[LIVRE] L’esclavage n’est pas chrétien

Dans Les chrétiens et l'esclavage, Jean-Pierre Montembault rétablit des vérités trop souvent déformées ou niées.
Capture écran Hérodoc La Chaine Histoire
Capture écran Hérodoc La Chaine Histoire

À une époque où il est de bon ton de cracher sa bile sur le catholicisme, son rapport à l’esclavage est souvent (et étonnamment) cité parmi les innombrables horreurs qu’il est supposé avoir générées. Étonnamment, parce que si Jean-Pierre Montembault, dans Les chrétiens et l'esclavage (Artège Éditions), se garde bien de prétendre que les chrétiens auraient tous et toujours été irréprochables face à ce fléau, il montre, avec force documentation à l’appui, que la civilisation chrétienne a non seulement toujours combattu d’elle-même l’esclavage et l’a fait disparaître, mais qu’elle a aussi été la seule à le faire dans toute l’histoire du monde.

La liberté humaine, invention chrétienne

À cela, il y a une raison évidente : « Le christianisme introduit l’idée d’égalité de nature. Nous sommes tous fils d’un Dieu unique. » Propos corroboré par les écritures, très explicites sur ce point : « Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus ni homme ni femme, car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus » (Ga, 3, 38). Or, rappelle l’auteur, « depuis la révolution néolithique, jusqu’au XIXe siècle, toutes les sociétés ont connu l’esclavage, sauf à l’époque médiévale, où une culture et une grande partie du continent européen ne le permirent plus ». En effet, le christianisme a non seulement fait disparaître l’esclavage dans les pays où il était influent, mais ce sont ensuite les pays de civilisation chrétienne qui ont fait pression pour que de nombreux autres, ensuite, le fassent disparaître ou le limitent fortement chez eux.

Jean-Pierre Montembault passe en revue l’attitude des principales civilisations par rapport à l’esclavage, et il est intéressant de constater les différences d’approche et les degrés d’acceptation de cette pratique de l’une à l’autre, ainsi que les raisons qui les motivent, le plus souvent liées à leurs croyances religieuses, même si d’autres facteurs peuvent jouer, politiques notamment.

Les deux grandes sociétés antiques, que les révolutionnaires français ont prises pour modèle pour créer la Première République, ont pourtant été de grandes esclavagistes, système sans lequel elles n’auraient pu exister. Les cités grecques comptaient au moins 30 % d’esclaves dans leur population et Athènes se distinguait avec une proportion de 50 %. De son côté, l’Empire romain comptait, à son apogée, de 2 à 3 millions d’esclaves, soit 35 à 40 % de sa population, avant que tout commence à changer avec la conversion de Constantin en 313.

L’édit royal du 3 juillet 1315

En Occident, le christianisme a progressivement fait disparaître toute pratique. L’auteur rappelle ainsi qu’à la mort de Clovis II en 657, « la reine Bathilde, ancienne esclave, interdit les marchés d’esclaves et rachète la liberté de nombreux captifs ». Le 3 juillet 1315, un édit royal réaffirme que « le sol de France affranchit l’esclave qui le touche. Selon le droit de la nature, chacun doit naître franc », et « Louis VI avait, en 1135, affranchi les derniers esclaves de son domaine royal ». L’attitude des Européens vis-à-vis de l’esclavage a parfois été plus ambiguë : dans les pays méditerranéens marqués par l’héritage romain et l’influence musulmane, pendant la Renaissance qui a pris Rome et Athènes pour modèles, chez les découvreurs tentés par la traite comme Christophe Colomb. Mais ensuite, au XVIIIe siècle, où le Code noir est controversé malgré d’évidentes bonnes intentions, où la perte de vigueur dans la foi ravive la tentation esclavagiste et où les Lumières se montrent peu claires sur le rapport au racisme et à l'esclavage.

Avant de revisiter les deux derniers siècles qui montrent que rien n’est définitivement gagné dans cette lutte pour le respect des humains et de leur liberté, Jean-Pierre Montembault consacre de grands chapitres fortement et minutieusement documentés à l’Afrique, grande pourvoyeuse mais aussi utilisatrice d’esclaves (la population du royaume de Moriah, en Guinée, comptait 75 % d’esclaves), et surtout au monde arabo-musulman, où l’esclavage a sévi comme nulle part ailleurs.

