Folle journée : le RN repousse la main de Maréchal et saisit celle de Ciotti

« Ce qui était prévu, au départ, ce n’était pas un accord de parti entre Reconquête et le RN », assure Jean-Paul Garraud
Capture d'écran X
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C’est une incroyable bascule qui saisit la politique française : une recomposition majeure, inédite, attendue depuis des décennies, prend forme en quelques jours… dans la douleur. Sur TF1, le président des Républicains Éric Ciotti a tranché, ce 11 juin, dans le sens de l’intérêt de la France : « Il y a la nécessité aujourd’hui de servir le pays qui est en danger », a-t-il lancé. Il voit dans le pays deux blocs, l’un macroniste ouvre un avenir « avec plus de violence et d’insécurité ». « Et puis, il y a un bloc des droites, un bloc national », explique Ciotti. « LR est trop faible face aux deux blocs les plus dangereux », soit le macronisme et l’extrême gauche. « Le pays n’a jamais été aussi à droite et il attend la droite, il attend des actes de droite. On ne peut plus être dans l’impuissance. »

Salué par le RN, ce mouvement logique au vu des positions développées par la tête de liste LR François-Xavier Bellamy durant la campagne européenne a suscité l’adhésion sans réserve de Céline Imart, la jeune agricultrice numéro deux de la liste LR aux européennes, du porte-parole, vice-président des LR et patron des jeunes LR Guilhem Carayon et de nombreux députés, assurés de renouveler leurs mandats grâce aux voix du RN. Mais il a aussi provoqué une levée de boucliers de la part de nombreux caciques LR comme Xavier Bertrand, Bruno Retailleau, Michèle Alliot-Marie (qu’on avait oubliée) ou Philippe Juvin.

 

Patatras !

 

Le RN a réussi ainsi, en quelques heures, à enfoncer un coin de fer au cœur de l'ancienne droite dite de gouvernement qui risque d’éclater entre Macron-compatibles et RN-compatibles. Simultanément, Marine Le Pen et Jordan Bardella enfoncent un autre coin, cette fois dans le parti… d’Éric Zemmour et de Marion Maréchal, après un étonnant aller et retour. Ce 10 juin, Jordan Bardella ouvrait grand les bras à Marion Maréchal et recevait la candidate de Reconquête au siège du RN pour discuter d’une alliance. On parlait d’une soixantaine de circonscriptions accordées aux zemmouristes. Le lendemain, patatras ! « Alors que nous étions sur le point de finaliser un accord », écrit Marion Maréchal dans un communiqué, « Jordan Bardella m’a informée cette après-midi d’un changement de position et du refus du RN du principe même d’un accord ».

Au cœur de ce recul inattendu, la personnalité d’Éric Zemmour et ses violentes attaques passées contre le RN, selon Marion Maréchal elle-même. « Le regrettable argument qui m’a été avancé étant qu’ils ne souhaitaient aucune association directe ou indirecte avec Éric Zemmour », explique-t-elle. Cette fin des négociations douche les espoirs de ses partisans d’avoir des députés à l’Assemblée. Ce 11 juin au soir, les cadres de Reconquête n’étaient pas joignables pour commenter ce retournement inattendu.

Côté RN, le député européen Jean-Paul Garraud, joint par BV, explique : « Ce qui était prévu, au départ, ce n’était pas un accord de parti entre Reconquête et le RN, mais plutôt une ouverture à Marion Maréchal elle-même et à quelques personnalités. » Comme Guillaume Peltier. Des contacts entre Marine Le Pen et Marion Maréchal avaient déjà eu lieu : un éventuel rapprochement était au menu du Bureau exécutif du RN dès dimanche soir, après les résultats des élections.

 

Zemmour appelle à l'union des droites

 

Que s’est-il passé ? Éric Ciotti a-t-il exigé auprès du RN une absence d’alliance avec Reconquête ? Au-delà de l’apport en voix, l’alliance avec LR, un parti fort de l’expérience du pouvoir en France, est précieuse pour le RN. C’est aussi un atout pour déminer une diabolisation qui ne cherche qu’à refleurir. Le Bureau exécutif du RN a-t-il dressé un mur contre la candidate Reconquête du fait de ses positions conservatrices sur les mœurs et l’économie ? Impossible de répondre à ces questions, à ce stade.

 

 

Reconquête conserve ses cinq élus au Parlement européen, mais ce retournement express ouvre la question de l’avenir de la candidate Marion Maréchal et de ses proches au sein du parti. Ce 11 juin, Éric Zemmour, à l’antenne de CNews, a clairement cherché à calmer le jeu. Loin d’attaquer la démarche de Marion Maréchal qui avait semblé le surprendre, dimanche soir, il appelle à l’union des droites. « Je parle de l’union des droites depuis 25 ans », dit-il à Christine Kelly. Il souhaite « un grand rassemblement entre nos trois partis pour gagner les élections législatives et changer de politique ». Il encourage les personnalités de Reconquête qui ont des liens avec le RN comme Stanislas Rigault à nouer des accords. Et affirme ne rien demander pour lui, acceptant de ne pas se présenter dans sa circonscription du Vaucluse. « Je passe sur mon orgueil et mon ego, nous pouvons encore le faire… », dit-il. Mais pour se marier, il faut être deux. Or, le RN peut miser sur un report naturel des voix de Reconquête sur ses candidats au deuxième tour, même en l’absence d’un accord. Reste le symbole d’une union des droites dans toutes ses composantes qui avait du souffle : elle accélérait l’élan donné au retour de la nation le soir des européennes, embarquant tous les acteurs, du RN à Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan, qui se réjouit de rejoindre ce cartel des droites.

