Guerre ou paix en Ukraine : Macron hors jeu

Le sort de l’Europe va se discuter hors d’Europe, qui plus est en Arabie saoudite...
Capture d'écran Présidence de la République
Capture d'écran Présidence de la République

Finalement, on ne sait pas grand-chose, de ce que se sont dit Trump et Poutine, mardi après-midi, sauf que la trêve n’est pas pour tout de suite. Le président américain a qualifié ces discussions de « difficiles ». On l’a connu plus loquace. Elles sont difficiles parce que, comme on dit aux échecs, le président russe a les blancs et que, sur le terrain, il dispose de toutes ses pièces maîtresses pour avancer sur l’échiquier diplomatique : région de Koursk en passe d'être reconquise, occupation de la centrale nucléaire de Zaporijjia, etc. Parce qu’il a pour lui le rapport de force militaire et qu’il ne joue pas dans la même « temporalité » que Trump : ce dernier est pressé, pas le maître du Kremlin. Mais les discussions vont se poursuivre dimanche, en Arabie saoudite. C’est un souhait de Trump : que ces négociations se tiennent hors de l’Europe afin de ne pas être « sous l’influence et les exigences des membres de l’Union européenne ». Le sort de l’Europe va se discuter hors d’Europe, qui plus est en Arabie saoudite, c’est-à-dire dans un pays qui, dans l’ancien monde, était un simple enjeu stratégique - pétrole oblige.

Quel symbole, quelle humiliation aussi !

À l'issue de la Première Guerre mondiale, le sort de l’Europe fut réglé, dans la foulée du traité de Versailles, par toute une série de traités secondaires, signés pour la plupart d’entre eux en France : à Saint-Germain-en-Laye, Neuilly, Trianon, Sèvres ou Paris. En 1973, les accords d’armistice entre les États-Unis d’Amérique et la République démocratique du Vietnam furent signés dans la capitale française. En 1995, les accords de Dayton, qui mettaient fin aux combats en Bosnie-Herzégovine, étaient formellement signés à Paris. En 1999, le château de Rambouillet, à l’initiative de Jacques Chirac, accueillait la conférence pour tenter de trouver un accord entre Serbes et indépendantistes kosovars - négociations qui échouèrent. Et, aujourd'hui, l’Arabie saoudite. Quel symbole, quelle humiliation aussi ! L’Europe, et notamment la France, en pointe du soutien à l’Ukraine, sont donc hors jeu.

À contretemps

Et l’on a le cruel sentiment que plus Macron s’agite, parle, parade – son show sur la base de Luxeuil, ce mardi 18 mars, avant de filer à Berlin pour rencontrer les chanceliers sortant et entrant, est presque caricatural -, plus notre sort semble nous échapper. Et l’on se demande si, depuis le début de cette guerre, la France et l’Union européenne n’ont pas été en permanence à contretemps de l’Histoire. Dernier contretemps : les annonces confuses concernant le « réarmement » de l’Union européenne. Confuses car il y a, à l’évidence, confusion entre le court et le moyen terme. Le moyen terme : c’est évident, avec le désengagement américain de l’Europe et la menace russe, l’effort de défense des pays européens doit être significativement augmenté. C’est l’affaire de cinq, dix ans, pas moins. Le court terme : c’est le règlement du conflit russo-ukrainien qui compte sans doute déjà des centaines de milliers de morts de part et d’autre. Mais les propos des dirigeants européens comme von der Leyen, sur ce plan de réarmement, entretiennent une confusion délétère dans les opinions publiques sur sa capacité à mettre fin au conflit. Un réarmement qui devrait, en toute logique, s’accompagner d’un réarmement moral que la distribution de kits de survie à la population ne suffira pas à amorcer. Bâtir une nation en armes ne relève pas de la même « temporalité » que celle, chez un banquier, pour opérer une fusion-acquisition. De la déclaration de Léon Gambetta, le 26 juin 1871 (« Que, pour tout le monde, il soit entendu que, quand en France un citoyen est né, il est né soldat »), à l'ordre de mobilisation générale du 1er août 1914 : quarante-trois ans, deux générations...

Retour vers le réel pour Macron ?