L’esclavage musulman, sujet sensible

Sujet difficile puisque, comme le fait remarquer l’historien Bernard Lewis, « l’esclavage en terre d’islam reste un sujet à la fois obscur et hypersensible, dont la seule mention est ressentie comme le signe d’intentions hostiles ». Pourtant, force est de constater que le Coran ne condamne pas l’esclavage, qu’il considère comme naturel, comme le reconnaît l’anthropologue Malek Chebel : « Pour le musulman, posséder un esclave est un signe de richesse, une question de fortune qui n’appelle pas de culpabilité particulière. » Inavouable de nos jours, cette réalité était autrefois assumée. Au XIVe siècle, le savant arabe Ibn Khaldoun expliquait que les Noirs sont « les seuls peuples à accepter véritablement l’esclavage sans espoir de retour, en raison d’un degré inférieur d’humanité, leur place étant plus proche du stade animal ».

Rappelant que des pratiques esclavagistes de masse ont persisté dans certaines régions africaines jusqu’aux années 2000, Jean-Pierre Montembault souligne que les tentations esclavagistes réapparaissent avec le déclin du christianisme.

Vos commentaires

35 commentaires

  1. L’esclavage force de travail et aussi frein au développement : le grec Héron d’Alexandrie avait inventé la machine à vapeur, l’éolipyle, mais ne l’a pas développé car la force de travail d’alors était autre, se reproduisant naturellement sans faire appel à un outils industriel.
    L’abolition de l’esclavage au Brésil et certainement ailleurs, ne s’est fait dans un sursaut humaniste mais bien pour des raisons économiques lorsque les grands propriétaires de plantation ont fait le constat que l’emploi de travailleurs saisonniers leur coûtaient bien moins cher que l’entretien à l’année de familles d’esclaves
    En Angleterre, encore au XIX, lorsqu’un propriétaire de mine de charbon vendait son exploitation la transaction prenait aussi en compte les familles de mineurs attachaient définitivement à cette mine par un choix volontaire et définitif à l’âge de 18 ans. Nota, les règles de propriété du sous-sol ne sont pas les même en Angleterre et en France où l’Etat est le seul propriétaire du sous-sol.

    • Si on a changé le terme d’esclave en celui de serf, c’est parce que justement cela ne recouvre pas la même réalité. Les serfs ont des droits dont celui de s’enrichir, de se marier, ne peut être tués, violés… Leur enrichissement est si réel qu’ils ont progressivement racheté leur liberté. Au Moyen Age, les esclaves comme les serfs disparaîtront en Europe…. avant de réapparaitre, à partir du XVIe s., dans les colonies (pas en métropole) en ce qui concerne l’esclavage, et dans l’Europe orthodoxe et parfois protestante pour les serfs.

  2. Merci de rappeler que la France et la chrétienté peuvent s’enorgueillir de leur passé contre l’esclavage, notamment cet édit du roi Louis X l’abolissant sur tout le sol de France, dès l’an 1315. A ma connaissance, la France est le premier pays dans cette lutte glorieuse.

  3. Ils ne vont certainement pas lire le livre les Arabo-musulmans et pourtant cela leur feraient comprendrent la vérité et la fin du livre est dit moins il y à de chrétiens plus il y à de l’esclavage.

  4. L’abolition générale de l’esclavage en Europe et dans ses colonies n’est pas le fait du christianisme mais celui de la Civilisation Occidentale, dont le christianisme n’est qu’un paramètre. Le christianisme malgré l’affichage de ses grands principes d’égalité a volontiers pratiqué l’esclavage pendant 1500 ans… En fait c’est quand l’Europe a commencé à sérieusement se déchristianiser et à se démocratiser que l’esclavage y a été vraiment combattu… au XVIIIe siècle…
    Et puis la phrase de l’article : »l’Empire romain comptait, à son apogée, de 2 à 3 millions d’esclaves, soit 35 à 40 % de sa population, avant que tout commence à changer avec la conversion de Constantin en 313. » laisse à supposer que l’Empire ne comptait que 10 millions d’habitants… Une erreur d’au moins un facteur dix pour notre historien.

