d’accord avec vous. Mais j’ai pu écouter quelques extraits diffusés sur Cnews, de cet homme aucune émotion et pauvreté intellectuelle pathétique pour un « énarque » (sic) n’est ni Malraux, ni Bossuet qui veut !
      Quant au mobilier, aucune transcendance, le néant, je pense à tous nos anciens qui ont participé, construit, toutes nos belles cathédrales, c’était avec la foi chevillée au corps. Chaque pierre, chaque vitrail de nos cathédrales, de nos Églises, de nos chapelles, de nos abbayes suent cet amour de Dieu.
      Un jeune Henri d’Anselme, qui s’est fait connaître lors d’événements dramatiques, a parcouru , la France pour valoriser, nous faire partager toute cette beauté qui recouvre notre pays.
      La beauté sauvera le monde (l’idiot de Dostoievski ) pour l’instant nous vivons dans l’enfer.

  11. Les généreux donateurs ne peuvent accepter que leur argent ait été utlisé pour saboter certaines parties de ce lieu magique . Et surtout ils veulent savoir comment sera utilsé le reste de l’argent , ce serait bien et normal qu’il soit affecté à la préservation d’autres lieux de culte chrétien du pays .

  12. J’ai toujours dit que Monseigneur Ulrich et Macron sont copains beaucoup plus qu’on ne le pense.
    Cela m’a même valu la censure de BV.
    Dans le « mauvais goût » ils s’entendent très bien.
    L’autel gros cailloux noir, le baptistère plus petit cailloux noir, la Cathèdre digne de la famille Adams, les chaises inconfortables au possible genre économies (de bou de chandelle)…
    Miracle, nous avons échappé aux vitraux ultra-modernes !
    Tout ce « cinéma » justifierait le fait que le Pape François ait décidé de snober l’inauguration officielle.
    D’ailleurs, Monseigneur Ulrich serait-il nommé d’office ailleurs, dans une position eucharistique « moins brillante » que je ne serais pas surpris.
    Heureusement, tout le reste mérite l’admiration devant le travail de tous ces artistes, oui ce sont des « artistes », qui ont redonné vie à notre Cathédrale Notre-Dame.

  13. ulrich, le pire de tous, et toujours aucune info sur les circonstances de l’incendie et de la mort du général georgelin pourtant habitué à sa dernière randonnée montagneuse !

    • Pour ce qui est des circonstances de l’incendie, nous savons qu’elles ne sont pas d’origine criminelle. C’est en tout cas ce que l’on s’est hâté de nous dire…

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