[EDITO] Une histoire de pape, de culture, de Corse et de piano défoncé

Tandis que les chants corses envoûtent la France, des « jeunes » saccagent un piano au centre La Part-Dieu à Lyon.
Capture d'écran Vatican News
Capture d'écran Vatican News

Dans les deux cas, il s’agit de musique, de culture et d’identité. Dans les deux cas, il s’agit de la France. La visite du pape en Corse a touché les Français. Il y avait, dans cet accueil corse, quelque chose d’attachant, de touchant, au-delà de la personne du Saint Père – d’ailleurs vivement contestée, et pas toujours sans raisons. Les cantiques poussés avec foi parlaient d’eux-mêmes. Ils racontaient un passé, une culture locale, une langue, un attachement aux traditions si fragiles, miraculeusement demeurées, une différence qui suscite non pas l’agressivité mais le contraire : l’intérêt, la gentillesse, l’accueil, l’affection, la douceur, la profondeur, quelque chose d'enraciné qui impose le respect.

 

 

Ils ont même des accents de résistance paisible, ces chants corses, à l’heure de la mondialisation, de la migration généralisée, de la « créolisation » chère à Mélenchon et de l’américanisation du monde. De provocation séduisante, un peu comme un discours en latin à un congrès de LFI. Ils contenaient une charge d’émotion palpable parce que, précisément, ils échappaient à la réinvention du chant religieux progressiste des années 1970, celles du mauvais goût. Cette musique, qui n’est pas folklorique mais identitaire, au meilleur sens du mot, ressemble aux contes des veillées dans les provinces françaises : elle ouvre des trésors qu’on racontait en souriant mais qu’on transmettait avec un soin… religieux. En Corse, on a touché du doigt une vibration particulière. Celle des ancêtres, celle des Corses. On a vu la religio, celle qui relie et soude un peuple. Ces images, ces chants, cette identité parlent au cœur des Français ; du moins, à ceux qui en ont conservé un quelque part, dans leur poitrine, comme disait Giscard (« J’ai un cœur comme le vôtre qui bat à sa cadence », avait-il lancé à Mitterrand). La Corse a montré à quel point le spectacle de l’identité, de l'intériorité portée par la foi est immédiatement et puissamment séduisant, bien au-delà des frontières de l’île de Beauté. C’est la Corse, direz-vous, une exception. Non, la civilisation, la culture ont parlé, elles peuvent parler ailleurs et différemment.

Hurlements des « artistes » vêtus de survêtement

Mais au même moment, ou presque, les réseaux sociaux apportent à la connaissance des Français quelques reflets d’une autre culture. Une vidéo circule à grande échelle : elle parle, elle aussi, de musique puisque l’acteur central est un piano - un quart-de-queue, semble-t-il. Un beau piano noir laqué, qui paraît neuf et brille sous la lumière des baies vitrées du centre commercial de La Part-Dieu, à Lyon. Cet instrument, qui orne les salons français cultivés depuis bien longtemps, a sans doute été placé là par une main irénique pour adoucir les mœurs. Peut-être pour lancer une note de fantaisie et de charme. Logique. Comme les chants corses, l’instrument a envoûté des générations. Lui aussi a transmis ce que l’Occident avait créé de plus beau, de plus fin, ces partitions des grands compositeurs, pour le plaisir d’un instant. Lui aussi a traduit l’identité et le génie de la France, de l’Europe et de l’Occident.

 

 

Le piano a accompagné les moments de joie, de danse ou de mélancolie dans les maisons, les salles de concert. Mais voilà, au centre de La Part-Dieu à Lyon, le piano laqué « prend cher », comme disent les plus jeunes. Coups de poing sur le clavier, coups de talon sur les notes, hurlements fauves : des « artistes » vêtus de survêtements, de casquettes et de capuches expriment leur sensibilité musicale à leur manière, sauvage. Un « jeune » se saisit de l’instrument, le soulève et le laisse tomber. C’est du brutal, comme disait l’autre. Retour au projet de métissage généralisé, de suppression des frontières, d’amitié entre des peuples qui n’existent plus et de tolérance entre des cultures patiemment démolies. On repense à Bernanos : « On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l'on n'admet pas tout d'abord qu'elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. » Tiens, qu’aurait donc écrit Bernanos du saccage d'un piano à queue ?

