L’Île-de-France bloquée par la neige : les raisons d’une incurie d’État

Au-delà du mille-feuille administratif, la tiers-mondisation de la France est en marche.
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À chaque hiver, la même chose. La météo annonce de la neige et les autorités publiques attendent qu’elle tombe pour commencer à envisager de saler les routes. Le cru 2024 n’aura pas fait exception à la règle, tel que le reconnaît Clément Beaune, ministre des Transports, sur RMC, ce mardi 9 janvier : « À peu près mille véhicules étaient bloqués sur l’A13. […] Encore quatre cents, essentiellement sur l’A13, étaient encore pris au piège de la neige à 7 heures 30. » Et le même de poursuivre : « Toutes les saleuses déneigeuses de la Direction des routes sont mobilisées. »

Résultat ? 150 kilomètres de bouchons répertoriés en Île-de-France. Comme toujours, l’éternelle question : pourquoi avoir attendu la nuit pour saler les routes, alors que la neige commençait déjà à tomber dru dès le milieu de l’après-midi ? Bref, pourquoi ne pas l’avoir fait avant, à croire que le sacro-saint principe de précaution vaut pour tous, hormis les automobilistes ? Mystère…

DDE : des réorganisations faites à l’aveuglette

En fait, pas tant que ça. Il y a, évidemment, le manque de personnel et de matériel, déjà dénoncé en 2005, lors d’épisodes neigeux particulièrement spectaculaires, par les syndicalistes CGT de la DDE de l’Oise, cités par Le Parisien : « Nous étions tous sur le pied de guerre, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Mais le problème, c’est que nous manquons cruellement d’effectifs. En dix ans, nous avons perdu une quarantaine d’agents sur l’ensemble du département. »

À cela s’ajoute la réorganisation pour le moins chaotique des DDE (direction départementale de l’équipement). Toujours selon la même source : « On en voit déjà les dégâts. Quand il y a un risque de neige ou de verglas, les tronçons gérés par l’État sont traités à titre préventif dès minuit. Alors que le conseil général ne fait que du curatif pour les siens, en intervenant après coup, à partir de cinq heures. On gère donc nos routes de deux façons différentes. C’est n’importe quoi. »

Ce qui fait dire, dix-huit ans après, au journaliste Éric Revel, sur X : « Donc, il fait froid l’hiver. La neige est tombée. Prévisible et prévue. Vague de froid annoncée par Météo France. Mais les autoroutes n’ont pas été salées ! Que fait Christian Beaune, ministre des Transports. Au pot de départ d’Élisabeth Borne ? »

Même son de cloche chez une certaine Gabrielle Cluzel, bien connue de nos lecteurs : « Galère… et colère. A-t-on le droit de se demander, alors qu’on nous bassine avec une alerte grand froid depuis deux jours, pourquoi ces autoroutes n’ont pas été salées ? »

Cette désorganisation chronique, plus haut pointée par la CGT, ne date effectivement pas d’hier. Ainsi faut-il savoir que depuis les premières lois de décentralisation de 1982, les DDE sont directement passées sous le contrôle exclusif des départements, tandis que dix ans plus tard, une autre loi réaffirmait leur statut d’entreprises d’État. Double tutelle, donc, l’une venue d’en haut et l’autre d’en bas ; avec, en prime, la confusion allant généralement avec, alliant les défauts de l’étatisme et ceux de la décentralisation. Avec d’autres réformes entreprises en 2006, sous la présidence chiraquienne, le mélange des genres montait d’un cran.

Car c’est à cette époque que le périmètre d’action des DDE a encore été réduit, répartissant leurs domaines de compétences entre directions départementales des territoires et directions interdépartementales des routes. De quoi y perdre son latin.

Un coût économique dont l’État ne peut plus s’acquitter…

Et puis, il y a l’autre non-dit consistant, pour les gouvernements successifs, à faire croire que nous sommes encore une nation riche, alors que la paupérisation des services publics va grandissant. En effet, le sel servant à traiter nos routes n’est pas donné, même s’agissant de chlorure de sodium - notre sel domestique, en d’autres termes. Pis : il n’est efficace qu’à des températures hivernales raisonnables. Car pour peu que ces dernières commencent à baisser, il faut utiliser un autre sel, le chlorure de calcium, qui est… sept fois plus cher.

Et le coût total n’est pas mince : entre les matériels et les salaires, le prix de revient d’une tonne de sel, même le moins cher, revient à cent euros. Sachant qu’en France, on en déverse près de 1,5 million de tonnes sur les routes chaque année, on vous laisse faire le calcul. D’où le peu d’entrain des services de voieries à griller leur peu de stock en cas de simple alerte.

