Le massacre de Bédoin : il y a 230 ans, la République dans ses œuvres…

Le 5 mai, la population de Bédoin était réunie dans l'église, sommée de livrer les noms ...
Bedoin_-_Vue_village_et_vignes

En mai 1794, il y a tout juste 230 ans, la Terreur s’était abattue depuis plusieurs mois sur la France. Un an et demi après l’assassinat sacrilège de Louis XVI, les révolutionnaires avaient décidé de tout changer, de tout remplacer, et, comme à chaque fois que la gauche est au pouvoir, la Révolution, comme Saturne, dévorait ses propres enfants. Pour l’instant, cependant, Robespierre n’était pas mort ; il était même entouré d’une répugnante coterie de malfrats assoiffés de sang. C’est dans ce contexte que le massacre de Bédoin eut lieu.

Parmi les symboles ridicules que la jeune république avait choisi de se donner, il y avait les arbres de la liberté. Ces arbustes républicains étaient plantés dans les villages, avec un zèle scrupuleux - et même, peut-on dire, avec la solennité grotesque qui deviendrait la marque de fabrique des flonflons républicains jusqu’à nos jours. Bédoin, petit village de Provence, dans le Vaucluse, au pied du mont Ventoux, n’avait pas échappé à cette fièvre horticole.

Or, le 2 mai 1794, on s’aperçut que l’arbre de la liberté de Bédoin avait été arraché dans la nuit. Le régime, qui pourtant détestait le sacré, était chatouilleux sur la notion de sacrilège républicain puisque, dès le lendemain, le député Maignet demanda à la tribune de l’Assemblée que soit envoyée une mission de 200 hommes, aux ordres d’un certain Le Go, pour mener l’enquête et châtier les coupables de ce crime odieux. Le 5 mai, Le Go et sa troupe étaient à Bédoin et ils y réunissaient la population dans l’église en la sommant de livrer les noms des arracheurs de l’arbre de la liberté. Le 10 mai, la commission populaire d’Orange se rendit à Bédoin, suivie de la guillotine, pour juger l’affaire.

Un procès eu lieu du 26 au 28 mai : il se conclut par l'exécution immédiate de 63 personnes (nobles, bourgeois, artisans, prêtres, maire, garde nationale du village). La guillotine n'allant pas asse vite, on fusilla. Ensuite, le 3 juin dans la nuit, le village de Bédoin, déclaré « en état de contre-révolution », fut incendié après qu’on eut fait évacuer les habitants, l'église démolie.

Après la mort de Robespierre, exécuté fin juillet 1794, Bédoin engage des procédures pour obtenir réparation. Il est vrai que, même quand on est républicain, des dizaines de morts et un village en cendres, tout ça légalement et pour un arbre, c’est un peu salé. Maignet n’est cependant pas désavoué, mais les habitants dont les maisons avaient brûlé obtiennent une compensation. Enfin (tout de même), la République consent, en 1795, à ériger un monument commémoratif sur la place du village. Il s’y trouve toujours.

230 ans plus tard, on pourrait se dire que tout a changé. On pourrait se dire que la Terreur fut un déchaînement de passions, que l’âme humaine est capable du pire et que, décidément, tout ça, c’est bien triste, mais qu’est-ce qu’on peut y faire, ma bonne dame… On peut aussi se dire que chaque régime génère des excès qui lui ressemblent. À la monarchie correspondaient des querelles dynastiques. À la République correspond une façon bien particulière de déboulonner la grandeur pour se prosterner devant des colifichets sous-préfectoraux, ainsi qu’une faiblesse devant les barbares qui se double de fureur sanguinaire contre les honnêtes gens. Bédoin, c’était déjà la République dans ses œuvres. Honneur à ces pauvres villageois qui déplantèrent l’arbrisseau de la honte et le payèrent plein pot ! Et vive la France, qui renaît toujours des ornières où elle tombe !

 

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Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

52 commentaires

  1. J’ignorai totalement cet épisode qui ne me surprend pas du reste. Pire qu’ a oradour sur glane finalement car tout y a été préparé et anticipé. Mais la république est immaculée

  2. Ainsi va l’histoire, l’odieux personnage qu’était Robespierre renaît aujourd’hui encore sous la forme d’un tribun entouré d’une cour tout aussi dangereuse que lui. Ce n’est pas la première fois et cela aurait tendance à devenir une tradition.

  3. Merci d’avoir rappelé cet ignoble épisode fondateur de ce régime prétentieux et arrogant quand il n’est pas meurtrier.

  4. Et pourtant dans nos médias, dans la bouche du président de la France (mais peut-être ne connaît-il pas l’histoire de France ?) on ne brandit que l’épouvantail de partis ou de groupuscules qui seraient d’extrême droite. A quand un historique des victimes de l’extrême gauche et de celles d’extrême droite durant les derniers 2 ou 3 siècles. En France et en Europe ? On devrait faire réfléchir les lycéens et les étudiants sur ce document ; et surtout nos politicards.

  5. Ce n’est qu’un exemple de ce qui se passerait si les « grands démocrates » et « antifas » de Melenchon arrivaient au pouvoir. La réduction DANS LE SANG de toute opposition. Quand on voit déjà la violence qu’il mettent à vouloir faire taire tous ceux qui ne pensent pas comme eux (Bolloré, CNews, Valeurs Actuelles, JDD, Bardella, Geoffroy Lejeune (dont ils auraient volontier coupé la tête) et la dernière attaque – physique – qu’ils ont mené contre Zemmour… Faire taire toute opposition avec des méthodes du KGB (empoisonnement et goulag).

  6. La Terreur n’est pas la République et c’est la République (la notre) qui a mis fin à la Terreur. Quant à la formule  » assassinat sacrilège de Louis XVI » elle oublie : 1) que Louis XVI a été jugé, condamné à mort à un voix de majorité, celle de son franc-maçon de cousin, prince de sang, Louis-Philippe duc de Chartres et d’Orléans… 2) que le pauvre Louis XVI si mal conseillé avait été arrêté (à Varennes) alors qu’il fuyait le royaume de France pour rejoindre l’armée des princes félons à l’étranger, une trahison qui ne s’était jamais vue en France. Hélas, de la Terreur nous subissons encore les conséquences ( Mélenchon). L’histoire doit se lire sans passion, sinon on en perpétue sine die les errements.

    • « La Terreur n’est pas la République et c’est la République (la notre) qui a mis fin à la Terreur. » C’est pour le moins discutable. Aujourd’hui nous vivons une nouvelle terreur, soft car mieux médiatisée, en plein dans notre République. Et c’est oublier que la Terreur est l’enfant naturel de la République quand elle devient totalitaire, juste avant de dévorer ses propres enfants.

    • Les princes n’étaient pas plus « félons » que les Allemands anti-nazis qui ont fui le 3ème Reich (comme Adenauer) que de Gaulle, qui est parti à Baden en 1968, ou que les Polonais qui ont créé un gouvernement à Londres pour contrer les horreurs soviétiques et nazies qui gouvernaient à Varsovie.
      Quand votre pays est investi par des tyrans, ce n’est pas être félon, c’est être courageux que de le fuir et d’essayer de le reconquérir. La Terreur et le Comité de Salut Public ont été le pire moment de l’histoire de France, les vraies « heures sombres », qui ne sont jamais enseignées.

    • Et c’est Bonaparte qui a sauvé une République en train de sombrer dans la faillite, la corruption et la dépravation. Mais Revenons à la Terreur. La Gauche, le Progressisme, est une dynamique ; une drogue dure dont il faut sans cesse augmenter les doses. Et c’est celui qui se dit le plus à gauche qui décrète qui est de gauche. Le mouvement lancé, il ne peut plus s’arrêter. Les formes varient (Mussolini et son élève Hitler, qui, comme tout bon élève, finira par dépasser son maître, sont de gauche, des socialistes voulant l’avènement d’un Homme Nouveau) mais les lois de cette mécanique infernale restent les mêmes. Surenchères meurtrières et trangressions destructrices. Pas de Liberté pour les ennemis de la Liberté. Mon père disait en riant : « Poursuivons à la pointe du glaive ceux qui ne croient pas à la Paix »

  7. Merci de ce rappel instructif sur la république. Aujourd’hui on ne guillotine plus, on déhonore, c’est la mort médiatique pour la moindre opinion, hors des sentier s battus. hier un arbres sacralisé, vengé par un massacre … républicain, , aujourd’hui l’opinion
    admise sacralisée , vengée par un tsunami médiatique . C’est la mort de deux mille ans de « disputatio », c’est à dire l’échange libre d’opinions, qui seule a pu fonder le vrai débat, et donne sens à la démocratie; L’hystérie a changé de visage, mais elle est toujours tapie au coeur de …

  8. Vivant dans le Vaucluse depuis 60 ans (j’en ai 71) je connais Bédoin, typique village Provençal et la stèle commémorative du massacre commis sous la terreur: notre gauche macro-compatible n’en a donc tiré aucune leçon, preuve est faite que l’histoire n’est qu’un perpétuel recommencement !

  9. D’ailleurs en 1989, la municipalité de Bédoin, avec à sa tête, si je me souviens bien, un maire socialiste, a refusé de célébrer les 200 ans de la Révolution, summum des flonflons de la République.

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