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Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

41 commentaires

  1. Dans cet article, il y a deux musiques : celle d’un désir bien légitime de retrouver ce qui nous reliait avant, du temps où on échangeait, où on se comprenait parce que nous entendions le même langage. La Marseillaise résonnait dans nos têtes à l’unisson d’un peuple fier de ce qu’il était. Puis il y a celle qui salit, entonnée par des gens, jeunes ou moins jeunes, jouant leur propre partition. Non pas celle qui rassemble mais celle qui sépare. Nous reste « l’étendard sanglant de la tyrannie est levé contre nous » car nous accueillons toujours sans précaution aucune. Et au sein même de notre belle France, il y a ceux qui arbitrairement parlent d’une créolisation que nous ne voulons pas. Par ce piano abîmé, tout un symbole, nos voix s’éteignent peu à peu dans le brouhaha incommode d’une cacophonie que des traîtres osent appeler le vivre ensemble. Y a-t-il encore de l’espoir ? Je n’en suis pas sûre.

  2. La première idée qui me vient en regardant la vidéo est que ces gens découvrent un objet qu’ils ne connaissent pas et ils veulent le détruire mais ne savent pas par où commencer…

  3. Juste un petit écart de « jeunes » sans importance, ce piano ne leur plaisait peut-être pas. D’ailleurs, la municipalité va le remplacer par un piano Kuhn-Bösendorfer à 1.200.000€, ce qui va les décourager, sans doute?

  4. Oui , ces gens qui nous gouvernent se moque du peuple.Ils dépensent sans compter, mettre des pianos dans les lieux publics, au lieu d’enseigner la musique a l’école, un premier ministre qui prend l’avion au lieu du T G V pour aller au conseil municipal, au lieu de construire un gouvernement, surtout quand Mayote meurt a petit feu . Vraiment ils ne pensent qu’a eux mais pas a la France, contrairement a ce qu’ils disent. Le roi a terouvé son bouffon ! ! !

  5.  » Coups de poing sur le clavier, coups de talon sur les notes, hurlements fauves : des « artistes » vêtus de survêtements, de casquettes et de capuches expriment leur sensibilité musicale à leur manière, sauvage »…
    Et c’est là que la gauche extrême va chercher ses électeurs… Elle est belle le France de Mélenchon.

    • j’approuve totalement : mon Gaveau 1930 est l' »objet » ( la personne, plutôt) le plus sacré de la maison et de l’ensemble de ma vie..

  6. Et ce n’est donc pas ceux qui ont mis la France dans l’état actuel, Bayrou en est, qui vont sauver la France aujourd’hui !! Mettez vous bien dans la tête, que sans une reprise en main sévère, la France sera morte dans moins de 5 ans.

  7. L’inculture est source de tous les maux, regardez LFI et la Gauche en général, alors que peut on attendre de cette caste politique qui depuis 40 ans pour le moins détruit la notre culture, celle de notre France profonde, la France du terroir et du savoir.

    • Approuvé également ; et j’ai eu l’occasion de le vérifier entièrement au cours de 49 années arrachée à mon cocon familial initial. Mais l’inculture passe en force, appuyée par l’engin « télévision » (et autoradio), les cerveaux encrassés étant totalement hermétiques à la subtilité.

  8. CQFD !
    Et tient, qu’aurait pensé Sa Sainteté François du massacre en groupe désorganisé d’un magnifique piano ?

  9. Quand on sait le soin qui est apporté à la réalisation d’un piano, le savoir-faire qu’il faut pour que tout soit à sa place et fonctionnel afin d’honorer les grands et les petits pianistes… ça viole la conscience. Alors, quand c’est une personne à la place du piano, comme le Christ en croix, il est permis de s’interroger sur la nature humaine laissée sans freins-moteur.

    • En déposant cette oeuvre d’art dans un vulgaire hall de gare, ils ont mis, dans leur inconscience, de la confiture ( du miel) à la merci des cochons..

  10. Il était temps un peu de tendresse et de sagesse quand l’union n’est pas entravé de slogans et de Fureur un instant de paix ☮️ nous en Avions besoin sans discours et sans jugements et peut être une réconciliation pour les grands et les petits . Merci aux chrétiens de bonnes volontés

      • La meute à encore frappe..à 10..cette fois ce n’est même pas sur un homme,des fois que dans un dernier geste de survie il arrive à en blesser 1..c’est sur un pauvre piano qui lui ne risque pas de se défendre…

  11. Mon Dieu ! Quand on connait le prix des quart-de-queue ! Le truc que jamais de ma (fin de) vie je ne pourrais m’offrir alors que je ne le caresserais qu’avec un chiffon de velours doux, des murmures et révérences et prières de demandes d’acceptation de toucher : Pour moi, c’est cent fois plus précieux qu’un lingot d’or !

    • Un tel instrument, de construction étrangère pour être abordable, se vend env. 15000€. Le prix d’une petite voiture.

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