Les militaires de nouveau autorisés à porter l’uniforme dans Paris : fausse bonne idée ?

En 2015, après les attentats du Bataclan, les militaires avaient reçu l’ordre de ne plus porter leur uniforme.
St Cyr armée française
Photo de Hugo Delauney sur Unsplash

Le gouverneur militaire de Paris, le général Loïc Mizon, a publié, cette semaine, une note interne, destinée au personnel militaire servant en Île-de-France, dans laquelle il rappelle que le port de l’uniforme est autorisé en dehors des enceintes du ministère des Armées, et ce, dans toute la région. Ce rappel, qui a été dévoilé par le site armées.com, largement relayé par la presse, et dont nos confrères du Point se sont notamment fait l’écho, ne fait que reprendre une instruction datée de 2021. Mais au fait, l’idée est-elle vraiment si bonne que cela ?

Faire preuve d'« intelligence de situation »

En 2015, après les attentats du Bataclan, les militaires avaient reçu l’ordre de ne plus porter leur uniforme en dehors des emprises de leur ministère de tutelle. Trop dangereux de marquer sa fierté de défendre son pays… sur le sol de celui-ci : un comble qui en disait long. En 2020, cette interdiction avait été levée, avant de faire sa réapparition la même année, après l’assassinat islamiste de Samuel Paty. Et depuis le 19 mars 2021, donc, on peut de nouveau se déplacer en tenue militaire en Île-de-France. On peut, mais on n’est pas obligé : le général Mizon fait appel, dans son texte, à « l’intelligence de situation » et rappelle que le port de la tenue civile demeure autorisé.

On peut aborder la question de deux façons. Évidemment, il est très positif de sortir de la dictature de la peur et de cesser d’imposer aux militaires un régime plus contraignant qu’en opérations extérieures, où ils portent leur tenue 24 heures sur 24, dans des pays qui leur sont souvent hostiles. Évidemment, c’est un bon signal que leur envoie le gouverneur militaire de Paris en leur rappelant cette autorisation. Évidemment, encore, une bonne partie de la population se réjouira de voir réapparaître les uniformes de l’armée française dans les rues ou les transports en commun. Il y a quelque chose de très « old school » dans la mise en scène des « corps habillés », comme on dit dans certains pays d’Afrique. Tout ça est vrai.

Des cibles plus faciles

Pour autant, tout ça est également un peu daté. La France de 2025 ne ressemble plus guère à un documentaire de l’INA, avec coups de chapeau et jupes longues... Il y a depuis longtemps, dans les armées, des manuels de savoir-vivre militaire : remarquable tradition, au passage, qui donne, sans snobisme ni goût du secret, « les codes » à tous les soldats, de quelque milieu social qu’ils viennent. Dans les versions anciennes de ces manuels, les officiers devaient aussi voyager en tenue, mais ils étaient également obligés de se déplacer en première classe dans les trains, n’avaient pas le droit de porter de paquets, de conduire de poussette ou de tenir la main de leur épouse, fiancée ou petite amie. Aujourd’hui, la présence d’un képi dans une rame du RER D, ou au bout de la ligne 13, incarnerait physiquement la coexistence de deux France qui n’ont rien à se dire (sauf, précisément, sous l’uniforme, qui efface les différences autour d’un objectif commun). On rappellera, par ailleurs, que Mohammed Merah a tué sa première victime en cherchant, sur leboncoin, un militaire faisant état de son statut. Les militaires en tenue ne feront-ils pas des cibles plus faciles, que l’on peut suivre jusque chez eux ou agresser parce qu’ils sont l’image d’une France que certains haïssent ?

Cette idée est donc bonne dans ses motivations. Elle présente un risque, évidemment. Il est certain que les militaires auront le courage de l’accepter. Mais si c’est pour que l’agression gratuite d’un soldat en uniforme, sur le chemin de son domicile, voire le meurtre, par un terroriste possédant des papiers français, d’un représentant de notre pays montre que la guerre civile est déjà là, est-ce vraiment l’idée du siècle ?

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Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

42 commentaires

  1. Il est « autorisé » aux militaires de sortir en uniforme de leurs casernes !! Perso, j’ai écopé, avec deux autres copains de régiment de 15 jours « de prison » pour être sorti un samedi « en tenue civile !! Cela se passait en …1961 … Le monde à l’envers, l’inversion des valeurs, ou histoire d’en remontrer aux islamistes !! va comprendre Charles !!

  2. Il n’est pas du tout sur que l’uniforme efface les différences autour d’un objectif commun, ça c’était avant. C’est même une des raisons pour laquelle on a réfléchi à rétablir la conscription, on a peur de l’effet boomerang.

  3. Cher monsieur Florac, votre conclusion m’attriste. Si je comprends bien: « que les militaires se cachent ». bravo. Mais dîtes-vous bien que , à ce rythme là, bientôt les militaires ne seront plus les seuls à devoir se cacher. Les femmes devront se masquer sous un tchador, les mecs descendre dans le caniveau pour laisser passer les macs…. Belle incitation à baisser les bras. Bien , malgré les « risques », je préfère que l’armée bombe le torse.

