Après la visite de Macron à Marseille, le directeur de la rédaction de La Provence mis à pied

On peut s’étonner de voir de telles pratiques avoir cours, au moment où se tiennent les États généraux de l'information
la provence

L’indignation s’étend dans la profession. Après la grève illimitée, votée ce vendredi 22 mars par les journalistes du quotidien régional La Provence, c’est au tour de leurs confrères de La Tribune, autre propriété du milliardaire franco-libanais Rodolphe Saadé, de désembrayer. Les élus syndicaux des médias d’Altice – en passe d’être rachetés par le même Saadé – ont publié un communiqué pour afficher leur soutien au mouvement. Ils appellent à « un rassemblement symbolique […] ce lundi à 10 heures pour défendre la liberté d’informer ». En cause, la mise à pied du directeur de la rédaction de La Provence, Aurélien Viers.


Une « Une » qui ne passe pas

Cette sanction prise par la direction du journal fait suite au mécontentement quant à une « une » jugée trop anti-Macron, après la visite éclair du chef de l’État, le 19 mars, dans le quartier de la Castellane à Marseille, pour une opération de communication sur la lutte antidrogue. « Il est parti et nous, on est toujours là… », pouvait-on lire en première page du journal. Une couverture dont se seraient émus certains lecteurs, selon le directeur général du quotidien qui a publié un mot d’excuse dans l’édition de vendredi : « La citation en une et la photo d’illustration qui l’accompagnait ont pu laisser croire que nous donnions complaisamment la parole à des trafiquants de drogue décidés à narguer l’autorité publique, ce qui ne reflète en rien les valeurs et la ligne éditoriale de votre journal. Nous avons induit en erreur nos lecteurs et La Provence leur présente ses plus profondes excuses. »


Les dirigeants ne se sont pas arrêtés à ce rectificatif, puisqu’a été annoncée dans la foulée la « mise en retrait » de Aurélien Viers pour une semaine, dans l’attente d’un entretien préalable à un licenciement qui devrait se tenir vendredi prochain.

La défiance de la rédaction

Après avoir été réunie en assemblée générale, ce vendredi 22 mars, la rédaction de La Provence a voté à une très grande majorité (79 %) la motion de défiance proposée par l'intersyndicale SNJ, CFE CGC et CFDT envers la direction générale de La Provence. « À l’heure où la CMA CGM entend construire un pôle média d’envergure nationale, cette "affaire" laisse augurer le pire », écrit la rédaction de La Provence. Surtout, les journalistes s’interrogent sur l’origine des plaintes qu’aurait reçues le journal à la suite de sa une polémique. « Qui sont ces lecteurs offusqués par cette une ? […] De son côté, la rédaction n’a eu strictement aucun retour : ni sur le formulaire en ligne, ni par téléphone, ni sur les réseaux, hormis quelques élus locaux et représentants politiques de la majorité présidentielle. »
Il se trouve, en effet, qu’un certain Christophe Madrolle, conseiller régional proche de la Macronie, a vivement critiqué la une en question, la qualifiant de « bras d’honneur à la République ». L’élu aurait été jusqu’à signaler cette couverture au ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et, selon Le Monde, en aurait discuté par texto avec Emmanuel Macron lui-même…

L’ombre du milliardaire Rodolphe Saadé

Le courroux présidentiel est-il à l’origine de la mise à pied du directeur de la rédaction de La Provence ? Pour beaucoup, l’intervention de Rodolphe Saadé, propriétaire du groupe de presse et réputé proche de Macron, ne fait aucun doute. « Le 19 mars, interrogé sur l’indépendance éditoriale par les élus du CSE d’Altice Media – groupe qu’il compte racheter -, Rodolphe Saadé avait pourtant assuré n’être "pas interventionniste sur la ligne éditoriale", dénoncent les employés du groupe Altice. Cet engagement aura duré à peine 48 heures. » De son côté, Gabriel d'Harcourt, directeur de la publication du quotidien, réfute toute pression politique.

En tout cas, sans aller jusqu’à tirer des conclusions définitives, on peut tout de même s’étonner de voir de telles pratiques managériales avoir cours au moment précis où se tiennent les États généraux de l’information. Promesse de campagne du candidat Emmanuel Macron, ce grand chantier avait notamment pour objet de « protéger l’information libre face aux ingérences »… Il y a, manifestement, encore du boulot.

