L’agresseur du médecin de Nice remis en liberté : l’incompréhension populaire

Le contrôle judiciaire est mal compris et évidemment mal accepté
médecin nice agression

L’affaire du médecin de Nice, âgé de 80 ans, agressé sauvagement par un homme de 45 ans, lors d’un contrôle intervenant dans le cadre d’un arrêt maladie, doit interroger sur plusieurs points.

D’abord, comment se fait-il qu’un médecin octogénaire soit encore en activité alors que, sans doute, il est des âges où les repos du corps et de l’esprit sont amplement mérités ? Les médecins n’ont de cesse d’alerter les décideurs politiques sur la problématique des déserts médicaux sans que de sérieuses réformes ne soient prises et votées. Ainsi, certains d’entre eux, à la conscience élevée, décident de travailler à un âge avancé parce qu’ils ne supportent pas l’idée que les gens ne puissent se soigner convenablement. Notre nation n’est manifestement pas capable de faire face à la pénurie médicale.

Au-delà, ces violences volontaires sur cet homme sont la marque d’un incroyable désordre social et sociétal. À force de vouloir effacer de façon définitive les ordres sociaux sous le prétexte de l’égalité des droits, les fonctions et les titres ne sont plus que très rarement respectés. L’éduction ou la rééducation au respect et à la crainte du titre est une nécessité absolue. Un notaire, un avocat, un huissier doivent être appelé « maître », un magistrat « monsieur le président » ou « monsieur le juge », un médecin « docteur ». Et, plus généralement, n’importe qui, « monsieur ou madame ».

Par ailleurs, certaines professions sont devenues des produits de consommation courante. À titre d’exemple, c’est le cas pour les avocats et les huissiers avec l’avènement de l’assurance de protection juridique. De la même manière, les médecins et les pharmaciens subissent des sorts identiques depuis de nombreuses années. La totale gratuité ne permet pas la prise en compte de l’importance de l’acte prodigué. Autrement dit, puisque c’est gratuit, c’est dû.

Ensauvagement de la société

En outre, cette affaire questionne également les arrêts maladie injustifiés. Rappelons que le médecin de Nice s’était rendu au domicile de son agresseur pour vérifier le bien-fondé d’un arrêt de travail. Le prévenu lui explique alors qu’il « était en conflit avec son patron et qu’il était déprimé à cause de ça ». Le docteur a donc répondu : « Je suis désolé, monsieur, je suis là pour vérifier que vous êtes malade, pas que vous êtes contrarié. Or, je m’aperçois que vous êtes surtout contrarié, je ne peux pas justifier votre arrêt maladie. » C’est à ce moment précis que l’homme à qui l’on venait de donner tort a dépassé l’entendement en s’en prenant, avec la plus grande lâcheté, à un médecin de 80 ans. Il est une réalité à peine chuchotée dans notre pays que de trop nombreuses personnes confondent leurs états d’âme avec la dépression, le harcèlement moral avec l’autorité de l’employeur. Le courage est aussi moral. Mais c’est notre système social qui engendre ce type d’abus, lesquels, d’ailleurs, causent de grands torts aux personnes vraiment harcelées ou réellement malades.

Enfin et naturellement, la décision judiciaire prise dans l’attente du procès est difficilement compréhensible pour la grande majorité des personnes. Le tribunal a décidé de placer l’agresseur présumé du médecin sous contrôle judiciaire dans l’attente d’être jugé en février prochain. Durant ce délai, il devra se soumettre à une expertise judiciaire qui permettra peut-être de comprendre les violences. C’est ce que l’on nomme l’expertise ante sententiam.

Mais le contrôle judiciaire est mal compris et évidemment mal accepté. Il convient de rappeler que cette décision est prise en fonction des garanties de représentation du prévenu et non en fonction d’une peine future. Les juges vont notamment étudier la situation familiale, l’hébergement, la capacité à travailler (ce qui ne semble pas être le cas) et, enfin, vont s’assurer que la personne soit présente à l’audience qui la jugera. Même si on souhaiterait, souvent, que la justice soit plus prompte et que l’incarcération évidente soit prononcée, ce n’est pas l’état de notre droit positif. Le contrôle judiciaire demeure une mesure de contrainte forte : la liberté de déplacement est limitée et au cas d’espèce, drastiquement, et le prévenu est contrôlé et surveillé.

Mais il est incontestable que l’état d’ensauvagement de notre pays est tel que l’on souhaiterait parfois une sorte de justice expéditive, quasi vengeresse, qui permettrait d’assouvir les colères et les ressentiments profonds. C’est alors l’avènement d’une forme d’état de nécessité moral qui ne doit néanmoins pas faire oublier qu’il appartiendrait aux véritables responsables, ceux atteints d’une cécité démagogique inacceptable, de rendre des comptes devant la justice rendue au nom du peuple français.

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Me Alain Belot
Avocat au barreau de Paris, chroniqueur à BV

Vos commentaires

65 commentaires

  1. RIEN n’autorise la violence. La justice est trop molle et trop lente. Les voyous doivent être jugés tout de suite et non un an après, et punis SÉVÈREMENT. La « peur des gendarme » doit revenir dans notre pays à défaut de la peine de mort…

  2. On aimerait connaitre, comme pour Mayotte, le nom du (ou de la) juge qui a autorisé la mise en liberté ! Il est vrai que, comme çà, il peut travailler et justifier son salaire.

  3. Vous allez bientôt nous dire que c’est la faute de ce médecin qui était encore au travail à
    80 ans, n’inversons pas les rôles comme c’est tellement la mode actuellement; « inversion accusatoire ».
    Je souhaite qu’une fois prochaine, un médecin de son âge lui mette une bonne « rouste » !