    • L’esclavage a disparu d’Europe, grâce au christianisme, entre le Xe et le XIIe s. pour ne jamais y revenir légalement. Il sera réintroduit dans les colonies (pas en Europe) entre le XVIe et le XVIIIe s. malgré les différentes condamnations pontificales. Il sera combattu dans les colonies par de nombreux clercs (pas tous, le livre a toute une partie sur le silence coupable de nombreux hommes d’Eglise) et par les Quakers protestants, donc toujours pour des raisons religieuses. Les autres raisons viendront bien après. Le livre, très sourcé, vous donnera toutes les preuves… et il ne dit jamais que l’Empire romain comptait 10 millions d’habitants ni 2 à 3 millions d’esclaves. Il dit que le nombre d’esclaves, qui a varié selon les régions et les époques, était entre 20 à 40% de la population. C’est l’auteur de l’article qui a ajouté d’autres chiffres.

  5. Et aujourd’hui l’esclavage apparaît sous une forme déguisée l’uberisation de la société où il est nomal de faire appel à un service et tout lieu et en tout temps pour des clopinettes. Bizare, c’est dans le même temps que l’influence catholique est en perte de vigesseyau profit de l’islam

  6. N’oublions pas le XXème siècle, grand pourvoyeur d’esclaves pour Hitler et Staline, dont les millions de déportés ont été employés à construire leur empire totalitaire !

    • Oui, les 3 grandes dictatures d’extrême gauche d’il y a 1 siècle sont une honte pour l’Occident. Et j’ai honte qu’il y ait encore un parti communiste en France (et qu’il y ait un parti fascisant, d’extrême gauche comme l’était B. Mussolini).

  7. Tiens une vérité apparait, que vont dire les pseudos historiens ou les historiens aveuglés par une idéologie mensongère comme sur l’Algérie et autres pays d’Afrique

    • Peut-être diront-ils que l’Europe chrétienne a été esclavagiste pendant plus de 1500 ans ?

  8. Vous parlez de l’esclavage à durée indéterminée, mais il existait le système des « indentured servants » pour payer sa place sur les bateaux en partance pour les Treize Colonies, le sort de ces gens etant très variable en fonction de l’éthique du maitre. Et plus tard, les Etats du Sud étaient également chrétiens que je sache. Il a fallu la Guerre de Secession, qui a d’ailleurs remplacé l’esclavage par un apartheid qui a duré un siècle. Et les forcats d’Australie n’avaient pas non plus un sort très enviable, prêtés à des grands propriétaires par l’administration pénitentiaire. Esclavage sous contrat, mais esclavage quand même … Cela fait quand même beaucoup, et à une période assez récente !

    • L’auteur distingue les périodes, les zones géographiques et les civilisations. Le système des « indentured servants » concerne surtout les pays protestants. Ce n’est pas de l’esclavage car il était déjà pour une durée limitée (le temps -plusieurs années- de rembourser le transport) mais il est vrai que les conditions de vie de ces pauvres personnes étaient parfois à la limite de l’esclavage. Mais l’Eglise catholique et les Quakers au XVIIIe s n’ont pas approuvé ce système. Le combat a été âpre entre ceux qui diffusaient le message chrétien et ceux, tout en se disant chrétiens, qui n’en avaient cure sur ce domaine. Le livre donne plusieurs exemples où parfois les prêtres sont chassés de la ville, voire du pays, pour avoir dénoncé l’esclavage (par exemple p. 109)

  9. Soyez historien catholique, ne soyez pas catholique historien. La question est autrement subtile et, disons-le, la parole de St Paul est toute spirituelle et non suivie d’effets. Voltaire, le grand Voltaire, pratiquait le commerce triangulaire. La question est anachronique et relève de la définition de l’esclavagisme et de son « traitement « . Dans le monde greco-romain les plus grands philosophes s’accomodaient de l’esclavagisme et pouvaient d’ailleurs en etre issus tout comme les gouvernants. Disons que le christianisme a apporte la charite. Au XIX eme on trouve des esclaves venant au secours de leurs maitres sans le sous (Balzac). Il y a tant a dire sur le sujet ! Et avouons-le, rien ni personne n’abolira l’inegalite humaine, avatar de l’esclavagisme. C’est la condition humaine.

