Condamnation de Marine Le Pen : la colère des électeurs, clef de l’avenir

Marine Le Pen ne pourra pas se présenter à l'élection présidentielle. De quoi ulcérer son électorat et au-delà.
Capture d'écran TF1
Capture d'écran TF1

Article mis à jour ce 31 mars.

Marine Le Pen ne pourra donc pas se présenter à l'élection présidentielle de 2027, alors que 37 % des électeurs (selon les derniers sondages) s’apprêtaient à voter pour elle. Les magistrats lui reprochent d’avoir mis en place un « système » de financement frauduleux du parti qu’elle présidait. C’est un tremblement de terre politique. Un coup de massue pour la candidate RN, bien sûr, et pour son parti, mais surtout pour les Français qui souhaitent une victoire du RN. Ces Français, qui espèrent éliminer un autre système, représenté par Emmanuel Macron, voient le scénario présidentiel qui se dessinait balayé en quelques instants par trois juges. « Marine et ses avocats étudient toutes les voies de recours possibles permettant qu’elle puisse se présenter en 2027, nous glisse une source proche de Marine Le Pen, au RN. Mais, clairement, le jugement a été construit pour l’éliminer de la présidentielle de 2027, alors qu’elle est d’ores et déjà donnée à un niveau jamais atteint. »

Sauf surprise, Marine Le Pen est donc privée, aujourd'hui, de sa quatrième campagne présidentielle, après plus de trente ans de combat politique, alors qu’elle fait figure de première opposante à Emmanuel Macron et aux partis qui se partagent le pouvoir depuis quarante ans. Cette situation estomaque les responsables politiques et la presse de droite dans le monde entier (lire l'article de Yves Marie Sevillia).

Mais ce sont les Français, notamment ceux qui s’apprêtaient à voter pour Marine Le Pen, qui sont les plus concernés. Eux ont de quoi être amers, écœurés, floués ou furieux, selon les tempéraments.

Pas d'affaire pour le contribuable français

D’abord parce que les raisons de la condamnation sont ubuesques. Le contribuable français finance nolens volens les partis politiques français et européens. L’Europe coûte par ailleurs à la France, chaque année, dix milliards d’euros nets, soit la différence entre ce qu'elle verse et ce qu'elle reçoit. Or, que reproche l’Europe au RN ? D’avoir fait travailler les salariés FN des parlementaires européens, rémunérés par l’Europe (donc indirectement par la France…) pour le FN français, rémunéré par la France. Pour les contribuables français, il n’y a donc pas d’affaire des assistants parlementaires : qu’ils travaillent pour le RN européen ou pour le RN français, la facture est la même. Soyons clairs : en partageant le temps des assistants parlementaires entre l’UE et la France, le RN a commis une erreur : la décision le montre. Mais cette faute valait-elle la punition suprême, celle de l’arrêt brutal des ambitions présidentielles de la principale opposante au système mondialiste ? Poser la question, c’est y répondre, estimera l'essentiel de la France de droite.

Par ailleurs, pour les électeurs du RN, l’affaire apparaîtra cousue de fil blanc. Le moment de la décision, les peines réclamées : tout cela tombe bien, vraiment très bien, pour éloigner le risque d'une prise de pouvoir de la fille de Jean-Marie Le Pen, constateront les électeurs. Les mêmes remarqueront que le RN subit, de la part des partis de gouvernement et de la gauche, une opposition hors normes depuis des mois : la mise en place d’une alliance anti-RN qui va de l’extrême gauche LFI à LR lors des dernières législatives, l’arrêt autoritaire d’une chaîne (C8) considérée comme proche de l’opposition et, désormais, l’élimination de la principale opposante politique. Des éléments qui viennent après bien d’autres : le refus des banques de financer le RN, par exemple. Pour l’électeur RN, le système gouverne mal mais se défend rageusement, considérant que la fin justifie les moyens.

J.D. Vance avait-il raison ?

