Le pape François est mort : Jorge Bergoglio, un souverain pontife tout en contrastes

Entre lignes courbes et manichéisme, le pontificat du pape François fut contrasté.
(Photo by Gabriel BOUYS / AFP)
(Photo by Gabriel BOUYS / AFP)

Le pape François s’est éteint à l’âge de 88 ans en ce lundi de Pâques, a annoncé, ce 21 avril, le Vatican. Le jour de Pâques, il est apparu, affaibli, au balcon de la basilique Saint-Pierre d'où il a donné sa bénédiction aux fidèles présents place Saint-Pierre. Le 266e pontife romain laisse une empreinte contrastée dans un monde déchristianisé où les catholiques oscillent entre ouverture à un monde sécularisé et transmission de l’exigeant message évangélique qui n’est « pas de ce monde ». Un pontificat marqué par cette dichotomie.

Le 13 mars 2013, à la suite de la renonciation de Benoît XVI, le cardinal Bergoglio est élu pape. Il choisit le nom de François en hommage à saint François d’Assise, ami de la nature et des nécessiteux. Une dévotion qui illustre l’enfance et la vie sacerdotale d’un homme simple, marqué par la grande pauvreté des bidonvilles sud-américains. Né le 17 décembre 1936, à Buenos Aires, Jorge Mario Bergoglio grandit dans une famille modeste issue de l’immigration italienne (ses grands-parents s’installent en Argentine en 1929). Avec ses quatre frères et sœurs, Jorge est éduqué dans la foi chrétienne. Après avoir intégré le séminaire diocésain, il entre en 1958 au noviciat de la Compagnie de Jésus. Ordonné prêtre en 1969, il effectue quelques années plus tard sa profession perpétuelle chez les Jésuites. Il est rapidement remarqué dans un pays où la pauvreté et l’instabilité politique règnent.

En 1992, il est nommé évêque et deviendra, quatre ans plus tard, archevêque de Buenos Aires. Jean-Paul II le crée cardinal en 2001. À cette occasion, le prélat argentin invite les fidèles à ne pas se rendre à Rome pour fêter son cardinalat et à destiner aux pauvres l’argent du voyage. Une anecdote qui préfigure le style d’un futur pontificat tourné vers les pauvres et ceux qui sont éloignés de l’Église.

François va déstabiliser une partie des catholiques

Lorsqu’il est élu pape par le collège cardinalice en 2013, Bergoglio est une figure incontournable et populaire de l’Église, en Amérique latine, mais il est inconnu des Européens. Rapidement, le successeur de Jean-Paul II et de Benoît XVI va imposer un style nouveau et bousculer une Église qu’il souhaite envoyer vers « les périphéries ». Pourtant, à vouloir « construire des ponts et non des murs » (expression qui lui est chère), François va déstabiliser une partie des catholiques. Son regard sur l’immigration, et particulièrement les migrants en Méditerranée, laisse perplexe, tant il est éloigné des enjeux européens. De sa toute première visite pastorale, à Lampedusa (2013), où il dénonce « une mondialisation de l’indifférence », à sa visite à Marseille (2023) dont il vante « le modèle d’intégration », en passant par le régulier transport de migrants dans son avion personnel (retour de l’île grecque de Lesbos en 2016), le pape semble insensible aux notions d’identité nationale et de montée de l’islam en Europe.

Malaise et indignation

Contrairement à son prédécesseur, François ne s’intéresse pas à la liturgie. Pourtant, il n’a de cesse de faire des remontrances aux prêtres et fidèles, au risque de créer malaise et indignation. Les catholiques ne doivent pas se reproduire « comme des lapins » ; la « dentelle », synonyme de « déguisement », doit disparaître ainsi que toute « pompe inutile » à la messe ; le prêtre doit bannir les homélies qui « endorment », fuir le « cléricalisme » pour préférer le peuple de Dieu, sentir « l’odeur des brebis » et ouvrir grandes les portes à la « synodalité ». Avec le motu proprio Traditionis custodes, qui met au ban l’ancien missel de saint Pie V, François rouvre une guerre liturgique que Benoît XVI avait apaisée.

Une écologie intégrale centrée sur le respect de la vie

Parmi ses quatre encycliques, Laudato si' (publiée en 2015) est celle qui, incontestablement, trouve le plus grand écho. François y dénonce les « silences complices » face aux désastres environnementaux. Il invite à une responsabilité collective pour protéger « notre maison commune » qui « semble se transformer de plus en plus en un immense dépotoir ». François canonise plusieurs de ses prédécesseurs - Jean-Paul II, Jean XXIII, Paul VI - et, à leur suite, dénonce avec une extrême fermeté l’euthanasie et l’avortement, ce « faux droit au progrès » qu’il qualifie d’« homicide ». En octobre 2024, en visite en Belgique, il compare les médecins pratiquant des avortements à des « tueurs à gages », annonçant son intention de béatifier le roi Baudoin (qui avait abdiqué temporairement, en 1990, pour ne pas signer une loi dépénalisant l’avortement). « La vie humaine est sacrée et inviolable », rappelle-t-il en écho à son idée directrice d’écologie intégrale selon laquelle « tout est lié ».

Entre lignes courbes et manichéisme impossible, le pontificat du pape François est contrasté. Ses propos provocants, souvent contradictoires, ont lassé beaucoup de bonnes volontés mais sa parole empreinte de charité pastorale a su toucher nos sociétés athées. Aujourd’hui, un catholique peut se sentir orphelin. Nul ne sait comment la barque de Pierre sera prochainement conduite.