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Jean Kast
Journaliste indépendant, culture et société

Vos commentaires

61 commentaires

  1. C’est toute la vérité de notre pauvre France dirigée par un pantin, encore quelques mois a supporter ce type j’espère bien que dans sa sagesse la justice s’intéressera a ces dix de quinquennats il y a trop de choses louches qui ont impacté la vie des français et particulièrement notre dette qui est en montée en flèche . Toutes nos infrastructures sont dans le rouge les investissements pour entretenir notre patrimoine est bouffé par la dette , bientôt nous vendrons Versailles ou Blois car nous sommes en liquidation judiciaire comme l’est notre patrimoine industriel.

  2. Il n’y a pas de quoi s’étonner il y a aussi des journaux très bien qui censurent aussi leurs lecteurs

  3. Le verrouillage de l’information par le gouvernement n’est pas une nouveauté, et encore moins une nouvelle. On ne va pas pleurer quand un chien de garde se fait punir par son maître. Au suivant!

  4. la puissance financière internationale est à l’origine du pouvoir et le peuple français que devient-il ? que fait-on de la devise Liberté Egalité Fraternité

  5. La Provence s’appelle maintenant la PRAVDA, son directeur part au goulag….!
    On ne badine pas en « démocratie » Française, grande donneuse de leçons….

  6. Surpris !!! pas exactement, sachant l’appui inconditionnel de M. Macron pour la reprise par son ami , le patron de la multinationale CMA CGM , M. Saadé , comment ne pas y voir une intervention de ce dernier dans la ligne éditoriale de cette presse. L’hydre macroniste va s’étendre sur les médias , prenez garde petits comme gros poissons étourdis à ne pas vous faire gober!!!

  7. En Macronie, il ne fait pas bon critiquer l’action et surtout l’inaction du gouvernement. Cette liberté d’expression à sens unique souligne bien l’accointance de Renaissance avec l’extrême gauche.

  8. Habile, dirait OSS127. Mais classique. Transformer une dénonciation en complicité ! Mais par quelle faiblesse, mon Dieu, n’ont-ils pas argumenté plutôt que de s’excuser ?

  9. Comme dit Verlaine  » ça promet »!
    Sanction pour avoir dit la vérité…dans son propre camp !
    Qu’est-ce qu’on attend pour le virer ? Où sont les oppositions ???

  10. Ce dont je peux témoigner , en tant qu’abonné de longue date de ce Journal , c’est qu’il s’était fortement dégradé avant son rachat par le Transporteur-Armateur « Saadé » . Depuis ce rachat , alors que le dynamisme et l’efficacité de son Service Publicités ne fait aucun doute , il n’en est pas de même de son « contenu journalistique » , c’est le moins que je puisse dire . La plus grande partie des « Nouvelles » étant des reprises de l’AFP , sans intérêts , archi-vues et revues par ailleurs ! La partie du traitement des informations « Régionales » , raison d’être principale de ce Quotidien nommé « La Provence » , est souvent titrée et écrite en « charabia » , en aucun cas en Provençal , en « Marseillais » quelquefois , mais pas du style « Patrick Bosso » , si vous voyez ce que je veux dire ! Quasiment pas d’Éditorialiste , ou au mieux , « édito » aussi transparent et de mauvais goût que le Pouvoir Politique actuel , c’est dire que nous sommes très loin de l’époque de Gabriel Domenech et du « Méridional » ! Quand j’écris ça , il me revient une réflexion de Michel Polack , qui lui avait valu sa mise à pied de TF1 , alors qu’il avait qualifié cette chaine qui l’employait de « Télévision de Maçons » , à mon échelle , je ne peux m’empêcher de qualifier la Provence , dont je ne suis qu’un lecteur , de « Journal de Transporteur » ! Dans mon cas c’est moins risqué que cela pouvait l’être pour Michel Polack , au pire je trouverais mon avantage en me désabonnant …………. c’est aussi simple que ça !

  11. Macron fait toujours l’inverse de ce qu’il dit . Rien de nouveau sous le soleil de l’Elysée .

  12. Il faut museler ceux qui sonnent le tocsin, c’est plus facile que de s’en prendre aux vrais problèmes mais ça se voit de plus en plus, même à gauche.
    A noter que les habitants victimes des trafics sont toujours là aussi et ressentent de l’abandon. C’est comme ça que j’avais compris cette une.

  13. Mais c’est Cnews qui est dans le collimateur ! De plus en plus inquiétant, lentement mais sûrement notre démocratie dérive.

  14. cette une du journal la Provence est tellement vraie, pourquoi licencier quand on dit la vérité ?

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