À contretemps, disions-nous. Ou à la remorque. On voit, en effet, que le discours de Macron évolue quelque peu, au fil du temps. 17 février 2023, un an après le début de l’invasion russe : « La Russie ne peut ni ne doit gagner cette guerre. » 7 mars 2024 : un soutien à l'Ukraine « sans limites ». 14 mars 2024 : « Il n’y aura pas de sécurité pour les Français sans paix en Ukraine. Or, la paix en Ukraine, ce n’est ni la capitulation ni l’amputation de l’Ukraine. » 16 mars 2024 : « Nous ferons tout ce qu'il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre. » Tout, c'est-à-dire ? 1er mars 2025 : « Il ne peut y avoir de paix juste et durable avec un abandon de l'Ukraine. » 17 mars 2025 : « Les armes doivent se taire. » Et ce 18 mars, à Berlin : « Les premières étapes se mettent en place, mais l’objectif doit rester le même. Avoir un cessez-le-feu mesurable et vérifiable, pleinement respecté, lancer des discussions de paix détaillées et complètes qui permettront d’avoir une paix solide et durable. » En deux semaines, on est passé d’une « paix juste et durable » à une « paix solide et durable ». Nuance, car ce qui est juste n’est pas nécessairement solide, et inversement. Si Trump réussit son coup - rien n'est moins sûr -, cette paix, au plan du droit international, tel qu'il prévalait jusque-là, sera forcément injuste. Le prix à payer pour que s'arrête le bain de sang. Alors, retour vers le réel, pour Macron ? Là aussi, rien n'est moins sûr…

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

122 commentaires

  1. Et oui, la France était un grand et beau pays. Mais c’était avant …. Avant l’afflux de population qui, selon certains, seraient un enrichissement, avant le règne de notre machiavel jupitérien dont une certaine Marine Le Pen vient de faire le bilan. Et il semble toujours aussi arrogant et imbu de sa personne, notre pauvre France, il s’en fiche complètement.

  2. À réception de son kit illico retour à l’Élysée 55 rue St.Honoré 75008 Paris
    Toutes et tous préparez vos timbres

  3. Macron est peut-être maintenu en dehors des négotiations, mais l’armée française, principalement les cadres pour la formation sur notre matériel seraient bien sur le terrain. Les médias « complotistes », ce qui veut dire ceux qui ont généralement raison avant tout le monde, laissent entendre que les frappes russes de ces derniers jours auraient fait des victimes françaises, mais rien ne filtre … Comment l’armée peut-elle accepter cela ?

  4. « Si Trump réussit son coup – rien n’est moins sûr -, cette paix, au plan du droit international, tel qu’il prévalait jusque-là, sera forcément injuste. »

    Lorsqu’on constate que, alors que la Russie a renoncé au bombardement des lieux énergétiques, comme promis à Trump avec l’accord de l’uk et que Kiev en a profité pour bombarder une plateforme pétrolière et que « L’accord entre Trump et Poutine visant à mettre fin aux attaques mutuelles de Moscou et de Kiev sur les infrastructures énergétiques pendant 30 jours est sans valeur, déclare le ministre allemand de La Défense », « on » va dire que ce sont les russes qui sont les méchants.!!

    J’attends avec impatience, même si en tant que française je serais impactée, le retour du boomerang sur ces va-t-en-guerre occidentaux débiles !

    • Les personnes faibles se vengent
      Les personnes fortes pardonnent
      Les personnes intelligentes ignorent
      Einstein

  5. Pour le Président Poutine , si ses voisins sont dans l’ OTAN , c’est pour l’agresser . Si ses voisins ne sont pas dans l’Otan , ils sont faibles , il peut donc les envahir avant que ça change ! Sans doute ce ne doit pas être assez clair pour Trump , ou trop compliqué ….. au choix ! Vous n’aurez jamais raison de Poutine par la négociation , c’est un « mur » , il a été formé comme tel . TOUS les Occidentaux de « bonne compagnie » doivent s’associer à hauteur de leurs moyens respectifs à l’Ukraine , pour lui permettre de vaincre Poutine par la force . Poutine a déclaré plusieurs fois qu’à travers l’Ukraine , il combattait l’Occident , c’est un « fait » . Partant de là , nous devons donc lui répondre ensemble , car il n’abandonnera ses « Exigences » , déclarées lors de son attaque qui devait durer 3 jours », que si il y est « CONTRAINT » .

