Duel Attal-Bardella sur France 2 : recherche rêve, idéal et vision d’avenir, désespérément

Les colloques de conseillers techniques ont remplacé les débats où Giscard, Mitterrand et Chirac combattaient avec art.
Capture d'écran
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Le grand débat de la campagne, ce 23 mai à 20h15, sur France 2, était très attendu. À ma gauche, Gabriel Attal, 35 ans, ancien porte-parole macroniste : une langue bien pendue, exercée sur tous les plateaux de télévision, un petit génie du micro au service d’un Président convaincu que tout est com'. À ma droite, le président du principal parti d’opposition, 28 ans, reconnu comme un as des phrases chocs, devenu une vedette auprès des plus jeunes, surdoué précoce de la politique. Deux hommes politiques brillants, deux expériences riches, deux espoirs de leur camp, deux popularités au zénith, aussi, s’affrontaient, jeudi soir, de part et d’autre de la table triangulaire où officiait l’arbitre : la journaliste Caroline Roux.

Dialogue parfois hermétique

On s’attendait à un choc de personnalités, à l’ancienne. À deux visions du monde, l’une mondialiste, l’autre patriote. À deux espérances. On a eu droit à une bataille de chiffres et de précisions techniques où il fut bien difficile de retrouver ses petits, même quand l’économie ne vous est pas étrangère. L’audience devrait logiquement traduire l’étroitesse du public de ce choc très contemporain, avec ses qualités – les deux débatteurs montrent une mémoire sans faille et une vraie aisance dans la profondeur des dossiers, échangent des arguments chiffrés, précis – et ses défauts – un dialogue hermétique, sans la moindre vision sociétale, le moindre souffle, le moindre rêve, la moindre aspiration, la moindre aspérité. On ne vend pas l’avenir ni le rêve, ils se sont cachés derrière d’implacables équations démonstratives. Il faut être un expert omniscient pour déterminer qui a raison ou tort sur le fond. Échappent à cette avalanche de quantitatif quelques idées, pas toujours neuves.

Les taxes aux frontières ? « Si on les met en place, les autres pays le feront aussi, assure Attal. Des entreprises françaises gagnent des marchés publics à l’étranger. » Il cite quelques exemples. Mais il faudrait comparer avec la masse des entreprises dépouillées par l’ouverture des frontières, comme en témoigne l’état de notre tissu industriel…

Plus simple d'enrôler l'avenir

Bardella tente de s’élever et prône « la fin de la naïveté », montrant que nos marchés publics sont ouverts à 82 %. Il démontre à coups de chiffres la ruine de l’industrie automobile (trois millions d’autos produites sous Chirac, un million aujourd’hui). « On ne protège pas nos frontières », déplore-t-il en réclamant des droits de douane. Mais Attal voit plus loin : c’est toujours plus simple d’enrôler l’avenir. Il compte les usines de batteries électriques, évoque la chute des ventes des véhicules chinois en Europe depuis qu’on les taxe, il est d’accord sur le retour des douanes et pense que le Président Macron a relancé la politique énergétique. Gonflé ! Reprise de volée de Bardella, qui rappelle l’abandon du projet Astrid et la fermeture de Fessenheim, entre autres, par soumission envers les Verts.

On prend un peu de hauteur avec le débat sur le rôle de la France en Europe : Bardella dénonce « une dilution de la France » avec l’élargissement de l’UE à 37 pays soutenu par la Macronie. Il tient à notre droit de veto, « le cœur de la France », et « ne veut pas que l’Europe lève l’impôt ». Question de souveraineté. La réplique attalienne vous recolle au niveau des pâquerettes : le Premier ministre a noté « sur votre liste des antivax et des eurosceptiques ». Horreur ! Sur l’agriculture, on se noie dans les tonnes de fromages français vendus au Canada grâce à l’accord CETA. « Vous mentez », réplique Bardella à son interlocuteur lorsqu'il assure que les négociations sont closes.

Vient l’immigration : le plat de résistance déçoit, lui aussi. « Vous avez pulvérisé un à un tous les records d’immigration », accuse Bardella, incontestable. Attal conteste pour la forme les chiffres du retour des OQTF, à presque 15 % selon lui, mais reconnaît : « On ne sera jamais d’accord sur l’immigration. » Courage, fuyons ! On comprend qu’il assume de lutter contre l’immigration clandestine, mais c’est tout. « Notre pays et notre Europe ont besoin d’immigration », lâche Attal, que le chiffre de Bardella – 77 % des violeurs à Paris sont étrangers - ne semble pas émouvoir.

Un peu de France

La Russie aura donné l’occasion de l’échange le plus tendu, à défaut d’être le plus nouveau. Pour Attal, le RN est tenu par le pays de Poutine. « Vous n’êtes pas libres de vos votes. »  « Ce n’est pas du niveau du Premier ministre de la France », rétorque Bardella, qui évoque « des coups sous la ceinture » et précise que Marine Le Pen n’a pas reçu Poutine à Brégançon…

« Vous avez le fédéralisme honteux ! », lance le patron du RN. « Bardella n’aime pas l’Europe », déplore Attal.

Il faut attendre les derniers mots pour que Jordan Bardella parle un peu de la France : « On porte les espoirs d’une génération. Je me bats pour tous ces Français qui ont le cœur qui saigne devant l’état du pays. » Attal, fidèle au miroir aux alouettes macroniste, tente de convaincre qu’on a « besoin du marché unique », assurant qu’« un emploi, c’est l’UE qui le permet » ! Et convaincu, comme le président de la République, qu’il faut « investir dans les secteurs d’avenir ». Et laisser mourir les autres ?