L’électeur RN a peu de chance de réagir sagement et d'enterrer la hache de guerre en souhaitant bonne chance à la gauche. Appelée par Jordan Bardella à « une manifestation pacifique », la droite RN ne brûlera pas les magasins et les voitures, ne cognera pas sur les CRS. L’abstention gagnera peut-être les plus désespérés par la vie politique française. Mais pour les autres, le sentiment d’injustice, d’inégalité, la disproportion entre les faits et les peines, l’irritation de se voir privés de leur candidate dans une démocratie soi-disant exemplaire, la colère suscitée par un espoir politique empêché par les juges sur des motifs incompris peuvent alimenter une rage de vaincre, derrière un candidat RN quel qu’il soit. Marine Le Pen a dit, ce lundi soir, sur TF1, qu'elle comptait poursuivre le combat. Notre source au RN nous le dit : le parti compte s'appuyer sans détour sur le sentiment des électeurs floués : « Il va y avoir une campagne d’affichage, de tractage, et probablement un meeting de soutien, dit ce cadre du RN. Ils ne mesurent pas l’impact que cela peut provoquer parmi nos électeurs. On prive la moitié des Français de leur candidate. »

Dans un pays inflammable, comme l’a montré notamment la révolte des gilets jaunes, cette décision inédite dans la vie politique de la Ve République peut en effet avoir l’effet inverse de celui qui était recherché. Car jamais la présence de ce que la France de droite appelle « le système » n’a été aussi tangible. La France reste, en effet, un pays révolutionnaire et les conditions de la révolte s’accumulent.

À Munich, J.D. Vance avait lancé, après de nombreux et graves reproches adressés à l’UE et aux pays qui la composent, ces mots sur la liberté d’expression et du jeu démocratique : « On ne peut pas remporter un mandat démocratique en censurant ses opposants ou en les jetant en prison – qu’il s’agisse du chef de l’opposition, d’une humble chrétienne qui prie chez elle ou d’un journaliste qui tente de faire son travail. » Des mots qui résonnent étrangement, aujourd’hui.

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Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

295 commentaires

  1. Gelias
    Si le parti de Marine Le Pen a effectivement détourné les sommes évoquées de 4,1 millions d’Euros, en sa qualité de responsable, alors, la condamnation semble justifiée, même si on éprouve de la sympathie pour la personne et si on adhère à certaines idées qu’elle défend. Un responsable politique ne peut pas impunément être entaché de détournement de biens publics et de surcroît prétendre à la fonction suprême de la république.

  2. Soyons réalistes et c’est la juriste qui parle : soit l’appel se fait après l’élection présidentielle et dans ce cas, les juges d’appel pourraient se montrer plus cléments, soit l’appel a lieu avant l’élection et là, les juges confirmeront l’inégibilité de MLP. Ils pourront même se montrer  » magnanimes  » en diminuant la peine de prison. Je pense que tout est joué. Marine, qui est avocate ( quand même ) sait elle-même à quoi s’en tenir mais jouera le jeu auprès de ses électeurs le plus longtemps possible.

  3. Il appartient au RN de faire la preuve qu’il sera un parti pérenne avec la nommination du remplaçant de marine Le Pen en la personne de Jordan BARDELLA. C’est le souhait que doivent faire les électeurs en puissance de ce parti. Il est à souhaiter qu’enfin, les partis de droite (qu’on nomme extrêmes), ceux de ZEMMOUR et Sarah KNAFO, Marion MARECHAL et Jordan BARELLA feront la jonction, une association à laquelle Marine Le Pen était l’obstacle majeur. Deviendraient-ils intelligents ou veulent-ils disparaître de leur belle mort politique au profit d’une droite « traditionnelle » moribonde, celle qu’on appelle « la droite la plus bête du monde ?

    • Franchement pour mener la droite à la victoire avec quelqu’un de jeune il vaudrait mieux sahra knafo..elle n’a jamais trahi personne,et n’a peur de personne,y compris de sa  » diabolisation « par la gauche..

  4. La question n’est pas de la condamnation de Marine Lepen et du parti mais de la sévérité de la sanction. Personne ne conteste que nombre d’assistants n’ont jamais travaillé sur le plan européen qui était la raison de leur rémunération. Il en était de même pour tous les autres partis, sans exception. Dans le dossier du Modem, les peines avaient été moindres et non contraignantes. Mais l’on ne peut avoir proposé dans son programme l’inéligibilité pour des elus coupables de détournement de fonds publics et déplorer que cela s’applique à soi-même même.

    • Et bien si justement ! Contrairement à ce que vous dites, il est contesté que les assistants en question ne travaillaient pas sur le plan européen (ce qui au passage ne veut rien dire juridiquement), leur présence à Bruxelles ne dépendant, en réalité, que du statut de leur contrat d’embauche : les assistants locaux qui assistent leur parlementaire à partir de leur pays d’origine et les assistants accrédités qui sont tenus de travailler à Bruxelles ! Or, toutes les récriminations portent, bien évidemment, sur des assistants locaux !

