Au Louvre, une exception très française : le mépris affiché du public

L’objectif n’a jamais été de donner le goût de la culture mais de transformer les musées en galeries marchandes.
PYRAMIDE DU LOUVRE

Une affaire vous appelle à Paris. Vous sautez dans le train. Il vous reste quelques heures pour flâner avant de repartir, alors vous décidez d’aller au Louvre voir l’exposition « Naples à Paris ».

Le musée est fermé le mardi. On est jeudi, ça tombe bien. Ou mal… car, vieille habitude, vous êtes descendu par le Carrousel pour éviter l’interminable queue en surface et, hélas pour vous, vous n’avez pas réservé. Mais voilà, il est quasi impossible, aujourd’hui, de s’offrir une visite inopinée dans un musée. Donc, passage obligatoire par la grande pyramide et sa file labyrinthique.

Les chefs-d’œuvre du musée de Capodimonte sont répartis dans plusieurs salles. Discipliné, vous voulez les prendre dans l’ordre. Premier contrôle, direction le pavillon de Sully. Vous grimpez les volées de marches – les ascenseurs sont en panne – et puis… et puis rien : les salles sont fermées. « Elles ouvriront peut-être à 10 heures, dit un brave gardien, en attendant, vous pouvez aller voir au pavillon Denon, c’est peut-être ouvert. Vous redescendez, c’est à gauche. »

Vous redescendez donc, croisez ceux qui, ahanant, n’ont pas encore atteint le premier niveau. Re-queue, re-contrôle. C’est la foule des groupes qui « font l’Europe en trois jours » et se pressent pour aller dire bonjour à Mona Lisa. La montée des marches vers la Victoire de Samothrace est, pour beaucoup, un calvaire. Car là aussi, les ascenseurs sont en panne. On se demande combien de ces touristes obèses ne finiront pas la journée…

Enfin, vous voilà dans la grande galerie de la Renaissance italienne, Vinci sur la gauche. Bonjour à La Belle Ferronnière. Ça grouille de monde, et plus vous avancez, plus tout ce monde se tasse.

C’est fini. Personne ne verra la Mona Lisa de Léonard et vous ne verrez pas les trésors de Naples. Des cordons ont été tendus en travers de la galerie et le personnel vous montre la sortie. Le troupeau de veaux obtempère. Il n’y a que vous pour poser la question : pourquoi ne peut-on pas voir l’exposition pour laquelle on est venu au Louvre ? Réponse : « Parce qu’il y a une réunion » (sic).

C’est là, quelque part, dans une salle, et tant pis pour le public qui a payé son ticket d’entrée 15 euros (17 euros pour la réservation en ligne). En 2022, le musée a reçu 7,2 millions de visiteurs. En 2018, ils étaient plus de 10 millions. Faites le compte.

Après enquête auprès du musée, on apprend qu’il s’agissait d’une assemblée générale du personnel. Confidence d’une titulaire de la carte des Amis du Louvre : « Les AG à 9 heures et qui durent ne sont pas rares. Ils se moquent du public ! La France va finir par payer cette gabegie… »

Comme tous les musées nationaux, le Louvre est fermé au public le mardi. Pourquoi, alors, les réunions en question n’ont-elles pas lieu le mardi ? « Parce que c’est pas facile » (re-sic), répond le service de com'. Tout cela témoigne d’un mépris total du public, tout juste bon à dépenser son argent dans les innombrables boutiques qui jalonnent le parcours et qui, elles, ne sont jamais fermées.

En route pour l’avènement de l'Homo festivus, comme l’avait si brillamment décrit Philippe Muray, Jack Lang et sa clique nous ont rebattu les oreilles de « la démocratisation de la culture ». Les Français, à les entendre, rêvaient tous de l’opéra et du musée. Il fallait les y traîner en rang par deux au prétexte qu’en chacun de nous sommeille un Vinci ou un Mozart. C’est une tartufferie de plus. L’objectif n’a jamais été de donner aux gens le goût de la culture et le désir de se cultiver mais bien d’offrir au consumérisme un joli vernis culturel, autrement dit de transformer les musées en galeries marchandes. Alors, pas besoin de prévenir le public que les salles sont fermées car ceux qui, ce jeudi matin, n’ont pu voir la Mona Lisa comme on voit la tour Eiffel l’auront achetée en tablier de cuisine, en magnet ou en mug.

