Le RN place Vauban à Paris : des allures de lancement de campagne présidentielle

Le RN a voulu montrer, dimanche, outre la respectabilité, l'éventail nouveau de ses alliés et un ton très offensif.
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Les Français qui avaient fait le déplacement place Vauban, à Paris, pour soutenir Marine Le Pen dans son combat judiciaire ont assisté à ce qui ressemble tout de même de très près à un lancement de campagne présidentielle. De quoi déceler les piliers qui porteront une campagne que le RN veut décisive, cette fois, pour conquérir le pouvoir en 2027.

Premier levier : le parti de Le Pen et Bardella a joué, dimanche, l’institutionnalisation et la fin de l’isolement. La tribune emplie de parlementaires ceints de leur écharpe derrière l’orateur voulait démontrer par l'image l’assise locale du mouvement. On a reproché, longtemps, au FN de Jean-Marie Le Pen d’être le mouvement d’un seul homme, sans relais territoriaux et sans assise locale : l’argument ne tient plus, a voulu dire la mise en scène du mouvement, ce dimanche.

Deuxième démonstration : l’isolement dans le monde de la candidate Le Pen n’est plus ce qu’il était. Entre deux discours, les manifestants ont entendu les encouragements de nombreux chefs de partis étrangers, jusqu’à celui de Viktor Orbán. La séquence vient juste après le soutien de Trump et de Vance. Marine Le Pen n’a pas souhaité exploiter les mots des dirigeants américains, sans doute du fait de la guerre commerciale déclenchée par Trump, mais ce soutien rompt l’isolement passé de la candidate et marque une rupture.

Fillon et Sarkozy enrôlés

Troisième argument : celui des partis alliés, là aussi, une nouveauté pour le RN par rapport aux dernières campagnes présidentielles. Éric Ciotti use de mots forts – « L’accusé, c’est le peuple de France » - et déploie une défense sans ambiguïté de la patronne du RN : « Je veux te redire, chère Marine, mon soutien et mon amitié. » L'ancien patron de LR enfonce même le clou : « Je viens de la famille des gaullistes. J’ai voulu briser ce ridicule front républicain, ce honteux cordon sanitaire », attaque-t-il. Il se dit « fier de ce choix et de cette alliance », car « ce qui nous réunit, c’est l’amour de la France ».

Les orateurs de la place Vauban manifestent encore une main tendue aux anciens soutiens de François Fillon. Marine Le Pen y fera référence dans son discours. Éric Ciotti convoque, lui aussi, Fillon : « Nous avons subi le même système qui refuse toute alternative », attaque le patron de l’UDR. Bien sûr, Marion Maréchal, présente dans la tribune, est citée dans les discours ; on a cru entendre, aussi, le nom d'Éric Zemmour ! Comme si l’eau avait coulé sous les ponts, depuis la dernière présidentielle et les obsèques du vieux chef, Jean-Marie Le Pen. Marine Le Pen fera même référence au procès de Nicolas Sarkozy, une « humiliation », selon elle, avec « cette perte de ses droits familiaux », sanction disproportionnée, dira-t-elle. Le parti commence à donner un sens au mot « rassemblement ». De quoi dessiner une ligne de campagne présidentielle.

Ce n'est pas tout. Place Vauban, devant des Français paisibles et tout sauf factieux, le RN donne aussi le ton de la campagne à venir. Un ton offensif, batailleur, guerrier, qui ne fera pas de cadeau. Bardella brosse le portrait d’un pays qui donne des leçons et bafoue la pratique de la démocratie. L’Europe de Bruxelles, plus que jamais, sera dans le collimateur du RN : « C’est l’ensemble du peuple français qui ne veut plus de cette Europe-là », lance Louis Aliot, au milieu d’une relecture très offensive de l’affaire Le Pen. La partialité des institutions, la défense malhonnête du système face à la volonté populaire, tous ces thèmes ont vocation à prospérer durant les deux ans qui viennent. Le RN se positionnera en unique défenseur du peuple, contre tous les autres.

« La victoire n’a jamais été aussi proche »

Éric Ciotti dénonce, ainsi, « le procès politique, le procès de la volonté populaire ! L’accusé est tout désigné, c’est le peuple de France », assène le patron de l’UDR, qui insiste : « Vous êtes rassemblés autour d’une tentative d’exécution, celle de la démocratie, celle du peuple de France, celle du suffrage universel. » Il rappelle l’élimination de C8, avant « l’élimination des candidats ». Bardella reparlera du mur des cons, où le Syndicat de la magistrature, copieusement sifflé place Vauban, avait placardé les visages des parents de victimes et de certains politiques : « Dans quelle démocratie sommes-nous ? », interroge Bardella. Sur les principes, la démocratie, la République et les procès en sédition, le RN ne fera pas de cadeaux. Marine Le Pen va dans le même sens lorsqu’elle affirme sa volonté d'« d’affronter les forces du système qui fait tout pour se maintenir. Ce n’est pas une décision de justice, c’est une décision politique ! », martèle-t-elle, déplorant « le spectacle lamentable que cela donne de la France dans le monde. Toute la presse internationale a exprimé son trouble, y compris The Economist », lance-t-elle. Et la patronne du groupe RN à l’Assemblé mobilise : « N’oubliez jamais les raisons pour lesquelles ils nous attaquent : nous sommes en train de gagner. »

Alors que les adhésions affluent au RN, ces jours-ci, Bardella appelle à amplifier la vague patriote. « La victoire n’a jamais été aussi proche, la grandeur de la France est encore devant nous », lance-t-il, avec des accents trumpiens. Appuyés sur des intentions de vote qui culminent face à Attal ou LFI, Marine Le Pen et le RN sont désormais lancés dans une course qui mariera la respectabilité et une agressivité offensive qui a peut-être manqué, lors des dernières campagnes.

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Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

81 commentaires

  1. Oui, et alors ?
    En tout état de cause, le rassemblement RN était ordonné, aucun débordement !
    Et oui, c’était un départ vers 2017 !
    En revanche, tous les autres, à leurs manières vulgaires et agressives, sont aussi en campagne ?
    Il n’y a qu’un seul point commun à tous ces rassemblements politiques : « Macron dehors ! »

  2. Le RN n’à pas voté la destitution de Macron, n’a pas soutenu la motion de censure contre Bayrou, à permis la nomination de Ferrand, soutien l’Europe et la guerre en Ukraine etc … Ce parti est devenu la meilleure chance d’élection d’un Philippe ou de son clone. Que madame Le Pen qui est COUPABLE d’un détourement de fonds publics de plus de 4 millions ne puisse pas se présenter m’est toutalement indifférant, ou etait elle quand la justice s’en prenait à F. Fillon pour 100 fois moins.

    • Outre les points que vous soulevez eu égard à l’attitude du RN,faut aussi ajouter sa contradiction eu égard à la CEDH.Le RN dénonce les vagues migratoires,mais sa créatrice défendait les sans papiers autrefois.Le RN n’entend plus rompre avec cette CEDH qu’on sait pourtant être immigrationniste.Il y a quelques mois,le RN votait la Loi Darmanin qui permet la régularisation de 10 000 clandestins,sans compter leurs familles,sous couvert de répondre aux besoins des métiers en tension.Le même RN est résolument hostile au principe de remigration et nous disait que le » grand remplacement  » n’est qu’une théorie complotiste.Il n’empêche que ce parti ,aux idées qui tiennent de la contorsion,a hélas le vent en poupe.C’est un parti de Centre Gauche aux idées universalistes pas si éloignées que ça de l’hyper Centre macroniste,en fait.

  3. Beaucoup de commentaires défaitistes , sortiraient ils de l’intelligence artificielle nommée Attal?

  4. Je regrette l’absence de ceux qui préconisaient l’union des droites : Zemmour et DPA, et pourquoi pas Phillipot et Asselineau? Quand aux LR de Wauquiez et Pecresse, ça fait longtemps qu’il sont au centre.

