Guerre en Ukraine : la Russie en passe de conserver la Crimée !

La Russie s’en tirera-t-elle à si bon compte, après le chaos que son invasion a provoqué ?
@Creative Commons Attribution
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Les images de Donald Trump discutant avec Volodymyr Zelensky ont fait, on l’a dit, le tour du monde grâce à l’œil des caméras. Emmanuel Macron, qui ne refuse jamais une occasion de se (et de nous) ridiculiser, aurait tenté de s’incruster. Peine perdue. On ne sait pas ce que le président américain a dit au président ukrainien, mais il est bien possible qu’ils aient abordé l’entretien que Time Magazine avait publié la veille, vendredi 25 avril. Parmi les phrases définitives prononcées par Trump, qui en est coutumier, à l’occasion de ses cent premiers jours de mandat, on trouve en effet celle-ci : « La Russie gardera la Crimée. Et Zelensky comprend ça. »

Zelensky le comprend-il vraiment ? Difficile de le savoir. Ce qui est certain, c’est que, du côté de la classe politique ukrainienne, on commence de plus en plus à envisager de lâcher du lest. Le même jour, le maire de Kiev, Vitali Klitschko, déclarait, dans un entretien accordé à la BBC, qu’il allait peut-être falloir envisager « d’abandonner des territoires ». Il ne précise pas lesquels mais, malgré une flopée d’insultes sur les réseaux sociaux, il a maintenu sa position. Selon divers médias internationaux, une « solution américaine » comprendrait la reconnaissance par l’Ukraine (et probablement, dans le même mouvement, par la communauté internationale) du rattachement de la Crimée à la Russie. Historiquement, c’est loin d’être bête, mais du point de vue du droit international, cela entérinerait définitivement le rapport de force comme mode de dialogue privilégié entre les grandes puissances.

Un territoire historiquement russe

La Crimée est historiquement un territoire russe. Elle n’a été ukrainienne que pendant une poignée d’années, au regard de l’Histoire longue : « offerte » en cadeau à l’Ukraine par Khrouchtchev en 1954, brièvement indépendante puis sous statut particulier depuis 1991, la Crimée a renforcé ses relations avec la Russie depuis 1994. L’invasion « hybride » de la péninsule, en 2014, a constitué un triple changement de paradigme : d’abord, la manifestation du mépris des Russes pour l’ordre occidental ; ensuite, la fin du fragile état de fait qui avait suivi la dislocation de l’URSS ; enfin, et surtout, la polarisation des deux camps - l’Ukraine dans le camp de l’Occident, la Russie définitivement hors de ce cadre normatif post-wilsonien.

Est-ce une bonne idée, de donner la Crimée à la Russie pour avoir la paix, au sens strict de cette expression ? Le camp pro-ukrainien aveugle (il restera toujours des diplomates autoproclamés et des généraux de plateau pour cela) aura beau jeu de faire le rapprochement avec les Sudètes. Quand on est incompétent à lire le présent, en appeler à Hitler est toujours une bonne idée. La Russie s’en tirera-t-elle à si bon compte, après le chaos que son invasion a provoqué ? Ce ne serait pas un bon message envoyé à d’autres puissances hégémoniques, comme la Chine par exemple, qui louche sur Taïwan, et face à qui un Occident, esseulé, vieillissant, désavoué, risque de ne pas pouvoir faire grand-chose.

Déjà, l’indéboulonnable Sergueï Lavrov, dans un entretien au journal brésilien O Globo, va plus loin dans la politique du fait accompli, en demandant carrément que l’on reconnaisse les quatre républiques fantoches de l’est de l’Ukraine, nées des conquêtes territoriales de l’armée russe. Il faut dire que Lavrov est le diplomate de Poutine depuis vingt ans. Ce n’est pas le même calibre que Jean-Noël Barrot, évidemment, ni la même longévité qu’un gouvernement macroniste. Fin connaisseur de la pusillanimité occidentale, devant la faiblesse des « modérés », l’impuissance des Ukrainiens et la complaisance de Trump, il aurait tort de se priver.

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Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

109 commentaires

  1. C’est tellement évident qu’on se demande pourquoi on n’en est que là.
    La Crimée n’est plus négociable c’est évident. La discussion porte sur les oblasts conquis ou libérés selon l’endroit d’ou on parle. De plus pour ce qui restera de l’Ukraine, son statut se pose et reste aussi une ligne rouge.
    Pour être bref je rappellerai à tous la jurisprudence Kosovo qui explique qu’on peut prendre un bout de terrain à condition d’être le plus fort. Les russes ont la mémoire plus longue que les poissons rouges occidentaux.
    le problème c’est le triangle de Wiemar entre Tusk Macron Starmer qui pousse Zelensky à la guerre quand Donald Trump le tire à la paix….