    • C’est ce que vous écrivez : « TOUS les Occidentaux de “bonne compagnie” doivent s’associer à hauteur de leurs moyens respectifs à l’Ukraine , pour lui permettre de vaincre Poutine par la force » qui a provoqué cette « guerre » qui aurait soit disant commencée en 2022 ! …
      Je ne suis pas d’accord avec les magouilles de « ces occidentaux de bonne compagnie » qui sont en fait des venimeux ! …
      Chacun chez soi et les vaches seront bien gardées ! …

  6. « Le sort de l’Europe va se discuter hors d’Europe », écrivez-vous.
    Mais pourquoi cela se passe sans les européens et hors d’Europe ? Parce que cette guerre n’est pas directement européenne.
    Les causes du conflit sont connues ; l’expansion aux frontières de la Russie d’un système politico-militaire, l’OTAN.
    Comme jamais les USA n’auraient accepté l’installation d’armes via une organisation antagoniste à leurs frontières, la Russie a agi militairement.
    Ce conflit se passe certes sur le territoire européen, mais l’Ukraine n’est en réalité que le « terrain de jeu » d’un conflit qui la dépasse.
    Les Européens occidentaux, membres de l’OTAN, sont soumis aux USA. Ils sont des responsables si l’on peut dire, passifs, de ce conflit. C’est pourquoi ils n’ont pas droit à la parole au moment de la négociation pour la paix.
    Tout cela montre suffisamment que l’Europe ne peut exister qu’avec la Russie en son sein. C’est ce que pensait le Général De Gaulle.
    C’est pourquoi la France ne faisait pas partie du commandement intégré de l’OTAN, manière pour le général de montrer son indépendance, le temps de retrouver la Russie après la fin des Soviets.
    Emmanuel Macron, dans ce contexte, ne peut être réduit qu’à un rôle secondaire. On est aujourd’hui loin de ses déclarations va-t-en guerre dans lesquelles il projetait l’envoi de troupes de combat en Ukraine. Et il n’est même pas sûr que nos soldats feront partie des troupes d’interposition.
    Enfin penser que ce conflit menaçait l’intégrité territoriale de l’Europe de l’ouest est de mon point de vue une erreur, lorsque l’on voit la peine qu’a Poutine à s’emparer du territoire ukrainien.

  7. Bla bla bla comme toujours ..qu’il parte donc combattre et oublie la France…,,,ce va t’en guerre qui sème la pagaille partout où il passe ..c’est la risée du monde entier .

  8. Non, ce n’est pas le sort de l’Europe qui est en jeu mais tout simplement celui d’un conflit entre slaves qui a été alimenté par l’état profond américain version démocrates. Que Trump gère cela avec Poutine en terrain neutre, cela semble naturel et de bon augure. Quant à l’UE, qui n’est pas l’Europe, elle s’est mis à la remorque des USA, qu’elle reste au garage, c’est là aussi bien normal.

  9. Au début de la guerre en 2022 les Ukrainiens ont inventé le mot « macroner » ….cela continue de plus belle….

  10. Dans la cour d’école, il y a toujours un « fouille-Me— » qui veut s’imposer dans une équipe alors que « le jeu » a commencé ! …
    macron serait -il dans une équipe que dès qu’il aurait le ballon, il irait directement marquer « un but contre son camp » … PIRE: il claironnerait qu’il est le meilleur s’il réussissait à marquer SON but ! …

    Que font les « élus du peuple » qui ne veulent pas le destituer ? ! … Ils sont TOUS complices de ce politicard qui a l’infamie de la corde qui dit à son pendu : « je suis ton seul soutien ! … »
    Pour le « retour à l’envoyeur » du fameux document « Kit de survie », sachez que vous n’avez pas à timbrer l’envoi ! … DONC, n’hésitez pas à donner cette info autour de vous pour qu’il en récupère un maximum si l’envoi n’est pas annulé par son « service de propagande » …
    Il serait intéressant de connaître la genèse ET les noms des « experts » qui ont pondu ce document ainsi que les noms de ceux qui ont récupérer la fabrication …

  11. Au train où vont les coses il n’est pas exclu que ce soit Zelensky lui-même qui demande aux Européens de ne surtout plus s’en mêler. La forfanterie de Macron au grand jour… et il va falloir supporter ça encore deux ans ?

  12. Il est tout à fait normal que Trump soit le principal négociateur de cette paix à venir, à égalité avec Poutine. Les faits ne font que confirmer ce que peu de gens consentent à avouer : c’est Biden qui a tout fait pour que Poutine soit contraint de déclarer cette guerre, que les Etats unis voulaient mener contre la Russie par Zelensky en prête-nom. Macron ne s’agite que pour tenter de se poser en leader de cette UE mort-née, à la fin de son mandat présidentiel calamiteux.

  13. On le sait depuis 2017, pour Macron il fait jour à minuit et nuit à midi ; ou encore : il fait chaud en hiver et froid en été !! Ça commence à bien faire…

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