La vérité, c’est qu’entre le Louvre et la tour Eiffel il n’y a pour différence que les vendeurs à la sauvette…

Picture of Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

Vos commentaires

28 commentaires

  1. Le service public est mourant la culture s’effrite comme un vieux mur !!!
    pour visiter un des plus grand Musée du monde il faut réserver 1 à 2 mois avant et encore avec un peut de chance les portes seront ouvertes vers quelques salles peu intéressante et vous aurait attendu , payer l’entrée et vous êtes déplacer pour rien voir !!! Mais peut être aurait vous le temps d’aller voir le Musée synthétique du Quai Branly avant de rejoindre la gare !!!

  2. Fichtre, notre Jack Lang national aurait échoué dans son beau projet de démocratisation de la Culture ! Certes, comme le narre l’auteur de cet article, tenter sa chance de parfaire son instruction artistique à la Pyramide du Grand Louvre est une gageure MAIS, il est un autre pan de l’œuvre du grand Jack auquel tout un chacun peut goûter avec délice, ce sont ces fresques affreuses qui ornent les bâtiments de France, je veux dire ces tags qui devraient aussi orner les vitrages de la Pyramide ! Point de billet à acheter pour rien, c’est gratuit…

  3. Merci ! Vous avez bien raison d’évoquer ce « détail » de la vie en France. Dans les dîners en ville d’un public de retraités CSP+, si vous parlez d’insécurité, d’injustice, de défaut de santé publique, d’irresponsabilité gouvernementale, d’immigration sauvage, d’abus de pouvoir européistes… on vous dit stop! Et si vous parlez de désaffection pour la culture et le savoir, et de destruction de notre civilisation, on vous dit encore stop … Mais si à votre tour vous demandez , bon! mais alors qu’est ce qui va bien en France ? On vous répond : Mais tu n’es pas bien ici ce soir ?! Et ils votent Macron ! Le déni et l’aveuglement des méfaits de la gauche associée à la macronie nous tuent, et ceux qui osent critiquer en toute objectivité sont traités de tous les noms… Quelle horreur que la France d’aujourd’hui !

  4. L’exception à la française c’est son statut de la fonction publique, des agents intouchables, irresponsables et endoctrinés par des syndicats gauchistes face à un état impuissant. Il faut réduire le statut de fonctionnaire aux seuls agents régaliens, tout le reste devrait être géré comme le dans le privé, il suffit de regarder les contrôleurs aériens français, qui malgré des salaires mirobolants et des avantages déraisonnables continuent à mettre en péril le trafic aérien européen. Un des premiers actes de Reagan avait été de licencier les contrôleurs et de les faire embaucher sous un statut privé depuis plus de souci, il mais pour cela faut du courage politique.

    • Absolument vrai ! Mais la pléthore de fonctionnaires, masculins comme féminins, a été « inventée » après 1974 , le choc pétrolier et le chômage galopant, pour continuer à faire fonctionner la machine à consommer à tout va, grâce à l' »argent magique » , pour le bénéfice d’un très petit nombres de  » grands » commerçants- banquiers..

  5. Il n’y a pas qu’au Louvre où les réunions de personnel se font pendant les horaires de visite, au grand mépris du public qui a payé : dans les écoles publiques, les réunions de professeurs se font bien pendant les heures de cours, ce qui prive les élèves de nombreuses heures de cours. Ils pourraient les faire le mercredi me direz-vous ? Ah oui, mais le mercredi, les professeurs ne travaillent pas, comme les élèves…

  6. Excellent article,brillant,enlevé…Utile ! J’ai bien souri et bien réfléchi aussi ! Vous avez du talent ,Madame.Merci de nous en faire profiter.

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