Les députés républicains votent contre la suppression du droit du sol

Jeudi 6 février, à l’Assemblée nationale, une proposition de loi des Républicains (groupe Droite républicaine) « visant à renforcer les conditions d'accès à la nationalité française à Mayotte » est en discussion, comme l'a évoqué Georges Michel ici même.

Suppression du droit du sol : occasion manquée

Les députés RN déposent alors un amendement proposant de supprimer le droit du sol, non seulement à Mayotte, mais partout en France. Mais loin de se rallier aux déclarations de leur ministre Bruno Retailleau sur la question, les députés DR n’apportent pas une seule voix à cet amendement. Six d’entre eux votent contre (dont Laurent Wauquiez, qui a indiqué avoir voulu s’abstenir) et 22 s’abstiennent effectivement. Mais la plus grande surprise vient, sans doute, de l’absence de 13 autres, alors qu’il s’agissait d’une « Journée réservée du groupe Droite Républicaine » et d’une proposition de loi de leur propre groupe. Autre surprise : si aucun député DR n’a voulu voter pour cet amendement, six députés socialistes n’ont pas hésité à le faire. Quant à Estelle Youssouffa, députée centriste de Mayotte, qui réclamait la suppression du droit du sol sur l’île, elle semble avoir été, comme Laurent Wauquiez, victime de la technologie et son vote électronique n’a pas été enregistré. L’amendement a finalement été rejeté avec 132 voix contre et 119 voix pour.

Guerre des ego ou divergence de fond ?

13 voix ont donc manqué pour qu’un vote historique n’adopte, en première lecture à l’Assemblée nationale, l’abolition du droit du sol en France, comme s’en est désolée, le 9 février sur France 3 Edwige Diaz, députée RN de la 11^e circonscription de la Gironde, lors d’un interview dont elle a publié un extrait sur son compte X.

Les Républicains sont des charlatans ! On ne peut jamais compter sur eux !

Ex : amendement du @groupeRN_off visant à supprimer le droit du sol.

Il a manqué 13 voix pour son adoption.
22 LR se sont abstenus. 6 ont voté contre. 19 étaient absents !
https://t.co/f7cY2BB5GF pic.twitter.com/ffzC901yaL

— Edwige Diaz Ⓜ️ (@diaz_edwige) February 11, 2025

Si nous n’avons pu joindre ni Philippe Gosselin, rapporteur DR de la proposition de loi, ni les groupes DR (Laurent Wauquiez) et UDR (Éric Ciotti), pour cause de séance dans l’Hémicycle, Edwige Diaz a accepté de revenir, pour BV, sur cette étonnante et, finalement, décevante journée. Comment expliquer le comportement des députés DR ? Vraie divergence de fond ou simple épisode de guerre des clans ? « Il y a sans doute un peu des deux. Mais je ne m’explique pas l’absence de tant de députés DR alors que c’était leur journée réservée, que l’on débattait et votait sur leur proposition de loi, et sur un sujet de la première importance », commente-t-elle, estimant que ces absences sont « tout de même assez dramatiques. Mais les Républicains sont très peu présents, d’une façon générale. » Le site Datan, outil statistique dédié à l’activité des parlementaires, indique en effet que les députés RN sont les plus présents, lors des votes (47 %), ceux du groupe DR sont antépénultièmes dans le classement, avec un taux de participation aux votes de seulement 17 %.

Les Français pourtant pour à 65 %

Mais l’élue girondine pointe aussi l’attitude des élus macronistes : « Je remarque que le groupe de monsieur Attal n’a pas, non plus, voté l’amendement. J’y vois une forme de soumission des Républicains au bloc macroniste, qui s’ajoute à un probable sectarisme. » Ce vote des Républicains, qui prend à contrepied la ligne du ministère de l’Intérieur, soulignerait-il aussi la rivalité entre Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau ? « Il y a sans doute de cela aussi. Mais cela montre que monsieur Retailleau est isolé et fragilisé, au sein d’un gouvernement centriste, et n’est ni soutenu ni suivi par ses propres amis politiques. » Pour Edwige Diaz, « cela montre que l’on ne peut pas faire confiance à monsieur Retailleau, et c’est regrettable pour les Français, qui sont 65 % à vouloir la suppression du droit du sol. Et ils trahissent aussi, au passage, leurs propres électeurs. » Le sondage auquel il est fait référence a été réalisé le 12 février par l’institut CSA pour CNews, Europe 1 et le JDD. 90 % des personnes soutenant les Républicains se déclarent favorables à la suppression du droit du sol.

Un texte durci… mollement

La combativité du groupe RN a-t-elle, malgré tout, eu un impact sur les députés présents le 6 février ? Quoi qu’il en soit, le texte a connu une légère évolution, durant cette journée. La proposition de loi initialement présentée différait, en effet, des dispositions actuellement en vigueur à Mayotte sur les points suivants : pour accéder à la nationalité française, une personne née à Mayotte devrait avoir deux (et non plus un) parents résidents sur l’île, et ce, depuis au moins un an (et non plus trois mois). Or, le texte finalement adopté en première lecture par les députés porte ce délai minimum de résidence d’une année à trois ans. Par ailleurs, afin de lutter contre le trafic de faux papiers qui sévit sur l’île, le titre de séjour qui est réclamé aux parents résidents doit désormais être « accompagné d’un passeport biométrique en cours de validité et comportant une photographie permettant l’identification du titulaire ». C’est ce texte qui a été transmis au Sénat, à l’issue du vote.

Pas sûr, tout de même, que ces quelques petites avancées suffiraient à briser la vague migratoire, notamment comorienne, qui submerge Mayotte.

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