[CINÉMA] Le Garçon, un documentaire de Zabou Breitman à ne pas rater

Nous recensions récemment, sur Boulevard Voltaire le long-métrage À bicyclette !, de Mathias Mlekuz. Un film touchant sur le deuil et l’amitié, qui mêlait constamment le documentaire et la fiction et, ce faisant, interrogeait l’éthique du cinéaste : celui-ci y scénarisait ouvertement certaines situations dramatiques et se mettait en scène personnellement, avec tous les écueils auxquels on peut s’attendre…
Le Garçon, dernier film en date de Zabou Breitman, coréalisé avec Florent Vassault, tente une approche similaire mais évite soigneusement ce type de pièges.
Une œuvre hybride
Le projet s’appuie sur quatre lots de photographies que Vassault a récupérés dans une brocante à la demande de Zabou Breitman afin de bâtir autour un long-métrage. Des images familiales, anonymes, prises vraisemblablement entre les années 1940 et 1980. La réalisatrice avait dans l’idée d’imaginer par la fiction, via l’utilisation de comédiens comme François Berléand et Isabelle Nanty, la vie de ces inconnus à partir du peu d’informations que délivraient les photos, tandis que Vassault, de son côté, filmerait en un documentaire son travail de recherche pour retrouver la trace de cette famille et lever le voile sur l’un de ses membres en particulier, un jeune homme mystérieux au regard mélancolique.
Les deux segments, en définitive, s’entrelaceraient naturellement par la magie du montage de manière à proposer un portrait, sinon exhaustif, du moins convaincant, de cet individu. « L’idée de récupérer ces photos d’inconnus, confie Zabou Breitman, dans le dossier de presse, et de parier que chaque personne sur Terre mérite qu’on raconte son histoire a germé lentement. Ainsi que l’idée d’un mélange indissociable entre la fiction et le documentaire. Chose que je n’ai jamais vue au cinéma. »
La fiction au service du documentaire
Captivant de bout en bout, le résultat imprévu (car imprévisible) de cet étrange patchwork cinématographique ne laissera personne indifférent. Car à mesure que progresse l’enquête de Vassault et que la fiction de Breitman, mécaniquement, patauge et perd de sa pertinence, le film gagne en intensité. Un paradoxe qui s’explique très simplement par le contraste des deux segments, le documentaire faisant davantage appel à l’imaginaire inconscient du spectateur, à sa nostalgie et à sa mémoire émotionnelle que la fiction, laquelle ne cesse de nous rappeler l’artificialité du cinéma face à la puissance du réel. Pour autant, les séquences scénarisées n’ont rien de superflu, elles occupent un rôle-clef dans le projet : celui de nourrir nos attentes (nos frustrations ?) à l’égard d’une enquête documentaire qui évolue lentement et dont les enjeux, en vérité, ne sont pas si élevés… Il est d’ailleurs intéressant de noter que là où les tentatives de mise en scène, dans À bicyclette !, ne faisaient que desservir le projet initial de Mathias Mlekuz et gênaient l’immersion du spectateur, celles du film de Breitman aboutissent au résultat complètement opposé – c’est à porter à son crédit.
En fin de compte, aussi hasardeux et bancal soit-il, Le Garçon est doté d’un charme fou, celui d’un vieil album photo chargé de souvenirs dont on cherche encore l’écho dans le présent. Souvenirs d’une classe moyenne française et provinciale, relativement insouciante, qui n’a pas encore connu la laideur de notre époque…
4 étoiles sur 5
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4 commentaires
J’aime bien Zabou Breitman. Déja, c’est la fille du créateur de Thierry la Fronde, et de la gentille Isabelle. J’irai sûrement voir son film.
J’irai pas… des élucubrations philosophico-poético-nostalgiques développées sur du rien. L’article, dithyrambique, est par contre extraordinaire: comment peut-on broder autant sur du rien ? bravo!
Si ce film est du même style que « À bicyclette » , je recommande de s’abstenir !
Quand on n’a pas grand chose à raconter d’autre que la vie de tout un chacun, pas la peine d’en faire un film ! Mieux vaut ouvrir ses propres albums de photos !
Sûrement à voir