De campagne en campagne, la technicité, l’avalanche de chiffres et de preuves avec leurs cortèges de « vérificateurs » suspects finissent par étouffer le débat d’idées au point de cacher et gâcher les grands desseins. Résultat : les colloques de conseillers techniques ont remplacé les grands matchs de boxe où Giscard, Mitterrand et Chirac faisaient du combat politique un art. Sans doute pas la meilleure évolution pour convaincre de s’intéresser au sort de la France et de se rendre aux urnes, le 9 juin…

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Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

89 commentaires

  1. « Sans doute pas la meilleure évolution pour convaincre de s’intéresser au sort de la France et de se rendre aux urnes, le 9 juin… »

    Mais si. Juste ceux qu’ il faut pour que le système continue et nous que nous, nous décomposions .

    Quant au sort de la France, quand on voit qu’ encore 55% à 60% de ceux qui ont l’ intention d’ aller voter comptent donner quittus au PS Renaissance and friands, c’est que les médias font bien leur travail ou alors que seul leur sort personnel compte. À force , cela devient un vote d’ adhésion. N’ écartons jamais cette piste que cettains français de 2024 vote ..pour leur gu….et non pour le collectif .

  2. « Si on les met en place, les autres pays le feront aussi ». Attal n’a rien compris ! ce n’est parce que nous achetons des produits étrangers que les étrangers nous achètent. Ils le font parce que nos produits leur plaisent, et/ou qu’ils n’en trouvent pas ailleurs.

  3. Ce duel ??… Un leader encore jeune qui ne connait pas encore toutes les ficelles du métier, face à un petit marchand de tapis qui voudrait vous faire prendre la moquette du chien pour un morceau de la tapisserie de Bayeux. Aidé en cela par une journaliste corrompue qui est censée arbitrer les débats, alors qu’elle passe son temps à couper la parole toujours au même et que tout le monde sait qu’elle tapine pour l’oligarchie.

  4. Je n’ai pas regardé ce débat pour la simple raison que je considère que le Attal qui n’est pas sur
    la liste des européennes n’avait rien à faire à Bardellea pour A2 qui roule pour le macron c’est une tentative pour dénigrer Bardella dans les sondages

    • Ma main ne tremblera pas : ce sera F Philippot et sa liste souveraine , le seul ayant fait alliance avec un autre parti ( JF Poisson), chrétien qui plus est et parrainé par un autre (Dupont Aignan).

  5. Avec une telle dégringolade dans tous les domaines il est impossible de voter pour quelque parti ayant de près ou de loin été au pouvoir.

  6. Ce débat a prouvé une seule chose à mon avis : la macronie veut détruire tout ce qui est « FRANCE » … « Tout doit être européen ! … » Donc « STOP » à cette gabegie à partir du 09 juin 2024 ! …

  7. Il est certain que par rapport au niveau des débats Mitterand- Chirac, ils sont un peu légers les jeunots, pour 2 raisons, ils n’ont pas le niveau, et en deux ils ont les mêmes conseillers formatés par la technocratie mondialiste, un débat incolore, inodore et sans saveur.

  8. Attal est le clône de macron. Cynisme dans les yeux et dans les paroles. Que de la tchatche…..mensongère.

  9. Je me suis demandé, en regardant le premier ministre se décharger à grande vitesse comme une pile électrique déréglée, s’il ne serait pas désormais indispensable de faire passer aux acteurs de ce genre de talk-show, un test de dépistage de la cocaïne avant de les admettre sur un plateau-télé.

  10. Attal et Bardella sont deux jeunes hommes plutôt sympathiques dont les qualités humaines personnelles transparaissent au travers de leur comportement. Le problème c’est que c’est très loin, et même à des années lumière de ce qui est nécessaire pour diriger un pays. Un véritable dirigeant ne cherche pas à plaire. Il fait ce qui doit être fait.

  11. Aucun vecteur d’avenir dans le debat, bataille de chiffres stériles, c’est vrai. Ce vote sera un vote sanction contre Macron , c’est un vote étape. Ceux qui vont voter le feront avec cette fois l’idée de dire non à ce monstre européen transformant la France en un pays occupé. Mais avant de parler d’avenir il eut été bon de lister dégâts et fractures après le règne macron. Qui aujourd’hui pourrait redresser ce pauvre pays ? On ne parle pas d’avenir dans un pays en plein chaos.

  12. Une partie de ping pong sans grand intérêt avec un Attal incapable de laisser parler son contradicteur et usant de ces commentaires usés, en face un Bardella qui n’a pas été désarsonné mais a eut beaucoup de mal à finir une phrase…
    Quant à la conclusion, ils ont été tous les deux aussi mauvais : la question était « que dites vous aux français » et aucun n’a été capable de parler à la caméra qui était l’œil des français, il faut noter que le Gabriel a fait un joli croche patte à son adversaire…

  13. J’ai jugé le débat inintéressant et long, n’apportant pas grand chose, d’un côté Bardella quand même un peu crispé et de l’autre Attal plus brillant, à l’aise m’a-t-il semblé capable comme son patron de dire des contre-vérités avec aplomb et avec le sourire, plus décontracté, mais ils n’ont pas eu le même parcours et ça se sent, il a su frapper où ça fait mal sans que Bardella réagisse avec vigueur et on a retrouver les phrases toutes faites et les éléments de langage, enfin j’ai eu l’impression d’avoir déjà vu mille fois ce débat, mais peut-être étais-je fatigué

    • Il faut bien avouer que ce genre de « débat » n’en est pas un, mais plutôt un spectacle de cirque, comme ceux que les Romains donnaient à la plèbe où un lion et un tigre étaient là pour manger l’autre.

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