  4. Idée stupide d’un général qui ne prendra jamais le métro en tenue militaire. Il ne se déplace qu’en voiture avec chauffeur et il n’habite pas en banlieue !

  5. Personne ne dit que c’est l’ idée du siècle.

    Ne pas adopter cette idée, serait une façon de casser le thermomètre mesurant le sentiment anti-français en France, autrement dit une façon de se voiler la face: il n’y a pas d’ agression de militaire français donc finalement le climat n’ est pas si mauvais. Si on cache nos militaires, on se cache les yeux. Les moins téméraires de nos militaires pourront continuer à circuler en civil et on les comprendra aisément.

  6. Au Maroc par exemple, on croise des militaires en tenue impeccable un peu partout. Ils n’ont rien à craindre de leur population. Ce n’est pas le cas chez nous où l’ennemi est sur notre sol.

  7. Oui bien sûr la France doit résister et ne plus raser les murs. Mais il faudra des garanties pour leur sécurité : à plusieurs, ou armés, et des tribunaux militaires pour toute atteinte à l’uniforme des forces de l’ordre . Avec des sanctions très dures et une communication préventive importante à ce sujet comme :  » attenter à un personnel en uniforme = peine plancher minimum selon gravité, jugé par un Tribunal militaire. Et un referendum sur la peine de mort.

  8. Au siècle dernier (fin 1983), j’ai du me rendre à une sépulture. De ma garnison de l’est, j’ai rejoint l’ouest. J’ai donc traversé Paris, par le métro, de la gare de l’est à Montparnasse. Sans incident. Depuis, j’ai passé quelques mois au Kossovo, armé 24h/24, sans incident… J’hésiterais beaucoup, aujourd’hui, à traverser Paris en uniforme. Ou alors, avec 3 ou 4 « gros bras armés » en civil, pour jouer le rôle de la chèvre…

  9. Fausse bonne idée! L’uniforme quel que soit le statut de son porteur implique son adhésion à l’Etat, symbole se son autorité et de la délégation des droits et devoirs de l’individu qui le revêt. Largement contesté par une certaine fange de la population qui en fait le signe distinctif d’un ennemi à combattre, je crains que compte tenu de l’état de notre société, le militaire en tenue, loin d’être respecté , ne devienne le bouc émissaire de la contestation à cet Etat, et par conséquent, une cible potentielle à tout dévoiement civique. L’intention d’affirmer par le port de l’uniforme, la présence de l’Etat en tous lieux et tous temps est louable, mais présente bien un risque inconsidéré pour l’action des terroristes en tous genres .Si on veut normaliser le civisme dans notre bon pays commençons d’abord de faire appliquer nos lois et neutraliser les sources de désordre et d’insurrection. Et si on veut signifier l’autorité de l’Etat qu’il soit en tenue de combat et en arme.

  10. Et pourquoi donc cela serait-il une fausse bonne idée ?
    Sachant qu’il n’y a pas, et loin de là, que l’uniforme qui fasse distinguer les militaires des civils.

    • Oui et pas la tenue de sortie…treillis rangers et casque avec présomption de légitime défense, et PM à l’épaule…Sinon c’est le casse pipe comme pour les pompiers..

    • Vous m’avez coupé l’herbe sous le pied ! Ce sont en effet, avec leur uniformes, leurs armes qu’ils devraient être autorisés à porter pour assurer leur légitime défense. Ou encore celle du citoyen agressé auquel il voudrait porter secours.

    • Exactement, port d’arme autorisé, voire obligatoire … mais qui va prendre le risque de se promener en tenue dans Paris, et même dans la France d’aujourd’hui!

    • Le problème est que même ceux qui sont de service pour vigi pirate (qui ne sert plus a rien du tout et coute une fortune a maintenir ) , ne peuvent utiliser leur arme que sous certaines conditions bien défini, les seuls militaires qui peuvent utiliser leur arme de service après avoir donner des sommations sont les gendarmes , même un policier qui utilise sont armes pour ce défendre et dans la merde après ; ne parlons pas des mélanchons et compagnies qui saisiraient l’occasion pour demander un désarmement complet de la police , de la gendarmerie voir des armées. Diantre un représentant de l’ordre ou un militaire est bien plus dangereux que la racaille avec leurs Kalsh pour ces gens là.

      • Evidemment on ne peut pas tirer sur quelqu’un dans la foule, c’est aussi compréhensible. Lorsque j’ai fait mon service militaire, nous montions la garde devant des labos sensibles, notre armement des fusils de la guerre de 14 sans chargeur et les balles dans à la ceinture dans des sacs de toiles impossibles à ouvrir, sauf à avoir un couteau ou une paire de ciseaux. C’était risible. On ne risquait pas de blesser quelqu’un. C’était le règlement.

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