[ÉDITO] TVA et auto-entrepreneurs : arrêtez d’enquiquiner les braves gens

Après les ZFE, les DPE, voici une nouvelle PBG (Persécution des Braves Gens).
©Shutterstock
©Shutterstock

Après les ZFE (pour les voitures), les DPE F et G (pour les passoires thermiques), voici une nouvelle PBG - Persécution des Braves Gens, puisque les acronymes sont à la mode, sacrifions-y - avec, cette fois, pour cible, les auto-entrepreneurs.

Pourquoi évoquer cet abaissement du seuil de la TVA (de 75.500 à 25.000 euros de chiffre d’affaires) qui peut apparaître anecdotique à certains (surtout s’ils ne sont pas concernés) ? Parce que cette discrète mesurette, un peu mesquine, planquée dans le projet de budget qui aurait pu passer en catimini, est éminemment emblématique.

L’État cherche de l’argent partout mais refuse de s’attaquer aux grands gisements improductifs, la gabegie administrative et migratoire. Une seule solution : continuer de faire inlassablement les poches de ceux qui se retroussent les manches tous les matins pour produire, dans de grandes ou de micro-entreprises. « Tout ce qui bouge, on le taxe ; ce qui bouge encore, on le réglemente ; tout ce qui ne bouge plus, on le subventionne. » C’était la boutade ironique de Reagan à l’endroit des démocrates ; elle pourrait aujourd’hui remplacer notre devise nationale.

La TVA est est en principe neutre pour celui qui la collecte, qui se contente de la répercuter, sauf qu’elle n’est pas neutre pour le client. Pour l’auto-entrepreneur (cette mesure, selon la FNAE [Fédération nationale des auto-entrepreneurs], touchera 250.000 auto-entrepreneurs), dès lors, deux solutions, perdantes toutes les deux : soit il monte son prix pour garder intact son bénéfice, au risque de perdre ses clients, soit il baisse ses prix pour garder ses clients et sacrifie sa marge. Sans compter, en sus, la complexification de sa comptabilité.

Un statut étonnamment moderne 

Le statut d’auto-entrepreneur a été créé en France en 2008 par Hervé Novelli, alors secrétaire d’État du gouvernement Fillon, dans le cadre de la loi de modernisation de l’économie. Hervé Novelli protestait, d’ailleurs, vigoureusement, sur X, contre cette atteinte à son bébé : c’est un « contresens économique ! »

Le but de cette création du statut d’auto-entrepreneur était de donner un cadre souple, facile à mettre en œuvre, sans charges trop importantes ni paperasse administrative trop compliquée. L’idée était aussi de lutter contre le travail au noir en donnant une façon simple de déclarer l’activité ponctuelle ou effectuée en plus d’un travail ordinaire, ou par un retraité, un étudiant, un chômeur souhaitant remettre le pied à l’étrier, une mère de famille désireuse de travailler à son rythme, et sur le lieu de son choix. Ces dernières sont nombreuses, du reste, depuis plus de quinze ans, à avoir embrassé avec enthousiasme ce statut. Pour elle, on a même créé un néologisme : « mompreneures ». Elles gagnent rarement des mille et des cent, mais gardent ainsi une activité qui leur évite d’être sur la touche. On croyait que le but de nos gouvernements féminolâtres était, justement, de tout faire pour les garder dans le monde du travail...

Tout se fait très vite en ligne, pas besoin de l’aide d’un fonctionnaire spécialisé pour remplir des papiers compliqués. Bref, la vraie bonne idée de droite, quand la droite avait encore des idée (sur le plan économique, veux-je dire, car sur le reste, il y a longtemps qu’elle n’en en plus). Cela libère l’entrepreneuriat, c’est le libéralisme bien compris, pas celui de la mondialisation mais celui de la création.

Et depuis sa création, le succès de ce statut ne se dément pas, au contraire, avec environ 700.000 nouvelles immatriculations chaque année. Alors, évidemment, ces petites entreprises ont un plafond de chiffre d'affaires à ne pas dépasser - rehaussé par Bruno Le Maire, signalons-le au passage, c’est un bon point pour lui (et il n’y en pas tant que ça !) -, mais elles peuvent servir de tremplin, ou de test, avant de se lancer dans une entreprise classique et de plus grandes ambitions.

L’auto-entrepreneuriat, dans sa conception, est même assez moderne, car il correspond à un style de vie plébiscité dans notre société, notamment par les jeunes : être son propre patron, être maître de la gestion de son temps, télé-travailler et ne pas être coincé par un engagement trop contraignant.