    • Les sociétés de chasseurs-cueilleurs nomades pratiquent toutes un égalitarisme pointilleux…

      • Vous y avez été voir ? J’imagine que ceux qui montaient au cocotier et ceux qui les attendaient n’avaient pas le même statut. Idem dans le monde biblique, parcouru de « classes ». L’égalité est un esclavagisme idéologique qui nous leurre et que notre bonne conscience poursuit inlassablement.

  10. Une vérité a faire découvrir à nos enfants qui sont abreuvés de fakes News sur cette question.

  11. Dans un prochain opus, je vous raconterai la réception de Madame Christiane TAUBIRA, au pied des marches du Palais d’Angers, le 25 octobre 2013:  » Madame le Ministre, c’est d’autant plus pour moi un honneur de vous accueillir, que c’est mon trisaïeul qui a affranchi le vôtre « .

  12. Un peu court comme analyse, l’esclavage trouve ses racines dans la « force de travail » qu’il représente, bien avant l’invention de la machine à vapeur, la force hydraulique ou l’électricité. Je rappelerai aussi que les catholiques ne se sont pas génés pour vendre des esclaves slaves aux musulmans d’Espagne (voir articles sur le trésor de l’infirmerie de l’abbaye de Cluny), Verdun étant le centre de tri et de castration avant le dernier voyage. mais vous avez raison, c’est l’Occident qui le premier a abolit cette pratique qui demeure encore de nos jours dans de nombreux endroits du monde

    • Bonjour, il est vrai que des catholiques (qui avaient des moeurs encore très barbares car on ne change pas les hommes en un jour) ne se sont pas gênés pour vendre des esclaves slaves aux musulmans. Mais cela se passe au temps des Carolingiens. La suppression des esclaves s’est faite en 2 étapes : ne pas mettre en esclavage un chrétien (au haut Moyen Age donc au temps des Carolingiens), puis ne mettre plus personne en esclavage (entre le Xe et le XIIe s.). Cela a pris du temps et ne s’est pas fait sans heurts. Mais progressivement, les hommes ont pris conscience que l’esclavage est un péché. Et cela n’a existé que dans la civilisation chrétienne. Le livre vous donne tous les détails, les réussites comme les échecs. Bonne journée.

    • L’esclavage? C’est une réalité aujourd’hui dans nos sociétés dites civilisées. On propose de faire travailler les gens jusqu’à ce que mort s’ensuive, on les utilise comme chair à canon pour défendre les intérêts de leurs maîtres, on les emprisonne des qu’ils osent remettre en cause leurs maîtres et puis on les enfermé et on leurs injecte des mixtures. Au fait qui c’est ON?

    • Bonjour, lisez le livre et vous comprendrez la différence entre un serf et un esclave. Pour faire court, un serf a de nombreux droits car il est considéré comme un être humain, un esclave n’en a pas ou peu. Par ailleurs, le servage va également disparaître au Moyen Age. L’édit de Louis X le Hutin concerne le servage, car il n’y avait déjà plus d’esclaves à l’époque.

    • Quand les noirs trimaient dans les champs de coton en Amérique, en Angleterre on donnait des leçons et on s’indignait de l’esclavage, en revanche, des enfants de 5 ans trimaient dans les mines de charbon, révolution industrielle !

      • C’est tours le cas, dans certains pays où des enfants travaillent dans des mines de métaux rares, pour nous fabriquer des batteries pour voitures électriques.
        Je ne crois pas que l’esclavage ait vraiment disparu. Il a pris une nouvelle forme. Les esclaves actuels sont toute ces personnes accueillies dans nos pays pour exercer les  » métiers  » que les français ( ou occidentaux ) ne veulent plus assumer. On se cache derrière les droits des travailleurs, dont ils bénéficient, pour dire qu’ils ne sont pas esclaves. Ne serait ce pas juste une différence de forme ? Et, ceux là, ils se retourneront facilement contre nous. Avec la bénédiction des syndicats de travailleurs.

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

Il faut faire des confettis avec le cordon sanitaire
Gabrielle Cluzel sur CNews

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois