« Drapeau satanique » : pourquoi l’expulsion de l’imam du Gard s’avère impossible (ou presque) ?

Installé en France puis plus de vingt ans, l'imam du Gard pourrait invoquer le droit à la vie privée et familiale.
© Capture écran TikTok
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« Je vais être factuelle, madame Mabrouk : il ne pourra pas être expulsé. » Ce mardi 20 février, au micro d’Europe 1, Linda Kebbab, fonctionnaire de police, dit tout haut ce que beaucoup redoutent. Depuis la diffusion sur les réseaux sociaux d’un prêche dans lequel Mahjoub Mahjoubi, imam de Bagnols-sur-Cèze (Gard), qualifie le « drapeau tricolore » de « drapeau satanique », la polémique enfle. Dès le 18 février, Gérald Darmanin a demandé « le retrait de son titre de séjour en vue de son expulsion du territoire ». « Aucun appel à la haine ne restera sans réponse », promet le locataire de la place Beauvau. Mais la bataille judiciaire pour son expulsion s’annonce déjà semée d’embûches. Explications.

Protection des étrangers

Le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est clair : un étranger qui réside régulièrement en France depuis vingt ans « bénéficie d’une protection quasi absolue ». Il ne peut être expulsé du territoire que dans des cas très limités et très encadrés par le droit. L’imam Mahjoubi, installé en France depuis 1986 et bénéficiaire d’un titre de séjour valable jusqu’au 7 août 2029, jouit donc de ce statut très protecteur. Il ne peut faire l’objet d’une décision d’expulsion qu’en cas de « comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes » (article L. 631-3). Autrement dit, la Justice, qui vient d’ouvrir une enquête pour apologie du terrorisme, devra déterminer si les propos de l’imam du Gard tombent sous le coup du droit des étrangers. Et c’est là qu’apparaît la première difficulté.

En effet, d’un côté, la classe politique dans sa très grande majorité et de nombreux responsables du culte musulman condamnent le prêche de l’imam d’origine tunisienne qui, outre sa sortie sur le drapeau « tricolore » qui n’a « aucune valeur auprès d’Allah », a été signalé par le préfet du Gard pour des propos problématiques sur les Juifs, la place de la femme dans la société et pour une « approche extrémiste de l’islam ». De l’autre, Mahjoub Mahjoubi et son avocat plaident la « maladresse de langage », « le lapsus ». « En aucun cas dans mon parcours d’imam, je n’ai pensé une seconde que le drapeau français ou que la République étaient dérangeants. Bien au contraire j’ai toujours défendu ces valeurs », assure l’imam, qui prétexte parler, dans son prêche, « du monde musulman et du football ». Or, en août 2022, le tribunal administratif de Paris avait pris en compte les excuses d’Hassan Iquioussen sur certains de ses propos passés pour ordonner la suspension - décision finalement cassée par le Conseil d’État - de son expulsion. Preuve, donc, que le caractère haineux des propos de l’imam du Gard ne sera pas nécessairement évident aux yeux des magistrats…

L’article 8 de la CEDH

Et quand bien même les troubles à l’ordre public, le caractère terroriste ou l’appel à la haine seraient retenus, un autre obstacle juridique peut encore empêcher l’expulsion de l’imam. Il s’agit de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), ratifiée par la France en 1974, qui dispose que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ». Et qu’il « ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale ». Comme le précise Guillaume Bernard, spécialiste des institutions joint par BV, « la portée réelle d'une décision de la CEDH, bien qu'elle influence le législateur national, est surtout symbolique et politique ». Invoqué par les avocats de la défense dans le cadre de l’affaire Iquioussen, le droit à la vie privée et familiale avait finalement été balayé d’un revers de main par le juge du Conseil d’État qui considérait que les enfants d’Hassan Iquioussen étant « majeurs », ils « ne dépend[aient] plus de leur père » et que son épouse, de nationalité marocaine, « ne se trouv[ait] pas dans l’impossibilité de se déplacer au Maroc et de l’y rejoindre ». À l’inverse, dans le cadre de l’affaire Mahjoubi, selon nos confrères, l’imam du Gard est marié à une femme de nationalité française. Ses enfants, mineurs, sont de plus nés et scolarisés en France. Au vue d’une importante jurisprudence, il se pourrait donc bien que les tribunaux, au nom du droit à la vie privée et familiale, ne se prononcent pas en faveur de son renvoi du territoire français. Et ce, alors que 92 % des Français se déclarent pourtant favorables à l'expulsion, sans recours possible, des imams étrangers qui tiennent des prêches antifrançais.