Quoi qu’il en soit, l’épisode n’entrave en aucune manière la marche inexorable du RN vers le pouvoir, contre laquelle Emmanuel Macron se prépare à mobiliser toutes ses forces et toute la mauvaise foi dont il est capable.

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Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

166 commentaires

  1. C’est bien encore des querelles de clocher et des intérêts partisans.
    Il faut une union de toutes les droites, malgré quelques « maladresses » d’Eric Zemmour. Il faut dépasser cela.

    Quand comprendront-ils que c’est ce genre de division qui nous fait subir cette gauche qui enfonce ce pays depuis 40 ans ?

  2. Ce n’est pas très malin de la part du RN de rejeter les bonnes volontés de Reconquête, même si ce dernier n’est pas en mesure d’exiger quoi que ce soit. Combien de LR avaient critiqué Macron pour ensuite se retrouver dans des ministères. Ce serait tout à leur honneur (le RN) d’accepter la main tendue des bonnes volontés de Reconquête et ce que veulent beaucoup de leurs adhérents dont moi-même. La rédemption, ça existe et cela s’appelle de la grandeur d’âme !

  3. Le refus d’alliance du RN avec reconquête est une ânerie de plus, nous avons vraîment la droite la plus bête du monde, je pense que Jordan se la joue un peu trop grand chef, un peu de modestie lui ferait du bien.

  4. Parlons-en des caciques des LR, Bruno Retailleau, sénateur a une place au chaud qui ne risque rien, tout comme son patron l’imposant Gérard Larcher ; Xavier Bertrand , lui est un passe muraille, il quitte se famille et y revient au grès des élections, c’est à dire quand cela lui convient, idem d’ailleurs pour Valérie Pécresse qui crie à la trahison ; Philippe Juvin ! Il n’a pas trahi son parti en acceptant un poste de ministre macroniste ? Tous ces faux-culs oublient un peu vite qui s’il avaient fait leur job lorsqu’ils étaient au pouvoir Macron n’aurait même pas émergé pour mettre le pays à feu et à sang. Nous n’avons pas la droite la plus bête du monde mais la plus c….

  5. Le RN ne gagnera rien à nous faire une droite demi molle ou édulcorée à la Sarko . Le peuple français a maintenant des foucades et des emballements plus rapides et plus violents qu’avant. La marée a mis 4o ans pour monter, elle peut se retirer en une semaine….Gare !

  6. LR, pour un fois qu’il y en a un qui comprend quelque chose, il est incompris. Ciotti a raison. Il marche dans les pas de Pasqua. Pour Reconquête!, c’est dommage. Le coup de pied de l’âne. JMLP viendra -t-il au secours de Marion ?

  7. Pour la n-ième fois je devrai donc voter RN au second tour. Argent magique et moins d’immigrés , comme Georges Marchais en son temps . Encore une « droite » de gauche .
    C’est lassant de devoir voter à reculons.

  8. On voit mal pourquoi le Rassemblement national, en pleine mobilisation pour le premier tour des élections nationales, pourrait s’encombrer d’un épouvantail à électeurs comme Éric zemmour.

  9. bardella semble déjà avoir pris le melon, mais passons, il s’allie avec les LR très bien mais attention, les LR ne sont pas fiables rappelez-vous tous ceux qui ont rejoint macron par opportunisme. Les LR n’ont aucun scrupule a trahir. J’aurais aimé que bardella saisisse la main tendu de reconquête alors perso je ne me renierais pas je voterai reconquête.

  10. « Or, le RN peut miser sur un report naturel des voix de Reconquête sur ses candidats au deuxième tour, même en l’absence d’un accord. »

    Eh bien moi, je ne voterai pas pour le RN dans ces conditions.

  11. Des candidats LR soutenus par le RN sont sûrs d’être réélus surtout s’ils sont sortants. Avec des candidats Reconquête c’est beaucoup moins sûr d’autant que le report des voix Reconquête est assuré. Dès lors que l’accord RN-LR esdt effectif, un accord avec Reconquête devient inutile sans parler des problèmes de personnes. Reconquête ne présente d’interêt pour l’instant que comme voiture balai et vivier de compétences.

  12. Comme déjà indiqué dans un autre post, je ne pense pas que tous les électeurs de Reconqête ! vont se jeter aveuglement dans les bras du RN (Surtout vu leur attitude du jour)

    Suite à différents contacts avec des groupes d’amis, soutiens de Reconquête !
    Beaucoup (environ 90 %) ne souhaitent pas voter pour le RN avec comme le leitmotiv “vu qu’ils ne veulent pas de zemmour, ils n’ont pas besoin de nous ! – Bon Vent à Eux)
    De mon côté je suis tout à fait sur cette ligne la.
    Le 30 juin vote Reconquête ! ou la pêche idem le 07 juillet

  13. « Reste le symbole d’une union des droites dans toutes ses composantes qui avait du souffle » … Les magouilles post-résultats de ces élections européennes 2024 prouvent une chose : La « Droooite française » est vraiment la plus bête de l’UE ! …

  14. Je pense que le RN vend prématurément la peau de l’ours. Macron est retors, gauche et extrême gauche sont prêts à toutes les compromissions pour se cramponner à leurs privilèges. Macron arrivera à brûler les ailes de la droite en 3 ans et prépare déjà la place pour Édouard Philippe.

  15. Il est indispensable que la coalition de droite avec LR, RN et Reconquête se constitue afin de chasser l’illusionniste Macron qui, en 7 ans de pouvoir, aura contribué à détruire la France à lui seul davantage que ses prédécesseurs.

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