    • Vous avez parfaitement raison de rappeler le scandaleux précédent du Kosovo que, fort curieusement, tout le monde a oublié… il est vrai que le gentil Clinton était démocrate et le méchant était serbe…

  2. Article décevant de la part de mon chroniqueur préféré à Boulevard Voltaire. Pas une seule fois ne sont évoqués les référendums d’autodétermination de la Crimée et des 4 territoires du Donbass. Réalisés par des référendums que notre petit président de l’Élysée serait bien inspiré d’imiter. On fait quoi alors des 90% de la population qui en moyenne a voté pour être russe ? On s’assied dessus ? Le Sud-Est de l’Ukraine parle russe, je le sais pour y avoir été en Crimée en particulier en mai 2014. Comment se fait-il que la Russie soit capable d’organiser un référendum, voire plusieurs, et pas la France ? Et 8 ans de massacres des populations russophones sous forme de bombardements de Donetsk à partir d’Avdeievka, et même de pogroms au sol, on fait quoi, on oublie et on fait passer à la trappe ? Poutine disait en 2007 : « il y aura la guerre en Ukraine ». Qui a entendu le message ?

    • Excellent !! Kiev est aussi le berceau de la Russie !!! Qui se souvient ,comme vous,de la guerre débutée en 2014 et des bombardements de Donetsk de la part des Ukrainiens ?

    • Macron oublie que c’est exactement de la même manière que la France s’est octroyé la propriété de Mayotte qui, en réalité, est partie intégrante de la Republique des Comores. On fait sur place un référendum bidon dont sont exclus les autre Comoriens, on promet aux Mahorais la même vie qu’en France et on s’approprie le pays. Que l’ONU ait voté à l’unanimité en octobre 1974, une motion enjoignant la France de restituer Mayotte aux Comores, on s’assied dessus… Mais que Poutine fasse pareil, quelle honte…

  3. Elle est donc propriété inaliénable de la Russie.
    Elle a été « raccrochée » à l’Ukraine suite à un diner soviétique très arrosé de vodka.
    La Crimée a été donnée à la Russie. C’est une russe blanc qui me l’a dit.
    Un Crimée, ils parlent et vivent tous « Russe ». En étant raccroché à l’Ukraine, ils seraient stigmatisés et martyrisés comme ceux du Donbass et autres régions russophones.

  4. Et que signifie ce terme, les « 4 républiques fantoches »
    ? S’il voulait parler de Donetsk et Louhansk dont la population se faisait massacrer par les pseudo-démocrates ukrainiens, il n’y en a que 2 ! Que la Russie a refusé d’accueillir avant les derniers massacres de civils provoqués par les bombardements ukrainiens. Les 2 autres, par contre, ont été conquis aux deux-tiers seulement par l’armée russe et ne se sont jamais constitués en « république fantoche »… Pourquoi réécrire l’histoire avec de telles inexactitudes ?

  5. En matière de « ce territoire m’appartient historiquement », on peut tout faire dire, il suffit de « choisir » l’époque de référence qui vous arrange. Toutes les frontières de l’Europe ont évolué au cours des siècles. C’est comme si l’Allemagne disait « historiquement l’Alsace-Lorraine est Allemande ». C’est vrai pour la période 1872-1920. Si on prends un autre référentiel, non. On peut dire aussi « La Corse est historiquement Italienne ». Heu, oui, au XIIIème siècle la Corse appartenait à l’empire Génois, donc Italien maintenant. Etc etc…. . Ben c’est pareil pour la Crimée, le Donbass. Tout dépends donc de si on veut récompenser l’invasion illégale d’un voisin ou pas. Manifestement, certains pensent que oui. Alors allons-y. A ce compte-là, n’importe quel pays pourrait justifier l’invasion d’un de ses voisins, et en être ensuite récompensé. C’est open-bar. C’est une ouverture bien dangereuse.

    • En effet, trois départements français pourraient intéresser la Belgique, puisque partie du territoire bouguignon relevant des Ducs de Bourgogne qui, comme chacun sait, enfin, je suppose, résidaient à Bruges, Gand, Bruxelles et très accessoirement à Dijon. Lille été enlevée par Louis XIV manu militari…Donc voilà, Lille Arras, Amiens…Mince non alors, on se tape Macron !

  6. Sans vouloir faire de lecture de pensées, – qui sont généralement inappropriées – suggéreriez-vous que c’est aux vaincus de dicter les conditions de leur reddition ?
    Vous allez faire mourir de rire Poutine.

  7. Si Arnaud Florac veut faire des articles sur la guerre en Ukraine, il faut qu’il commence par se renseigner sérieusement sur le sujet et pas seulement en regardant LCI et C dans l’air. Je lui suggère de prendre connaissance de ce que disent Jacques Baud, Caroline Galacteros, John Mearsheimer…

    • Oui, ce serait bien. Et ensuite, faire un reportage en allant en Crimée et dans ces 4 républiques fantoches »!

      • Mais non, monsieur ces gens là ne disent pas ce qu’il faut dire. Rappelez-vous que certaines personnes n’ont besoins d’aucune preuve pour croire une ineptie, mais qu’ils en exigent des tonnes pour accepter la vérité…

    • Mais non, monsieur ces gens là ne disent pas ce qu’il faut dire. Rappelez-vous que certaines personnes n’ont besoins d’aucune preuve pour croire une ineptie, mais qu’ils en exigent des tonnes pour accepter la vérité…

  8. Très décevant article de M. Florac qui nous avait livré des analyses plus pertinentes et plus réfléchies. Il y a des sources de renseignement plus sûres que TF1 ou BFM ! Les généraux de plateaux, comme en des temps récents les médecins de plateaux ne sont pas des références. Ce qui m’a toujours étonné c’est l’interdiction des média pro-russes dès le début du conflit ; à ma connaissance le journal communiste L’Humanité n’a pas été interdit durant la guerre froide ni lors de la répression du soulèvement de Budapest en 1956 ou l’invasion de Prague en 1968 !

  9. C’est une très bonne idée de REdonner la Crimée à la Russie d’autant plus que les habitants veulent RESTER RUSSES comme d’ailleurs, d’autres territoires en Ukraine…Il faut bien connaitre l’histoire de la Russie depuis plus de mille ans afin de comprendre. Histoire complexe avec mélanges de populations, coutumes, religions, et territoire allant de l’extrême nord jusqu’en Orient et de la chine jusqu’à la frontière que nous appelons aujourd’hui : Occident. Histoire passionnante.

  10. Je vais peut-être passer pour prorusse mais s’agissant de la Crimée, cette presqu’île faisait partie de la Russie depuis au moins la règne de la Grande Catherine, impératrice de toutes les Russies sous Louis XV et Louis XVI. Sans la mégalomanie de Kroutchev, elle serait encore dans le giron Russe. Ensuite, si l’Ukraine « la récupère », quid des russophones qui l’habitent depuis des siècles, comme dans le Donbass d’ailleurs !!

  11. Comment pouvez-vous parler des « quatre républiques fantoches de l’est de l’Ukraine, nées des conquêtes territoriales de l’armée russe » ??? Demandez donc par référendum aux habitants de ces oblasts, comme cela a été fait pour ceux de Crimée, s’ils veulent RESTER (et non devenir) russes.
    Question similaire à poser aux Serbes du Kosovo, ou aux Arméniens du Karabach.

    • Exact.
      Ces habitants d’ailleurs ont dit « oui, on veut être rattachés à la Russie = »Les quatre régions qui ont organisé des consultations – Louhansk, Donetsk, Zaporijia et Kherson – ont rapporté des votes favorables au rattachement à la Russie de l’ordre de 87 % à 99 %. »! (Le journal Le Monde).
      Et ce sous surveillance internationale!

  12. M Florac il serait bien avant décrire de consulter les livres d’histoire, je pensais naïvement que BV avait quelque chose à envier à Libé en matière de vérification des sources. Vous auriez alors appris que les régions revendiquées sont historiquement russophones, un peu comme était Serbe le Kosovo. Aux élections, le candidat russe l’a toujours emporté enfin avant que les révolutions de couleurs passent par un nettoyage des urnes. Ce n’est pas être pro russe mais tout simplement être honnête. Dernier point chercher dans cette région une résistance structurée, réelle à  »l’envahisseur » russe, vous allez avoir du mal même LCI y a renoncé…

    • Il me semble que Kiev fut la première capitale de la Russie!…Mais il faut remonter très très loin dans son histoire. Trop loin peut-être pour certains!

  13. Monsieur Florac imaginons qu’il ne s’agisse pas de l’Ukraine mais de la Belgique. Depuis plusieurs années le pouvoir central tenu par les flamands n’arrêtent pas de commettre des exactions, assassinats, coups de main, voire même bombardements sur leurs compatriotes wallons qui veulent conserver leur langue, le français, et leur religion, le catholicisme. L’intensité des combats entre armée nationale flamande et les milices d’auto-défense qui se sont formées en wallonie augmente jour après jour, à tel point que les républiques autoconstituées du Hainaut et de Liège-Namur ont demandé officiellement à la France de venir les défendre et les protéger. L’armée française est entrée en Belgique et a conquis un territoire s’étendant jusqu’au Brabant wallon aux environs de Bruxelles. Que se passerait-il alors, les flamands aidés militairement et financièrement par la Grande Bretagne et les Pays-Bas refusant de céder et de faire la paix ??? Uchronie certes mais réaliste, non ?

    • Oui, même si dans ce cas, les flamands se diraient peut être « chouette on est débarrassé de ces wallons qui ressemblent vraiment trop aux français (humour belge)

  14. il n’y a que l’UE quipousse zelensky a demander la Crimée, et de l’autre côté qu’irait faire Poutine à continuer d’avancer en Europe, il n’y a rien, il a pris en Ukraine les territoires qu’il voulait, une partie des terres producttives agricoles et récupérer le Dombass, et la région de Dniepr, et consolidé la Crimée.

  15. Tout à fait d’accord avec la majorité des commentaires qui contestent l’analyse d’Arnaud Florac pourtant brillant d’habitude.
    Il faut lire Hélène Carrère d’Encausse « Les 6 années qui ont changé le monde ».
    Tout y est dit sur les méfaits de l’impérialisme US.

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