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Yves-Marie Sévillia
Journaliste chez Boulevard Voltaire

Vos commentaires

138 commentaires

  1. Je lis les commentaires qui précèdent et ça va mieux : Je ne suis pas le seul à ne pas regretter ce pape qui n’aimait pas la France ( la France de Macron, ça se comprend, mais pas seulement ) ne ratait pas une occasion de le manifester ( je vais à Marseille, pas en France / je vais en Corse, pas en France ). A quel titre, comme Français, le regretterait-on ? Le reste, c’est trop compliqué pour moi : je ne suis pas jésuitique ni casuiste .

  2. DEUX choses qu’il a fait de « bien » :
    – Contrairement à « Ben oÏte », il n’a pas démissionné malgré son « état de santé » … Mais c’est « dommage » vu comment il a « massacré » la Chrétienté ! …
    – Ne pas mourir le jour de Pâques mais « le jour d’après » … Toujours « en décalage » avec la vraie vie ? ! …
    Donc rien d’étonnant à ce que « l’Eglise chrétienne » soit malade ! …

  3. Ça y est …ça pleurniche et ça rend hommage à ce pape NFP . Il paraît qu’il aura donné une nouvelle direction pour le monde catholique , en direction de la Mecque assurément

    • Le Pape François aura sans conteste été un Pape de gauche et c’est tout à son honneur. Il n’aura cessé de lutter comme il pouvait contre cette vieille institution catholique dépassée.
      Soutien des migrants, reconnaissance des personnes LGBT, condamnation des violences sexuelles dans l’église, condamnation des frappes israéliennes sur la bande de Gaza, reconnaissance du réchauffement climatique : autant de combats qui aurant fait de lui un grand humaniste.

      • Il y a les humanistes au petit pied et ceux qui voient loin. Le programme politique de ce pape avait nui à sa foi candide et soumise. Non, ce pape n’était pas habité.

      • Un grand humaniste, pas un grand chrétien. Dans la religion catholique moderne, l’homme a remplacé Dieu.

  4. Chapeau pour cette analyse . Le pape François a été plus que contestable dans bien des domaines. M. Sevillia fait avec mesure un bilan qui ne nie pas le contraste entre beaucoup d’idées du pape François et les sentiments, sisons contrastés, qu’il a pu inspirer. Mais il aura eu une belle mort juste au lendemain de Pâques et après une dernière messe célébrée au Vatican. Prions pour que le prochain conclave voie l’élection d’un pape consensuel.

  5. Je suis de ceux qui partagiez de nombreux désaccords avec François.
    Qu’il repose en paix maintenant.
    D’autant qu’il a beaucoup souffert, particulièrement durant la dictature argentine.

      • On ne peut pas dire que le Pape François ait été « bolchevisé ».
        C’est sa position à l’époque qui l’a sauvé, mais il a été durement touché d’autres façons.

  6. Souvenir très désagréable ce pape lorsque il frappa une jeune fille pèlerine qui lui tenait la main lors d’un bain de foule dans je ne sais plus quel pays …la méchanceté sur son visage de vieillard me stupéfia . J’ai compris qu’en plus d’être progressiste I Francois n’aimait pas le ( petit ) peuple

    • Oui, je retiens aussi cette image, ce souvenir. Comme quoi un seul geste peut révéler votre vrai visage. Et ce cœur n’était pas bon.

  7. Je ne suis pas catholique mais je crois, sans critiquer un mort qui ne peut se défendre, que ce pape n’est jamais rentré dans son costume de chef d’Etat en plus de celui du chef de l’église catholique. En effet, concernant les migrants et l’islam, il a mélangé la compassion qu’un être humain peut ressentir vis-à-vis d’un individu avec la hauteur de vue normalement indispensable à un chef d’Etat qui aurait du lui montrer le risque d’une submersion migratoire en Europe mettant en péril la civilisation occidentale et la religion catholique, voire plus largement la chrétienté et le judaïsme. D’ailleurs, ces migrants qu’il semble avoir ramener dans l’avion papale ont-ils été accueillis au Vatican ?…

  8. Paix à son âme !!! votre chronique dénote bien le parcours idéologique de ce pape , qui on peut le dire en toute bonne foi qu’il a été « un pape rouge » (ce qui détonne avec le parcours et le pontificat du pape Jean-Paul II ) , par ses prises de position humanistes , et surtout humanitaires décomplexées , il a éloigné de l’ Eglise pas mal de ses fidèles (dont je suis) avec la répercussion malheureuse sur ces associations caritatives catholiques .

  9. On ne peut rien dire à la mort de quelqu’un et quel que soit son statut. Mais je peux simplement affirmer que je n’aimais pas le personnage. On peut croire en ce que l’on fait tout en se fourvoyant sur les moyens d’y parvenir. Que Dieu ait son âme en ce jour pascal, bien triste, pour les croyants qui l’appréciaient.

    • Je vais prier pour le repos de son âme mais franchement je ne vais pas regretter ce pontificat dont je ne partageais aucune des orientations. Deux priorités pour moi : terminer cette stupide chasse aux « tradis » et réaffirmer « Hors de l’Eglise pas de salut »

  10. Le Pape des brics pro migrants et woke est mort, paix à son âme. Il n’aimait pas la France et personnellement je ne l’aimais pas ni ne le regretterai

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