Mais dans le nom même d’auto-entrepreneur - qui a ,du reste, été transformé en micro-entreprise, contre l’avis d'Hervé Novelli -, il y a les germes de la liberté (auto) et de la production (entreprise), toutes choses secrètement abhorrées en France.

Avantages amoindris 

On essaie, d’ailleurs, d’en amoindrir les avantages - sous couvert de meilleure couverture sociale -, depuis un certain temps. L’évolution du taux global de cotisation a déjà augmenté : il passera, en trois ans, de 21 % (2023) à 26 % (2026), et il y a désormais, depuis 2015, une CFE (cotisation foncière des entreprise) à compter de la 2e année et à partir de 5.000 euros de chiffre d'affaires), même si votre local est votre maison (les auto-entrepreneurs, souvent, travaillent à domicile), pour laquelle vous payez déjà une taxe foncière. Seule une poignée de professions en sont exonérées, comme artiste-peintre… très peu. Pour les autres, c’est une double imposition, mais en France, on en a l’habitude : de l’assiette de l’impôt sur le revenu, on ne déduit pas les taxes foncières, d’habitation, les impôts sur la succession ni un forfait pour la TVA, n’est-ce pas ? En toute logique, ce devrait pourtant être le cas.

Comme pour noyer son chien, on l’accuse d’avoir la rage, on dénigre volontiers le statut d’auto-entrepreneur : sa couverture insuffisante, son caractère précaire, son lien de client à fournisseur moins contraignant pour le premier que d’employeur à salarié. Mais, précisément, c’est ce qui fait son succès : le dénaturer, ce serait le tuer.

Dans un entretien, il y a quelques mois, Hervé Novelli avait confié avoir eu le sentiment que des ministres d’Emmanuel Macron n’aimaient pas ce statut et cherchaient même à le faire disparaître progressivement.

Mais si on tue à petit feu le statut des auto-entrepreneurs, ces derniers ne travailleront plus et il faudra les aider, par de l’aide sociale. Qu’à cela ne tienne, le raisonnement est le même pour le petit propriétaire que l’on asphyxie : son destin est de finir en logement social et on ne commencera à l’aimer et le plaindre qu’à ce moment-là. Et tout cela, évidemment, sera rémunéré par la TVA ainsi collectée… jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus, que la source soit tarie. Et que l’on trouve une autre idée de PBG.

Mise à jour à 20h30 : au journal télévisé de France 2, Éric Lombard annonce la suspension temporaire de cette mesure. « Nous avons entendu les demandes des entrepreneurs », dit-il, il y aura donc des « concertations ». Boulevard Voltaire suivra cela avec intérêt.

Picture of Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

75 commentaires

  1. je suis auto-entrepreneur et je voudrais apporter quelques précisions. Le seuil de TVA en 2024 était de 96000 € pour ceux qui font de l’achat revente et de 36000 €, en prestation de service. Ne travaillant que pour des professionnels, en prestation de service, je facture la TVA, car beaucoup plus simple en gestion, et sachant que vous ne payez l’URSSAF et la TVA que sur des encaissements, arrivé à la barre du seuil, vous pouvez être perdant dans les déclarations. Ce que je lis oui un auto entrepreneur doit faire du chiffre pour avoir du résultat, donc un salaire correct, pour exemple, je dois facturer 7500 € HT, pour gagner ma vie de mon point de vue correctement, avec environ 60 à 70 heures par semaine, sachant que les charges représente environ 28% du CA, et après il faut y déduire tous les frais, voitures et annexes, frais de déplacement, assurance ETC. Pour environ 10 m² de bureau, on m’a pris 470 € de taxe foncière, lamentable, alors qu’en 2023 j’ai payé environ 80 €. Je voudrais aussi répondre à une personne qui se plaignait, que son AE, ne fournissais pas d’assurance, on peut souscrire une RC et une décennale, c’est juste un coup supplémentaire. Ceci dit il y a quand même des avantages, même si c’est plus compliqué aujourd’hui qu’hier, c’est déjà la liberté, avec quelques restrictions certes. Merci déjà de parler de l’auto-entreprise.

    • La TVA est un faux problème, comme vous le faites remarquer. Vous vous plaignez, et je ne peux vous en blâmer que vos impôts et taxes ont augmenté. Vous le savez, cet emballement législatif, fiscal et normatif est général : toutes les entreprises ont à subir les affres de nos petits hommes gris qui, sachez-le, imposeront progressivement, dès 2026, le fumeux DPD. Vous n’êtes ni profiteur et encore moins victime. Votre statut vous permet, en toute légalité, il est vrai, de moins contribuer que d’autres, à travail identique à l’effort collectif, et cela surtout sans limitation dans le temps, créant ainsi une concurrence trop souvent déloyale. Vous l’avez compris, le problème n’est pas que vous payez plus, mais que nous tous, nous payons moins.