Gérald Darmanin a beau faire des promesses, l’expulsion de l’imam du Gard n’a donc rien d’évident. Et de longues semaines, si ce n’est mois, peuvent encore s’écouler avant que la Justice ne se prononce au gré des recours dont Mahjoub Mahjoubi disposera.

Picture of Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

53 commentaires

  1. C’est pas un, mais tous les imans étrangers qu’il faut expulser et fermer leurs mosquées salafistes.

  2. Bien entendu cet Iman ne sera pas extradé. Mais sur le fond que lui reproche t’on? D’avoir accusé de satanisme le drapeau de la France. La belle affaire alors que le président de la république s’arrange très bien , lors de ses pelerinages ,des paroles anti-françaises de l’hymne Algérien et que l’on n’oublie pas en ces jours de pantheonisation qu’un certain Jean Zay avait traîné notre glorieux drapeau dans son immonde fange intellectuelle alors que le sang des soldats morts pour la France n’était pas encore sec. L’iman restera en France macroniste.

  3. Comment peut on dans ce pays de bisounours laisser des étrangers insulter notre drapeau national ? Essayez de faire de même en Tunisie, le soir même vous dormez en prison, et expulsé du pays à coup de lattes dans le derrière !
    Encore heureux que se soit un député RN, qui ait diffusé cette affaire ! Mais des immams comme lui ils sont des centaines en France ! Oui, le ver est dans le fruit qui commence à pourrir !

  4. si on ne peut pas l’expulser, qu’on lui interdise son rôle d’imam et qu’on lui interdise de prêcher !

  5. En France il y a des intouchables, s’en est un. En France les citoyens sont condamnables par une justice et des administrations à deux vitesses. En France on pratique l’art de baisser le pantalon. En France un étranger ou un double national à tous les droits par l’état de droit qui fout tout de travers. Pas en France mais au FRANKISTAN.

  6. Autrement dit, il est impossible des les empêcher de rentrer, impossible de les empêcher de s’installer et impossible de les renvoyer, même s’ils crachent sur la France et les Français à longueur de journée. Bizarrement, dans le cas présent on ne parle pas d’appel à la haine, de discrimination, de xénophobie, de racisme, tout ceci étant, semble-t-il, réservé aux Français et à une « extrême droite » fantasmée par la gauche. L’état de droit pour les Français, cela signifie subir, subir et encore subir en serrant les dents … ou choisir de quitter la France pour un pays encore épargné (si cela existe encore). Pas besoin d’être un grand devin pour comprendre que ça finira très mal, comme toujours.

  7. Il n’y a rien à dire, puiqu’il ne sera jamais expulsé. Qui sont cocus.Devinez, et vous aurez compris, la compromission de nos politiciens actuels. C’est eux qui faut changer.

  8. J’ai entendu aussi que cette personne est interdite d’entreprendre une activité commerciale en France depuis x années et que sa femme, gérante d’une société, serait un gérant de papier, lui serait le vrai gérant. Il n’y a donc pas que ses prêches à lui reprocher…

  9. ILs ont immigrés des un sens ils peuvent repartir dans l’autre avec toute la famille. LEs pays musulmans ne reconnaissant pas la double nationalité

  10. Bien sûr , il ne sera pas expulsé , comme il devrait l ‘ être , ainsi qu ‘ un bien grand nombre d ‘ ailleurs ; à croire que ces ennemis de la France sont devenus intouchables et commencent à régner en maîtres ; il va devenir difficile de reprendre la main ..

    • Les Guayanais sont déjà servis, ils ont leurs « chances » pour la Guyane. Je crois qu’ils refusent déjà du monde là-bas aussi …

  11. Mais ce n’est une surprise pour personne c’est comme les OQTF , menacés jamais expulsés , trop belle la france .

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