[EDITO] Marine Le Pen face aux échéances familiales, judiciaires et politiques

Une carrière entière risque d'être privée de son aboutissement au moment où elle touchait au but.
@Antoine Bayet/Wikimedia commons
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Il y a des moments particuliers, dans une vie, où les échéances se rassemblent. Marine Le Pen vit une période de bascule sur le plan familial, judiciaire et politique.

La donne politique plonge, comme rarement dans le passé, la première force d’opposition en France dans une configuration inédite. La rencontre de Marine Le Pen avec le Premier ministre Michel Barnier, ce lundi matin, en témoigne : la présidente du groupe RN à l'Assemblée doit tenir un bras de fer subtil, entre force et souplesse. La force pour exiger que les points de son programme soient respectés. La souplesse pour éviter que l’instabilité politique créée par la dissolution ne s’effondre sur elle et emporte tout ce qu’elle a construit. En cas de blocage, elle sera aussitôt tenue pour responsable du chaos.

La disparition possible du Menhir est taboue, au RN

Ce n’est pas tout. Sur le plan familial, la cadette des filles Le Pen fait face à la santé fragile de son père, âgé de 96 ans. Un père dont elle disait, dans son livre très personnel À contre flot (Éditions Jacques Grancher), quelle place il avait pris dans la vie d’une fillette qui s’éveille à la politique à 8 ans, lorsque sa chambre, l’appartement familial et l’immeuble où elle habite sont soufflés par une charge de 20 kilos de dynamite. Un père considéré comme le diable par une grande partie de l’opinion et qui a fait d’elle, nolens volens, une paria, une avocate, très vite, une femme politique. La disparition possible du Menhir est taboue, au RN. Les élus n’ont pas de consignes, pas de plan pour le jour J. « C’est un sujet dont on ne parle pas avec elle, pour la préserver, souffle un élu européen qui connaît bien la présidente du groupe RN à l’Assemblée. Un sujet très difficile pour Marine Le Pen elle-même. Ce sont les relations d’un père avec ses enfants… Quelque chose de très familial et très sensible. » Interrogée sans ménagement à ce sujet par Thomas Sotto sur RTL, ce 20 novembre (- « Il est en fin de vie, Jean-Marie Le Pen ? »), Marine Le Pen, le visage fatigué, marque physiquement le coup : « Je ne répondrai pas à cela, je trouve que c’est trop violent, comme question, et cela touche à l’intimité de sa vie privée, à la nôtre aussi. »

Une femme politique, même rompue au combat des idées, reste un être humain. « Marine Le Pen s’est fait une armure, car la vie politique est dure pour elle depuis l’enfance, poursuit notre élu. Elle souffre de la maladie de son père et du procès. Il y a là quelque chose qui la touche. »

« Ce qu'il faut pour la France »

D’autant qu’à ces deux menaces s’ajoute l'épée de Damoclès judiciaire. Alors que les sondages lui ouvrent une perspective claire vers l’Élysée en 2027, pour ce qui devrait être sa quatrième tentative, le procès des assistants du RN remet tout en cause. Ceux qui croient au hasard des calendriers judiciaires y verront une coïncidence. La peine d’inéligibilité réclamée par le procureur risque de priver l'ancienne présidente du RN de toute candidature à la fonction suprême. Des sacrifices innombrables, des succès et des échecs, une carrière entière privée de son aboutissement au moment où elle touchait au but. Avec elle, la Justice poursuit aussi ceux qui ont écouté ses consignes et ses conseils et le payent aujourd’hui d’un procès. La femme et l’ancienne présidente ne peuvent y être insensibles. Le fardeau des responsabilités humaines de l’ancienne chef de parti est peut-être plus lourd que son avenir politique propre compromis. « Marine Le Pen n’a pas d’ambition personnelle, elle fera ce qu’il faut pour la France, assure notre cadre RN. Si elle doit laisser la main à Bardella, elle le fera sans souffrance. Mais privilégier l’intérêt du pays, c’est incompréhensible pour les médias. »

Ces trois bascules politique, familiale et judiciaire s’entremêlent et s’entrechoquent pour la première opposante au macronisme, au moment même où la politique mondialiste fissure la maison France comme jamais, sur les plans économiques, sécuritaires ou sociétaux, l'agriculture concentrant tous les maux. Depuis des siècles, les paysans sont les rossignols des grandes crises françaises. Lorsqu’ils se révoltent, jettent l'éponge et meurent, le coup de grisou n’est pas loin.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 27/11/2024 à 22:13.

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Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

60 commentaires

  1. Après l’épisode judiciaire des indemnités parlementaires, dont les sommes auraient « été volées », dixit les bons juges parisiens, ces derniers trouveront bien d’autres griefs à Marine Le Pen qui l’amèneraient encore devant les tribunaux, tel François Fillon qui passera encore, après 7 ans, devant « ses juges » le 25 avril 2015 (je crois) pour, là aussi, une histoire « d’indemnités détournées » et … de costumes (cadeau empoisonné) !! Au fait et le Président Sarkozy, que devient il ? La justice ne lui a pas encore trouvé, après 12 ans, matière à le trainer dans la boue ? C’est l’histoire qui se répète à l’envie !! Bizarre, j’ai dit bizarre?

  2. Beaucoup de commentaires tout azimuts déclarent que, J.B. n’a pas d’expérience politique dans la gestion d’une mairie, région etc…Quelqu’un peut me dire l’expérience de E.M. dans ce domaine ? Voyez le résultat ! Est-il possible de faire pire ?