  5. Comme toujours, la presse, avec BV en tête, s’emballe avec l’illusion que ce meeting puisse influencer ou déterminer les évènements à venir jusqu’a la prochaine élection présidentielle…

  6. dans les commentaires il y a aussi des champons « où sont les 11 millions d’électeurs ? » dit pounet, mais se pose pas la question du ridicule de la réflexion, mais où sont le s8 millions d’électeurs du NFP, mais où sont les 6 millions d’électeurs d’Attal ? et on pourrait faire le résultat des élections, quand les autres pourront réunir entre 5 et 6 mille personnes en 5 jours, faites moi signe, et la classe de la tribune des élus n’a rien à voir avec celle de LFI faite de t-shirts et chemises débraillées.

  7. Il est enfin question, si ce n’est d’une union, au moins d’un rapprochement des droites. Il est plus que temps, la gauche a suffisamment gangrené ce pays.

  8. Ce qui m’a surpris dans ces deux meetings RN et l’autre Macroniste c’est que les jeunes font de la vieille politique, qu’y avait-il de novateur, pour l’un ça me semble normal parce qu’il n’est cornaqué, et l’autre pense qu’il peut parler une heure pour ne dire que des choses intelligentes, tout ça ce n’était que de la politique politicienne, ça fait un peu peur pour l’avenir, j’ai été surpris aussi par leur égo surdimensionné, ça ne présage rien de bon pour leur laisser le pouvoir. A leur âge j’avais déjà des responsabilités importantes, même à partir de 25 ans donc bien avant, j’espère n’avoir jamais été comme ça, enfin comme j’ai développé mon activité d’expert et de conseil, ça me rassure.

  9. Pas le monde attendu, et malgré les belles formules, tout ça sonnait dans le vide d’un avenir inconnu.
    De la poudre aux yeux.
    Il n’y aura pas d’effet boomerang Alfred Germain ! ou pas dans le sens que vous imaginez.

  10. La question qui se pose est celle de l’éclatement de la France en trois peuples distincts, une France créolisée à la sauce mélenchonienne, une France patriote et souverainiste à la sauce RN/Reconquête et une France sans frontière noyée dans une fédération européenne technocratique sans culture et sans âme. La gauche sait très bien se regrouper au moment clé des élections, quitte à composer un attelage qui tire à hue et à dia qui volera en éclats quelques semaines après, les européistes savent appeler à voter à gauche pour faire barrage à l’extrême droite, tandis que la droite patriote et souverainiste continue à avancer en ordre dispersé, victime de ses divergences et autres querelles d’égo. Difficile d’imaginer une victoire en 2027 avec une telle configuration, d’autant plus que le chemin est semé d’embûches. Il reste deux années et bien des choses peuvent encore se passer d’ici là …

  11. 5000 manifestants a Paris pour Marine, 80000 à Rome contre l’UE et le financement d’une guerre perdue. Cherchez la différence. Même couleur politique, Salvini lui aussi condamné, mais l’une fait de la tambouille , l’autre adopte un discours anti système radical.

  12. Je soutiens le RN dans la dénonciation de ce honteux procès politique.
    Mais je ne voterai pas pour le RN, ce parti qui trouve que l’islam est très compatible avec la France et ses valeurs et qui s’associe avec Macron pour inscrire le « droit à l’avortement  » dans la constitution.

  13. Pour bonne évaluation je ne me suis pas contenté sur le nombre de manifestants, la rue n’est pas le lieux ou l’opinion des électeurs se formate, si les islamo-gauchistes ont leur population électrice issue des universités la droite est dans la population qui ne manifeste pas ailleurs que dans les urnes, une évidence pour demain. Seul les images des manifestations sont révélatrices par leur représentations, les drapeaux flottants au vent. A gauche beaucoup de drapeaux étrangers, preuve évidentes indélébiles lfi est le parti des étrangers, le centre le drapeau de l’UE parti en parti Français mais d’abord Européen, quant a la droite droite l’étendard Français, le même en grande parti que nos pères on donnés leur vie et leur sueur. ça parle.

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