Quand l’une des premières puissances au monde commence à faire de telles économies de bouts de chandelles, cela signifie aussi qu’au-delà du mille-feuille administratif, la tiers-mondisation de la France est en marche.

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Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

63 commentaires

  1. voilà le résultat d’un pouvoir obnubilé par le RN et l’ Europe mondialiste, il n’y a plus rien en France c’est la Bérézina, en deux mandats , il aura tout détruit !

  2. de toute façon en France, dès qu’il y a 3 flocons plus rien ne fonctionne !! tout les ans c’est le même cirque et nous sommes la risée des pays du Nord et de nos cousins Canadiens ! Allez leurs demander comment ils font !

  3. Les routes sont-elles bloquées quand il neige en Finlande, Suède, Danemark ou Norvège ? Le froid est-il la conséquence du « réchauffement climatique » ? Ne nous prendrait-on pas pour des cons ? Et enfin, que fait Attal ?

    • votre dernière question est franchement prématurée, dieu sait que je ne défend pas spontanément ce gouvernement, mais là, tout de même, laisser le arriver, il a été nommé hier matin !!!

      • Non mais la dernière question c’était une boutade, bien sur à prendre au second degrés. Il faut lui laisser le temps de changer son outil chasse RN en outil chasse neige.

  4. On ne peut pas tout faire ,préparer le réchauffement de la terre dans cinq cents ans et son refroidissement demain.

  5. La DDE ne peut pas tout faire ….ils fauchent les accotements…!? c’est que le foin, çà pousse dru au mois de Janvier !

    • Non ils ne fauchent même plus les accotements en été les raisons données « la protection de la faune des bas-côtés » bas voyons ! Les nids-de-poule sont de plus en plus fréquents la sécurité de nos ponts et ouvrages d’art commencent à pâtir sérieusement de cette paupérisation et commencent à se faire ressentir car ce n’est que le début voilà ce qui arrive quand les services publics misent tout sur l’assistanat à outrance et calque leur politique sur le communiste et le totalitarisme les conséquences : la faillite annoncée des états en question.

  6. Incurie d’Etat OUI mais aussi celle des compagnies des autoroutes les deux à mettre dans le même sac d’escrocs qui ne pensent qu’à piller la population pour un médiocre service. Certaines autoroutes commencent d’ailleurs à être dans le même état que les petites routes secondaires rafistolées et remplies de trous et de bosses. Même les nouveaux tronçons deviennent minables et non sont plus prévues pour une circulation de poids lourds aussi intense. Mais peut-être eux aussi « manquent de moyens » titre musical au top de diffusions Républicaines.

  7. C’est normal, les écolos nous on dit qu’avec le réchauffement de la plan_te, et c’est vrais çà se réchauffe nous ne connaitrions plus de problèmes l’hiver.

  8. Le véritable scandale ,c’est ce temps froid et cette neige en plein réchauffement climatique , une vraie provocation adressée au GIEC .

  9. Malheureusement la France n’a pas besoin de la neige pour continuer sa descente vers les tréfonds du classement, toutes catégories confondues !

  10. Manque de personnel selon les syndicats.
    Dans la santé en manque de personnel les infirmières font de journées de 20 heures plus souvent qu’à leur tour.
    Et à la DDE ?

  11. Plus d’argent pour l’essentiel mais des milliards pour les migrants et les associations qui les accueillent . Et qui doit affronter ces routes , ceux qui bossent et qui paient le tout .

  12. Il suffit de comparer la manière remarquable dont sont entretenues les autoroutes concédées avec la manière totalement déplorable dont l’Etat laisse à l’abandon les autoroutes qu’il a en charge, en particulier en Ile de France. Les tags, les feuilles mortes jamais ramassées qui bouchent les grilles d’évacuation des eaux pluviales formant des flaques d’eau, les nids de poule, les détritus, etc. etc. C’est à croire que c’est Hidalgo qui s’occupe des autoroutes d’Ile de France. Elle s’occupe déjà du périph avec le succès (sic) que l’on constate…
    De nombreux Français croient que ces autoroutes non concédées sont gratuites. Rien n’est plus faux. Que l’on habite l’Ile de France ou non, on les paie dans les impôts.
    De manière générale l’Etat est organisé de manière soviétique, avec tout ce que cela implique en coûts cachés ainsi qu’en inefficacité.
    Quant à Beaune j’espère qu’il va suivre le même chemin que Borne.

  13. Les grands responsables de ce désordre McRonnien, c’est le réchauffement climatique, le changement de gouvernement et l’Extrême-droite. N’est-il pas ?

  14. La France est dirigée par une smala de fonctionnaires incompétents.
    Gouverner c’est prévoir…
    Vingt-dieux, même « Persona non Greta » aurait vu venir la neige !

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