    • Tout à fait d’accord, une entreprise c’est fait pour faire du chiffre d’affaires et se développer, les charges sont importantes et il faut pouvoir les absorber le résultat étant la différence entre le CA les achats et les charges et plus il y a de charges plus il faut faire du CA. La liberté ? vous parlez de quelle liberté ? dans toutes les entreprises on a la liberté

    • Encore une anomalie en ce qui concerne les auto-entrepreneurs ne travaillant que pour une entreprise, la sécurité sociale considère qu’on est alors salarié de l’entreprise un piège dont il faut se méfier que tout le monde ignore, à moins que la jurisprudence ait changé

  2. Le gouvernement s’attaque aux petits entrepreneurs parce qu’il n’a pas le courage de s’attaquer aux gros dépensiers. Mais même là, il n’a aucun courage et, tel un charognard, il décampe dès qu’il voit que sa proie bouge encore. Si vous voulez ruiner une grande idée, confiez-là à un petit comptable. Nous sommes dirigés par des hommes gris sans envergure et sans courage.

  3. 20h30, pour qui sonne le glas ! Notre ministre aurait-il eu peur d’une Jacquerie ? Un gouvernement qui adore la danse, un pas en avant, un pas en arrière…

  4. 25000 € de chiffre d’affaire, 2000€ par mois, tu enlève le matériel, l’urssaf, les assurances, le GO, l’amortissement de la camionnette et la location de l’atelier… il reste peanuts. Ca veut dire qu’a moins de faire du blac (mais là plus de couverture sociale, plus de cotisation, plus de retraite…), le mec ferme la boutique. ça va être une hécatombe de petites boutiques. Décidément, ce Macron est Le Destructeur de Tout, Tout, Tout.

    • À part que ceux qui ont des boutiques ou qui sont artisans ou commerçants qui forment parfois les apprentis n’ont que rarement le statut d’auto-entrepreneur qu’ils paient la TVA sur le premier euro gagné, et ont bien plus de charges et de contrôles tatillons que d’autres. .

  5. Un gouvernement s’en va un autre arrive mais depuis Macron que des mauvais issus de L’ENA qui ne connaissent rien à la réalité du terrain, qui sont patriotes de leurs portefeuilles ministériels. Ils prennent des mesures démocratiques déguisées qui sont des sanctions et privations pour le peuple . Ils pratiquent une réelle politique d’esclavage passif et ne connaissent que taxes et impôts. A l’inverse leurs salaires sont gras et ne se privent de rien. Jusqu’à quand le peuple français va supporter cette mafia en col blanc ?

  6. Notre nouveau ministre n’avait pas pensé à tout ça. Lors de sa prise de fonction, il a déclaré que la transition écologique faisait partie de ses priorités. Peut-être n’avait t’il pas encore pris connaissance de sa fiche de poste !

  7. Le plafond précédent permettait l’honnêteté viv à vis de l’état (!?). Le nouveau plafond revient à obliger à ruser: noir ou dissimulation car à ce niveau, à moins de ne vendre que du vent ( formaions par exemple) le jeu est pipé.

  8. Cette disposition était , à l’évidence, une ânerie de petit bras . que Lombard soit revenu dessus est bien mais ce qui est regrettable , profondément, c’est que tous ces experts hors sol qui se considèrent supérieurs ( et l’expriment avec hautaineté) n’aient pas vu avant d’en décider qu’ils fonçaient dans le mur.
    Il est vrai que leurs vacances au soleil nous coûtent cher et qu’il faut prendre l’argent là où il est mais aussi à ceux qui le gagnent.
    Messieurs les grands argentiers vous êtes plus minables encore qu’on pouvait le penser.

  9. J’entends et je lis pas mal d’inexactitudes à propos des auto-entrepreneurs, il faut dire que les journalistes ne sont pas tous des experts en gestion, fiscalité ou en comptabilité. Le statut d’auto-entrepreneur a été crée pour faire diminuer les stats du chômage, on a ainsi permis à des demandeurs d’emploi de créer leur entreprise mais certains n’avaient pas les compétences techniques et administratives. Ce fut surtout une énorme opportunité pour la fraude fiscale puisqu’il n’y a jamais de contrôles. Il existait déjà le statut d’artisan sous condition de capacité professionnelle en principe, alors qu’on mette le pied à l’étrier à quelqu’un pour lui permettre de s’installer tranquillement est une bonne idée mais cela doit être temporaire, en effet on sait que le seuil à franchir pour une activité artisanale est de deux ans, alors un auto-entrepreneurs qui dure dans le temps ne vit pas uniquement de son entreprise ou il y a un truc parce que pour vivre normalement de son entreprise il faut faire du chiffre d’affaires donc avoir déjà une certaine surface. Je ne suis pas sur non plus que les auto-entrepreneurs soient moins chers que les entreprises plus structurées le mode de facturation étant quelquefois différent. Je pourrais développer davantage ayant derrière moi 45 ans d’expérience de l’artisanat en tant qu’expert et par ailleurs j’ai été parallèlement à mon cabinet intervenant dans les chambres de métier pour des conférences ou du conseil. Juste une anecdote un auto-entrepreneur de ma connaissance a fait une petite réparation sur une toiture, il a mal fait son travail, on lui réclame 25 000€ il n’a pas d’assurance décennale. Je ne parle pas du paysagiste à qui je demande un devis et qui me répond qu’il ne tond que les pelouses. On comprendra que je sois prudent.