  5. Injustice ? possiblement, discutable. Il n’y aura pas de grogne dans la population qui est ailleurs et donc laisse faire. MLP ira en appel et on verra mais sa candidature présidentielle est foutue.

  6. Article 43 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature – modifié par la loi n°2023-1058 du 20 novembre 2023 :
    « […]Tout manquement par un magistrat à l’indépendance, à l’impartialité, à l’intégrité, à la probité, à la loyauté, à la conscience professionnelle, à l’honneur, à la dignité, à la délicatesse, à la réserve et à la discrétion ou aux devoirs de son état constitue une faute disciplinaire.[…] »
    Article 48 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature – modifié par la loi n°2023-1058 du 20 novembre 2023 :
    « Le pouvoir disciplinaire est exercé, à l’égard des magistrats du siège par le Conseil supérieur de la magistrature et à l’égard des magistrats du parquet ou du cadre de l’administration centrale du ministère de la justice ainsi que des magistrats exerçant les fonctions d’inspecteur général, chef de l’inspection générale de la justice, d’inspecteur général de la justice et d’inspecteur de la justice par le garde des sceaux, ministre de la justice.[…] »
    Au regard de cet article 48, qu’attend le CSM pour lancer une procédure de sanction à l’encontre de la totalité des membres du Syndicat de la Magistrature en général et contre la Présidente du PNF en particulier, qui a toutes les qualités pour y appartenir, pour ses déclarations qui assument sa partialité ?
    Qu’attend Darmanin pour lancer une procédure de sanction à l’encontre de la procureur qui, dans son réquisitoire de novembre 2024 en l’absence d’éléments pour un des prévenus, a déclaré :  » Je ne peux pas demander une relaxe. Ça me ferait trop mal ! » qui, là également, ne laisse planer aucun doute sur sa partialité !
    Si ces deux instances, le CSM pour les magistrats du siège et le Garde des Sceaux pour ceux du parquet, ne font rien, c’est qu’ils sont complices et approuvent cette forfaiture !

  7. Je veux simplement dire àTondelier qu’il n’est pas nécessaire qu’elle s’acharne sur MLP. elle n’a aucune chance de récupérer les 37% d’intentions de vote du RN.

  8. Plus qu’un traquenard, c’est la guillotine qui était prévue. Qui peut dire que l’élection de 2027, si l’élu ne plait pas parce que de droite, l’ingérence du site X ou autre ne sera pas invoqué pour l’annuler. Tout est en place en France pour. On nous enchaine de plus en plus et personne ne bouge!

    • Faux ce sont les adeptes de plus belle la vie et demain nous appartient , les Français, qui les ont porté au pouvoir aujourd’hui .Et je pense que l’épisode du NFP se reproduira demain

  9. Ce traquenard judiciaire a été fomenté avec une habileté diabolique depuis François Hollande. Avoir voté un texte de loi qui viole les principes même du droit qui considère qu’un justiciable est presumé innocent tant qu’il n’a pas épuisé tous les recours à sa disposition, sans que le conseil constitutionnel ne s’en émeuve, prouve que cet outil était destiné à combattre la droite le moment venu.

  10. Les électeurs français sont ils (encore )
    capables de colère ?? Ils se font tondre en continuant de courber l’échine…. Pauvre France !
    La colère est devenue  » l’apanage » exclusif des banlieues…..

  11. Dans un pays ou Villepin a presque sa carte chez LFI, ou Madame Tondelier parle de la nature, ou certains députés sont des traitres à la patrie, et ou Macron joue aux soldats sans être en guerre, tout est possible…Mais n’est pas Napoléon qui veut, il faut un minimum de talent et non de panoplie.

  12. Le bouquet quand les juges sont hors la loi:
    « Comme l’a déjà jugé le conseil constitutionnel, une peine d’inéligibilité ne peut pas faire l’objet d’une exécution provisoire : L’article 506 CPP dit que l’appel suspend l’exécution de la peine sauf certains cas particuliers fixés par l’article 471 CPP. Cependant la peine d’inéligibité prévue par les articles 131-26 à 131-26-2 du code pénal ne figure pas parmi ces possibilités légales d’exécution provisoire ».
    Il leur reste l’exil avec Emmanuel 1er des « tazounis d’Europe ».

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