  3. « La souplesse pour éviter que l’instabilité politique créée par la dissolution ne s’effondre sur elle et emporte tout ce qu’elle a construit. » Absolument pas d’accord. Il faut voir un peu plus loin que le bout de son nez. Le seul objectif qui vaille est la démission de Macron, de gré ou de force (par le vote des élus constatant qu’il ne peut plus diriger la France).

  4. Le réquisitoire contre Marine le Pen dans le procès actuel a sonné la mort du gouvernement Barnier par la motion de censure que va voter le RN sur le budget proposé. Cette sanction proposée ne semble être rien d’autre qu’un véritable complot pour faire définitivement barrage au RN. Ce monde politique est pourri, en attendant c’est le peuple qui trinque.

  5. il faut se mettre a sa place! Si elle vote le budget elle se fera critiquée, Si elle vote contre ,pareil, elle se fera critiquée.
    Il faut qu’elle fasse pas comme les autres, qu’elle fasse du mieux qu’elle peut, dans ce qu’elle pense être l’intérêt du peuple.
    de toute façon elle ne métrise rien, la preuve en est qu’elle n’a qu’ un rôle d’arbitre alors qu’elle a avec elle le plus gros pourcentage de votants. Les autres doivent « faire alliance ».

  6. On peut dire que macron et ses troubadours auront tout fait pour mettre la France à genoux tant politiquement qu’economiquement. Leur dernière trouvaille empêcher les français de voter pour le redressement du pays . Macron, banquier de gauche europeiste sans odeur ni saveur finira bien par faire crever le pays. Il aura atteint son objectif avant son départ.

  7. Une des conditions pour que la droite nationale l’emporte en 2027 est que MLP ne soit pas candidate. Quand à Bardella, son inexpérience et son inconsistance le condamnent à l’échec.

    • Vous pensez à qui ? Vous croyez que les autres ont plus d’expérience ou que les idées relativement radicales auxquelles j’adhère de Zemmour pourraient s’appliquer demain ? C’est une utopie.

    • Inconsistance?par rapport à quoi et à qui?
      Il est vrai que comparé à un président solaire et aux Mozart des finances, il n’est pas au niveau, tant mieux

  8. La ligne politique du RN, excepté sur l’immigration, n’est pas plus lisible que celle des macronistes. Ils ont gommé ce qui faisait leur différence avec leurs adversaires de « l’arc républicain » et leurs chefs ne semblent pas plus capables de donner le cap que ceux du camp d’en face. Leurs querelles de personnes ont montré quelles étaient leurs vraies motivations politiques. Le « en même temps » et « l’attrape tout » souverainiste à la mode RN ne sont pas vraiment plus séduisants que l’équivalent mondialiste-woke. L’utilisation de la propagande pour dissimuler le démontage du pays en coulisse ne passe pas mieux à l’extrême-droite qu’à l’extrême-centre.

  9. Si le RN ne constitue pas pour moi le Graal en politique, et seul le pragmatisme en la matière m’invite à voter pour lui au second tour des élections (cela pourrait arriver au premier en l’absence de Reconquête), j’avoue humblement que j’ai du respect pour Marine Le PEN. Sa résilience, son honnêteté et son engagement au service de la France en font une personnalité politique française estimable.

  10. On peut aussi imaginer une manoeuvre à la Poutine/Medvedev: En 2027 Bordella élu president prend Marine comme Premier Ministre (ce n’est pas une fonction frappée d’inégébilité) et ensuite permutation.

  11. Raison de plus pour censurer le gouvernement, elle n’a rien à perdre, elle a tous les atouts en main, ses électeurs comptent sur elle pour faire dégager le gouvernement et avec un peu de chance faire démissionner macron, il faut qu’elle se dépêche ça urge quand on voit l’Etat du pays et c’est pas les macronistes qui sont au gouvernement qui vont nous sortir de la mouise.

  12. La plus grande chance qui puisse arriver au RN est de se débarrasser du nom Le Pen…. et c’est maintenant !

  13. Mme Le Pen est dans la tourmente et le chagrin et la question brutale de Thomas Sotto est digne d’un rustre. Je ne vote pas RN, mais j’éprouve de la compassion pour cette femme malmenée de toutes parts.

    • J’espère vraiment que si un jour la droite nationale,la vraie arrive au pouvoir, qu’elle réglera définitivement la question de la justice partisane aux ordres du système actuel en hésitant pas à destituer de leur fonction, après enquête bien sûr, des juges qui auront collaboré avec ce système ou qui auront été délibérément laxistes par idéologie ainsi que de décréter la suppression de toutes subventions à la presse et aux associations ainsi que de supprimer le Sénat et limiter très fortement la puissance du conseil d’état tout en faisant un référendum sur la souveraineté totale dans tous les domaines.Ce sera le prix à payer pour retrouver une stabilité économique, judiciaire et sécuritaire. Il faut vraiment que les mouches changent d’ânes.

  14. Rien ne lui est épargné , elle a combattu plus durement que les autres pour porter son parti à la 1erre place de l ‘opposition car elle a dû affronter tout un système médiatico politique parti pris et cynique ; elle tient le choc , peu aurait eu son courage et sa détermination , ce qui prouve qu ‘elle a le sens politique requis pour gouverner , si on lui en laisse la possibilité …

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