  4. Le système rend au gens des réflexes de bête. Le cerveau reptilien est à la surface. Maintenant, on travaille beaucoup pour gagner peu. Les prélèvements obligatoires en charges sociales. sont là. Ces prélèvements permettent de payer des subventions aux parasites de la société… CMU, AME, …

  5. Quoiqu’il en soit, cette activité de médecins contrôleurs sous-entend que leurs confrères ne sont pas qualifiés ou malhonnêtes si les arrêts maladie des patients sont vérifiés systématiquement et ce n’est pas le patient qui devrait avoir un blâme mais le Médecin. Cela dit, ce médecin-contrôleur a-t-il le droit ou est-ce normal d’être encore en activité à 79 ans ? N’y a-t-il personne de plus jeune et d’aussi compétent pour occuper ce poste ?

    • Quand vous consultez un médecin pour une maladie, vous devenez un client de celui-ci puisque vous lui donnez 26,5€, en échange votre médecin peut-être tenté de vous délivrer un arrêt de travail pour maladie, afin de vous fidéliser, j’ai vécu une expérience intéressante, jeune remplaçant en 1970 un cantonnier vient me voir suite à une blessure en manipulant une bordure de trottoir en ciment, je le soigne mais ne lui délivre aucun arrêt de travail, motif il était en état d’ivresse, furax le cantonnier. Quelques jours après un appel urgent m’amène au chevet d’une dama âgée, et là je vois le fils de cette dame qui était le cantonnier. La visite terminée je lui demande pourquoi il m’a appelé et non l’autre médecin du village ? Réponse parce que vous êtes sérieux…..
      A méditer

  6. Mai quand à ce Docteur-Contrôleur, les quelques jours d’ITT qu’il a eu suite à cette violente caresse sur la pommette droite ne seront pas pris en charge par la SS puisque ça non plus, ce n’est pas une maladie, c’est juste une petite indisposition superficielle.

    • Pour avoir droit à des indemnités lors d’arrêt de travail un médecin doit ajouter à la longue liste de ses charges une cotisation supplémentaire, heureux salarié que vous êtes.

      • +++ Les salariés tombent parfois des nues quand je leur explique que, indépendant, je n’ai droit ni au chômage ni aux arrêts maladie… Nous ne vivons pas dans le même monde.

  7. Force est de constater que ce médecin « octogénaire » a été victime d’une décision d’un de ses « con-fréres »

  8. Je pense réellement que lors d’une agression de ce type, il faudrait NE JAMAIS TENIR COMPTE DE L’ITT et autres balivernes, mais tout simplement condamner IMMEDIATEMENT le geste lui même compte tenu du fait qu’il a eu lieu à l’encontre d’un homme de 80 ans … POINT BARRE !..
    Or là, on part du principe que c’est un « simple coup de poing » qui n’a pas eu de conséquences sur la santé de l’homme violenté » …
    J’exigerai – si c’était dans mes cordes – de faire en sorte que l’on considère le « pire résultat » qu’AURAIT PU avoir ce geste » … et non le résultat qu’IL A EU, à savoir une simple gibbosité, compte tenu du fait de la lâcheté qui consiste à frapper un homme de cet âge.
    En deux mots comme en un :
    C’est le geste qui doit IMPERATIVEMENT être condamné !..
    Non le résultat de ce geste !..
    Chacun devrait comprendre que SEUL LE GESTE COMPTE !..
    On ne devrait jamais ATTENDRE le résultat pour prendre une décision !.. Ce n’est pas à la personne frappé de devoir compter sur le coup de chance pour s’en sortir !..

    • Je peux vous assurer que j’ai eu a connaitre il y a quatre ans des comportements d’un médecin-expert en traumatologie suite aux conséquences d’un accident de service survenu quinze ans auparavant lors d’une tentative de prise d’otage. J’ai cru que ma dernière heure était arrivée, malgré une carrière bien remplie dans ce genre d’événement, tant ce « médecin » était dans un état anormal. J’ai réussi à convaincre les magistrats du tribunal administratif que je n’avais pas été expertisé, et ils m’ont donné raison. J’ai subi quatre années supplémentaires de douleurs quotidiennes avant d’être opéré, et je suis à nouveau expertisé la semaine prochaine. Pour une information objective, ce « médeci expert » est toujours sur la liste départementale des » médecins-agréé » malgré mon signalement à la préfecture et est également agréé auprès des compagnies d’assurance !

  9. L’agresseur aurait obtenu un délai pour « préparer sa défense ». Quelle défense peut-on préparer lorsque l’on a agressé un homme de 79 ans ? Ce ne sont pas les Lois qu’il faut changer, ce sont les juges !

  10. C’est le serpent qui se mort la queue…Pour vérifier les faux arrêts de maladie, signés par des médecins, on envoie l’un des leurs, ayant largement dépassé l’âge de la retraite ….Commençons par vérifier que les médecins en exercice n’abusent pas des arrêts de travail pour leurs patients …Mais chut, on ne touche pas au lobby des médecins, et de son ordre du côté du manche !

  11. C’est un scandale! Le syndicat de la magistrature, vérole cette institution essentielle au bon fonctionnement d’une démocratie. Un seul remède à cet état de faits, élire les juges comme cela se fait dans d’autres pays et que ces gens là, soient responsables, révocables et condamnables, s’ils ont failli à leurs engagements. Dissoudre ce syndicat ne servirait à rien, si on laisse ses militants en place, il faut les « dresser ».

  12. Nous sommes devenu un pays de fous ,notre justice est favorable aux délinquants , Nous allons être obligé de se défendre nous même .

    • Bien sûr : nous somme déjà dans cette situation ! ne rendez pas vos vieilles pétoires, comme le voudrait l’équipe à Macron, elles vous sauveront peut-être un jour la vie!

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