La ville de Vendôme ne rendra pas hommage aux « Justes parmi les nations »

Rendre hommage à des Français qui ont sauvé des Juifs devient donc « compliqué », dans ce pays.
Capture d'écran Yad Vashem
Capture d'écran Yad Vashem

En 1942, Jean et Jeanne Philippeau, deux habitants de Vendôme, ont caché une famille juive dans leur maison. C’est là que dit être véritablement née Arlette Testyler-Reimann, qui a pourtant vu le jour à Paris en 1933, devant ce geste de fraternité humaine. Une cérémonie aurait dû avoir lieu le 28 mai, organisée par la mairie, pour rendre hommage aux Philippeau, un couple de « Justes parmi les nations ». Tout était organisé. Mais le 23 mars, Jean-Philippe Boutaric, maire (LR-UDI-DVD) de la ville, a reçu le délégué local du comité Yad Vashem pour l’informer que le conseil municipal avait décidé de surseoir à la cérémonie.

Éviter le risque d'un embrasement communautaire

Deux raisons sont alors invoquées par les élus, comme le rapportent nos confrères du Point : « la proximité des élections locales, qui risque de limiter la pleine mobilisation de la municipalité et de la population locale autour de cet événement majeur », et « le contexte géopolitique actuel, marqué par le conflit opposant l'État d'Israël et le Hamas, qui suscite des sensibilités particulières au sein de nos différentes communautés ». Qu’en termes galants, etc. En réalité, on a très bien compris le sous-texte de ce communiqué qui n’est ni clair ni courageux : rendre hommage à des Français qui ont sauvé des Juifs, c’est courir le risque d’un embrasement communautaire, comme on dit de nos jours, et ce, alors que l’antisémitisme se porte comme un charme en France, attisé par le conflit israélo-palestinien comme par l’extrême gauche, dont la haine n’a besoin que d’un objet momentané pour se fixer.

Mme Testyler-Reimann a 92 ans. Elle avait prévu d’organiser une grande fête, non religieuse évidemment, pour rendre hommage à la mémoire de ses bienfaiteurs. Derrière le vocable pudique de « nos différentes communautés », il faut probablement comprendre que la majorité municipale de Vendôme a peur de son importante communauté turque, si l'on en croit Le Point. D’ailleurs, le 7 avril, le sursis s’est transformé en annulation pure et simple. Explications filandreuses et embarrassées : comme la médaille des Justes est une décoration israélienne, le drapeau de l’État hébreu aurait côtoyé, l’espace d’une cérémonie, celui de la France. Évidemment, Vendôme n’a rien contre les valeurs de la République, mais bon, vous comprenez… Oui, on a bien compris.

François Bayrou sauve... les apparences

Dernier acte de la pantalonnade : Mme Testyler-Reimann, ne s’avouant pas vaincue pour si peu, a porté l’affaire jusqu’à François Bayrou. Le Premier ministre a tranché à sa manière, c’est-à-dire au couteau à beurre : une cérémonie aura lieu à la sous-préfecture du Loir-et-Cher… qui se trouve, elle aussi, à Vendôme. La mairie paiera le vin d’honneur. Cocktail sous-préfectoral et petits arrangements de notes de frais : Bayrou, on s’en doute, navigue à son aise dans ces arrangements de maquignon. Les apparences sont sauves : en juin, il y aura normalement un hommage comme prévu, mais la mairie ne risquera pas de provoquer l’ire de ses administrés antisémites.

Au Point, Mme Testyler-Reimann, qui préside l’Union des déportés juifs de France, a confié que son père, quand il fut convoqué au commissariat en 1941, parce que Juif, demanda : « Mais qu'est-ce que je risque ? Je me suis battu pour la France de Voltaire, de Diderot, de Zola. » En 2025, Zola est un rappeur, Diderot une station de métro et Voltaire, seul rescapé des trois, a donné son nom à votre site préféré, catalogué à l’extrême droite. Il est donc logique que les Juifs risquent à nouveau quelque chose. C’est la faute de nos lâchetés collectives et des élus que nous nous sommes donnés.

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Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

61 commentaires

  1. Malika a écrit :  » J’ai honte profondément honte d’être française, ». Il fut un temps où on était fier d’être français. Quelle hauteur de chute !

  2. Comme feu Gérard Collomb l’avait dit : point de vivre ensembles, mais face à face, en attendant l’un contre l’autre ? Selon LFI, le RN serait antisémite, donc les turcs (puisqu’il s’agit d’eux dans l’article) seraient les électeurs du RN ?

  3. mais qu’elle honte , qu’elle lâcheté ce conseil municipale , surement de gauche comme la clique LFI !! j’espère que les vrais gens de Vendôme vont les giclés aux prochaines élections !

  4. Une veritable honte, un véritable déshonneur. Quand dans ce pays on arrive à dépouiller un peuple de sa fierté de son honneur, en plus de tout le reste ça me désespère. Il va falloir réellement se réveiller et reconquérir les vraies valeurs. Comment regarder en face nos enfants petits enfants sans que certains ne se sentent honteux, que dire des juifs français qui subissent insultes agressions brimades. J’ai honte profondément honte d’être française, j’ai honte de ces élus, j’ai honte des citoyens français qui ont choisi la lâcheté et la collaboration silencieuse.

  5. Les élites des lâches sont dans les municipalités.Si un jour il y a de futurs « justes » ils ne viendront pas de là

  6. Nous sommes au bord d’une déstabilisation et d’une sorte de chaos pouvant déboucher sur une guerre civile. Et la peur des communautés citées pour ne pas agir n’empêchera aucunement celles-ci de tout faire pour nous soumettre. Oui, je sais, mon commentaire sera sûrement taxé d’alarmiste et pourtant…

  7. Le courage de nos politiques est légendaire, voir l’attitude de notre ministre des affaires étrangères face à Tebboun

  8. Quelle bande de faux culs ils ne pensent qu’à leurs postes j’ ai honte d être française de voir une telle lâché

  9. Et on nous parle d’union, de solidarité entre les Français ! nous n’avons jamais été si proches d’une guerre civile et pendant ce temps-là Macron va pérorer pour reconnaître le 1er l’état de Palestine sans jamais apporter son soutien aux Juifs de France.

  10. Ils ne sont forts que de faiblesses de ceux qui devraient leur résister! Le conseil municipal de Vendôme vient de le confirmer! Hélas! Pourquoi, ceux qui dénoncent en permanence le supposé retour du fascisme, sont-ils silencieux face à la reculade du conseil municipal de Vendôme? Poser la question c’est y répondre!

  11. Les autorités municipales sont lâches, certes, mais que se passerait-il en cas d’embrasement ? Elles ne pourraient que le constater et le déplorer car l’Etat ne ferait rien pour juguler les émeutes, comme d’habitude. Ce sont à la police nationale, aux CRS, à la gendarmerie, voire à l’armée d’intervenir fermement pour dissuader les émeutiers quels qu’ils soient de tout saccager. Comme les officiers ont manifestement des ordres opposés lorsqu’ils ont affaire à une certaine population, les maires sont coincés entre leurs intérêts électoraux et l’inaction de l’État.

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