    • Je partage votre analyse. Beaucoup de personnes connaissent mal l’utilisation que font certaines personnes de ce statut au demeurant avantageux, voyant dans l’autoentrepreneur la nouvelle victime de la société du travail forcé. Au-delà de son utilité à la création pérenne d’une future entreprise, C’est surtout un statut permettant à certains de s’extirper de leurs responsabilités professionnelles en cas de malfaçons, de cumuler emploi déclaré au sein d’une entreprise afin d’y bénéficier d’avantages sociaux et de parfaire leurs revenus sans avoir à payer grand-chose, souvent en espèces. De plus, une concurrence déloyale sur une facture TTC envers des petits artisans ou commerçants qui paient eux assurances décennales ou pas, cotisations, impôts, taxes et j’en passe.

    • En tant que micro-entrepreneur, vous pouvez être amené à souscrire des assurances selon votre activité.
      Lorsque vous créez votre entreprise, il est important de vous renseigner pour savoir si votre activité est une activité réglementée et si elle nécessite la souscription de contrats d’assurances spécifiques. Si vous exercez une activité réglementée, vous devez souscrire un contrat d’assurance responsabilité civile professionnelle (RCP).
      Selon votre secteur d’activité, d’autres assurances sont obligatoires telles que l’assurance responsabilité décennale (secteur du bâtiment) ou encore l’assurance responsabilité civile médicale (secteur de la santé).
      cet auto entrepeneur relevant du BTP, son assurance décénale est obligatoire

  10. D’un côté, racler les fonds de tiroirs. Ronger l’os jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien.
    De l’autre, des gabegies effarantes ….

  11. Oui arrêtez de nous emm…je ne peux plus circuler avec ma voiture et je n’en achèterai pas une autre ….Zut ça suffit .

  12. Il faut, dans ce pays, n’avoir jamais dirigé une entreprise, quelle que soit sa taille, autoentreprise, artisanat ou autre, pour confondre chiffre d’affaires et ce qui reste, le bénéfice, pour faire vivre « le patron ». En effet, qu’est-ce que 25000€ ? Cela fait 2083€ mensuel !! Quand l’autoentrepreneur a enlevé le prix de son petit matériel, les matériaux nécessaires aux travaux chez le particulier, les différentes charges administratives et autres conneries comme « une TVA » à reverser, que lui reste-t-il pour manger ? Bayrou, Lombard (*) et autres hurluberlus de Bercy feraient bien mieux de s’appliquer à eux une TVA de 33% (TVA sur le luxe) sur leurs indemnités qui dépassent de loin la pauvre misère de 25000€ [de CA] dont le dernier des migrants arrivé sur notre sol perçoit pour vivre !! (j’exagère à peine). Ce pays est pourri par une administration qui n’a jamais dirigé d’entreprises. Parce que si tel avait été le cas, le pays ne serait pas à l’état de faillite. Les seules « entreprises » publiques, en déficit constant (SNCF,EDF, …) , dirigées par l’état et donc par nos « zélites » nous montrent combien ces derniers sont à même de diriger un pays.

    -* Eric Lombard : Ministre de l’Économie, des Finances et de la « Souveraineté industrielle » et numérique. Encore un « merveilleux technocrato-énarque » gauchiste de surcroit, ce qui ne gâche rien.

  13. Un nénarque à la tête d’une entreprise privée ou publique c’est la faillite garantie. La seule compétence du nénarque c’est de se goinfrer toute sa vie d’argent public produit par les vrais travailleurs alors que lui ne produit rien sinon de la paperasserie et des règles absconses.

    • Candide , je vous invite à trouver l’anagramme de ENA ! Vous aimerez ( j’ai préparé cette école !)

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

Il faut faire des confettis avec le cordon sanitaire
Gabrielle Cluzel sur CNews

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois