Bruno Retailleau, le dilemme…

Démissionner, c'est se soumettre à l'Algérie. Se maintenir c'est se risquer aux règles du bilan.
Capture d'écran Public Sénat
Capture d'écran Public Sénat

J'y suis, j'y reste. Bruno Retailleau confirme ne pas démissionner, malgré plusieurs revers dans le dossier algérien. Avec un RN en embuscade, le ministre de l'Intérieur doit prouver que rester à Beauvau peut porter du fruit.

Bruno Retailleau n'est pas dans une situation facile. Il doit faire preuve de fermeté et obtenir des résultats. Sans bilan, un homme politique est fragilisé. Or, la question algérienne se corse, pour le ministre de l'Intérieur. Il laissait entendre, le week-end dernier, que s'il n'obtenait pas les moyens de sa mission, il quitterait le gouvernement. « Si on me demandait de céder sur ce sujet majeur pour la sécurité des Français, évidemment que je le refuserais », disait-il, pour commenter son désir de voir « une riposte graduée » répondre au bras de fer engagé avec Alger.

Alors que la France soumettait, vendredi 14 mars, au gouvernement de M. Tebboune une liste d'une soixantaine de noms d'Algériens illégaux et dangereux, à expulser, l'Algérie annonçait, trois jours plus tard, refuser cette liste. Un camouflet pour Bruno Retailleau qui navigue dans un gouvernement qui le soutient du bout des lèvres, quand il ne remet pas sa ligne en cause. « La fermeté ne parle pas nécessairement fort », lui répondait François Bayrou. Présent à la grande mosquée de Paris, pour la rupture du jeûne du ramadan, le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot déclarait, le mardi 18 mars : « Les millions de nos concitoyens liés d'une manière ou d'une autre à l'Algérie n'ont rien à voir avec les difficultés que nous rencontrons aujourd'hui avec les autorités algériennes. » Comme pour appeler au calme les millions d'Algériens et fils d'Algériens présents en France.

« M. Tebboune, aujourd'hui, n'a qu'une seule chose en tête : ma démission »

Sur Sud Radio, mercredi matin, Bruno Retailleau justifiait sa stratégie de ne pas démissionner du gouvernement pour ne pas donner raison à l'Algérie : « M. Tebboune, aujourd'hui, n'a qu'une seule chose en tête : ma démission. » Insistant sur la « presse algérienne » et « ses articles très agressifs », le ministre de l'Intérieur se refuse à offrir en « cadeau » sa tête au régime algérien.

Pour l'eurodéputé François-Xavier Bellamy, « Bruno Retailleau fait ce qu'il peut dans le contexte parlementaire actuel. Quand nous aurons une majorité, je n'ai aucun doute sur le fait que nous pourrons aller beaucoup plus vite, beaucoup plus fort. » Sur France Inter, il insistait : « Je suis fier que Bruno Retailleau montre que la France cesse de s'écraser. »

Au RN, on dénonce une mascarade

Au Rassemblement national, on dénonce l'immobilisme du Vendéen. « La mascarade a assez duré », s'est exclamé, sur X, le député de l'Yonne Julien Odoul. « Après l'emprisonnement de Boualem Sansal, après le refus de récupérer des ressortissants qui représentent un danger pour notre sécurité, après l'attentat de Mulhouse, il ne s'est rien passé », fustige quant à lui Jordan Bardella.

Il faut dire que dans le dossier algérien, les échecs s'accumulent, pour le ministre de l'Intérieur. Ce dernier ne les prend pas pour sa propre personne, mais les retourne en affronts pour la France. Au risque de paraître inefficace et de donner raison au RN. Mais l'escalade avec Alger est telle, désormais, qu'une démission du ministre de l'Intérieur serait indéniablement perçue comme une victoire pour l'Algérie. Une situation impossible qui n'a pas échappé à Laurent Wauquiez, jouant la carte du camarade solidaire, qui invitait son rival pour la présidence des Républicains à démissionner. Il déclarait, mardi, au Figaro : « Le seul levier, c’est la dénonciation des accords de 1968. Le reste, c’est de l’agitation. Si le président de la République refuse de les dénoncer, rester au ministère de l’Intérieur n’a pas de sens.» Instinctivement, on se demande pourquoi le gouvernement Sarkozy auquel appartenait le député de Haute-Loire n'a pas remis en cause les accords de 68. Certainement parce qu'il y a 15 ans, tout allait bien avec l'Algérie.

Bruno Retailleau, qui est devenu en quelques mois l'épicentre de la droite, est obligé de tenir son cap, « agir pour protéger les Français ». Sans lui, le gouvernement Bayrou sombre ; avec lui, le RN bisque face à un discours d'ordre et de fermeté. Le dossier algérien : épreuve de vérité ?

Picture of Yves-Marie Sévillia
Yves-Marie Sévillia
Journaliste chez Boulevard Voltaire

Vos commentaires

67 commentaires

  1. Il me semble que M. Retailleau a deux fers au feu. Une subtilité à l’Intérieur et une résolution à l’extérieur vis à vis de l’Algérie rebellle. On ne le verrait reculer que par une couardise macroniste de plus, apportant là la preuve de la peur institutionnalisée d’un régime à bout de souffle. M. Tebboune appelle à la démission de Retailleau, comme s’il avait voix au chapitre. Il n’a que les clefs de la prison dans laquelle il a enfermé Sansal en même temps que son système diplomatique FLN sans issue rationnelle. Si tout se « corsait » où serait le mal ? A la fin, « il faut que le coeur se brise ou se brouze », écrivait Chamfort.

  2. Les Algériens sur le sol français qui affichent clairement leur mépris pour notre pays doivent comprendre qu’ils ne sont plus les bienvenus. La guerre d’Algérie est encore une plaie ouverte. Si nous ne la cautérisons pas maintenant, nous n’y arriverons jamais. Il faut accepter la situation telle qu’elle est et prendre les mesures qui s’imposent quitte à ce qu’il y ait des rebellions ici ou là. Repousser ces tensions inlassablement nous mène tout droit vers une guerre civile. Il faut agir même dans la douleur pour que flotte résolument un seul et unique drapeau : celui arborant nos couleurs bleu, blanc, rouge.

  3. « le ministre de l’Intérieur se refuse à offrir en « cadeau » sa tête au régime algérien. » Je ris, cette remarque est une marque de faiblesse. Il devrait se foutre royalement de ce que pense Tebounne. C’est à la France qu’il devrait penser. Ça confirme ce que je pense de lui et écrit ici et ailleurs, paroles, paroles, toujours des paroles. Comme son patron, finalement. Déplorable

  4. Il serait temps que le « Dossier Algérien » soit une épreuve de vérité ! Que lui faut t’il de plus à notre Gouvernance?

  5. On devrait oublier l’Algérie, arrêter de parler de l’Algérie matin midi et soir, supprimer en douce toutes les aides, soins et privilèges accordées à l’Algérie et aux Algériens, s’empresser de délocaliser les centres de rétentions, les prisons et les OQTF. Et tout rentrerait rapidement dans l’ordre sans coûter un pognon de dingue au contribuable spolié. Au contraire, efficacité et économies seraient au rendez-vous.

  6. C’est faux, la démission de Retailleau vu comme une victoire de Tebboune ? Mais non, au contraire cette démission risque de se retourner contre lui. Démission de Retailleau entrainera certainement une chute du gouvernement Bayrou. Macron se trouvant devant une impasse risque soit de partir soit de rester impuissant jusqu’à une probable dissolution en juin ou juillet et là le RN entrera en scène .

    • La macronie est une traîtrise en soi, traître à elle-même, si tant est qu’elle soit fondée. Ne confondez pas ceux qui ont rallié la macronie, ceux qui lui ont souri et au contraire ceux qui n’en ont cure mais n’ont eu d’autre choix, en souhaitant sa fin, que d’oeuver à accomplir ce qui peut encore être sauvé de la France.

  7. Dilemme pour Retailleau ? Je n’en vois pas. Sa seule voie, appliquer sa démarche en forçant le trait. Ainsi , conduire Bayrou et Macron à afficher leurs responsabilités dans cette affaire. Pour le moment , ce sont des lettres mortes. C’est B. Retailleau qui prend les coups. A forcer le trait, il obligerait Bayrou et Macron à se démasquer voire à demander sa démission. Il serait sauf dans l’honneur. Il ne doit surtout pas rester entre deux eaux. Ce qu’il engage actuellement à petits pas hésitants. Il doit foncer.

  8. C’est bien gentil d’entendre RN en général et Julien Odoul en particulier taper, matin, midi et soir sur Bruno Retailleau, mais pourquoi ont-ils refusé une place de premier ministre et former un gouvernement, après la dissolution ? Un proverbe dit :  » la critique est aisée, l’art difficile » ; Alors auraient-ils fait mieux ?

  9. Vous connaissez la chanson d’Annie Cordy :  » J’voudrais ben… Mais j’peux point… » Retailleau est en train de perdre ce qu’il avait un peu gagné. En mettant sa démission en jeu, puis en avançant une raison « capillotractée » pour ne pas le faire : « ça ferait trop plaisir à monsieur Tebboune », il montre son inefficacité. Puisqu’il constate qu’il ne peut rien faire et qu’il n’est pas dans la ligne du gouvernement auquel il appartient, il doit en tirer les conclusions… Hélas il montre que le fauteuil est plus important pour lui que le résultat.

  10. retailleau na jamais eu l intention de lutter contre l immigration , contre l insécurité ni contre l accord de 1968 dont les partis politiques dont il était très proches se sont parfaitement accomodés.RPR, UMP, LR n ont ja mais rien fait en ce sens et cela n a jamais troublé retailleau…
    souvenons nous de retailleau disant « aucune voix ne doit aller a marine le pen » favorisant ainsi le victoire de macron , et, « je ne pourrai jamais etre le ministre de macron » si on ajoute a cela les conditions dans lesquelles il a pris le siège de villiers en vendée on est renseigné sur la qualité du personnage…

    • M. Retailleau n’est pas le ministre de Macron, il est ministre de l’Intérieur et si le Premier ministre lui dit : « tais-toi », il se lève et Bayrou le rattrape par la manche droite : « je voulais dire assieds-toi ».

  11. C’est une évidence nos hommes politiques du gouvernement Bayou sont des petits garçons face à l’Algerie vous allez voir ce que vous allez voir et plus plouf plus rien,dèsolent.

  12. B. Retailleau ; surtout ne pas démissionner ,pour ne pas donner raison au pays ennemi qu’ est l’ Algérie , mais insister pour que Macron démissionne .

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

Il faut faire des confettis avec le cordon sanitaire
Gabrielle Cluzel sur CNews

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois