[ANIMAUX] Contre deux sangliers sauvés, la Justice donne toute sa mesure

Cindy raconte à BV la situation ubuesque où la Justice la place, elle et ses sangliers confisqués.
Cindy en compagnie de Mimi et Pumba © D.R.
Cindy en compagnie de Mimi et Pumba © D.R.

Encore une histoire de sangliers rescapés ? Oui, et encore une réponse administrative et judiciaire inacceptable par sa dureté, les tracasseries qu’elle génère, comme dans l’affaire de Rillette. De plus, cette affaire aboutit à une situation des plus absurdes.

Nous sommes à La Ferté-Saint-Aubin, au sud d’Orléans. Fin mai 2022, après une chasse qui laisse cinq marcassins orphelins, Cindy Pinon et Nicolas Braconnier recueillent ces petits qui, sans leur intervention, sont voués à la mort. Deux survivent : Mimi, une laie, et Pumba, un marcassin. Jointe par BV, Cindy témoigne. « Nous les avons élevés à la maison. Les première semaines, biberons toutes les trois heures, même la nuit - comme pour un enfant ! »

Dans cet environnement favorable, Mimi et Pumba grandissent. Il faut s’adapter. « En regardant les parcs pour cochons sur Internet, nous leur avons installé un parc d’un hectare, une parcelle boisée que nous avons grillagée, pour reproduire au mieux leur environnement naturel. » On le voit, le jeune couple n’a pas fait n’importe quoi et n’a pas considéré les deux rescapés comme des peluches.

Dénoncés à l’OFB

C’était sans compter sans la méchanceté vicinale. « Un an après, on a été balancés par des voisins. Cela fonctionne souvent ainsi », témoigne Cindy, fataliste. La dénonciation déclenche une véritable opération commando de l’Office français de la biodiversité (OFB). « Les agents arrivent armés, en tenue de camouflage. S’en sont suivies auditions, perquisitions, jusqu’à la saisie de Mimi et Pumba un mois après, le 30 mai 2023. » Les animaux sont envoyés dans le parc animalier de Grimbosq, près de Caen.

Désireux de se conformer à la loi et de retrouver Mimi et Pumba, Cindy et Nicolas entament les démarches pour obtenir la capacité de détention. Ils remplissent des dossiers, rehaussent les clôtures, créent un sas de quarantaine, investissent dans une cage de contention… « Nous avons répondu à chacune des exigences et, finalement, obtenu ce droit d’ouverture de refuge pour deux sangliers, le 27 septembre 2024. »

« L’objet du larcin »

Alors, me direz-vous, beaucoup de bruit pour rien ! Ils ont obtenu le statut désiré et l’administration leur a rendu Mimi et Pumba ? Eh bien, non. Condamnés à des amendes pour n’avoir pas déclaré les animaux - ce qui est compréhensible -, Cindy et Nicolas ne peuvent récupérer Mimi et Pumba — ce qui ne l’est pas du tout. « S’agissant [de] la peine complémentaire de confiscation des sangliers, dit le jugement, la cour estime qu’au regard des enjeux environnementaux déjà mentionnés, et pour décourager les cas d’élevage irréguliers de sangliers qui sont en augmentation, cette peine complémentaire de confiscation de l’objet de l’infraction est justifiée et proportionnée. »

« On ne rend pas l’objet du larcin à un voleur », leur a commenté, officieusement, un agent de l’OFB à la retraite. « On parle d’animaux vivants, là, rétorque Cindy, pas d'objets ou de bijoux… Et je ne me suis pas levée un matin en me disant, "tiens, je vais aller chercher des sangliers dans la forêt". C’était du pur sauvetage. Sinon, ils seraient morts. »

Ubu magistrat

Donc - on se pince la couenne pour y croire -, la décision préfectorale et la décision de justice aboutissent à cette absurdité : Cindy et Nicolas ont le droit d’avoir deux sangliers, mais pas les deux pour lesquels ils se sont battus. Cindy peut aller les voir à Grimbosq (800 kilomètres aller-retour), mais on lui a fait comprendre qu’elle n’y est pas la bienvenue.

Désormais, le couple se pourvoit en cassation. Cindy et Nicolas ne sont pas procéduriers de nature mais utiliseront tous les recours possibles, dans un contexte difficile puisque l’arrêté réglant ces questions est en passe de se durcir. « J’aurai deux sangliers quoi qu’il en soit, affirme Cindy. Deux sangliers licites, passés par un centre de faune sauvage. Mais l’idée première, évidemment, était de retrouver Mimi et Pumba… »

Car des liens ont été créés, que tous ceux qui ont des animaux peuvent imaginer. « Les sangliers sont plus dociles qu’un chien ! nous dit Cindy. On véhicule le cliché du gros sanglier hargneux et qui bouffe n’importe quoi… alors qu’ils sont mignons et adorables, délicats! » Si les agents de l’administration et les magistrats pouvaient leur ressembler… la vie des Français serait plus simple.

Cindy peut théoriquement ouvrir un refuge pour ses animaux...

... mais la justice refuse de les lui rendre.

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Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

58 commentaires

  1. Ce pays sombre et beaucoup de gens ne pensent qu’à dénoncer, agresser leur voisin aidés en cela par une nomenclatura toute puissante et surtout sourde à l’intelligence, comme si ces sangliers pouvaient causer des dégâts au regard de ce que nous vivons….

  2. Bon…est-ce fait exprès ? Nicolas porte un drôle de nom pour l’occasion…confusion des genres par la Justice ?

  3. Balancés par les voisins, on voit déjà l’éthique de ces gens …..
    Je ne vois pas en quoi avoir des sangliers que l’on a élevé alors qu’ils étaient petits peut gêner ?
    Les tribunaux devraient s’occuper d’affaires plus importantes non ? Ce pays va vraiment mal

  4. Faut arrêter, les bisounours.
    Un sanglier est un animal sauvage, pas un animal de compagnie.
    Hé bien oui, il est interdit d’élever un animal sauvage, c’est comme ça et c’est bien.
    Sinon, la porte est officiellement ouverte à tous les excès que l’on constate: Gorille, lion, tigre …..

  5. Sympa et un peu navrant.. 1) A ma connaissance les laies sont les seules femelles qui recueillent la progéniture de mères abattues. 2) Cette interdiction de recueillir des animaux sauvages vise à éviter tout risque d’épizootie (Bonjour les dégâts aux élevages).
    (*) Au passage c’est une horreur de tirer volontairement une laie suitée. J’ai eu l’occasion de répondre à un officiel d’une battue administrative en lui disant que je n’étais pas venu pour faire des orphelins.

  6. Moi, les sangliers, je les consomme en civet et en paté. Ce bisounoursisme confine à la bêtise.

  7. sans prendre parti sur cette affaire il faut se rappeler qu un sanglier ou une laie qui peut peser plus de120 kgs a l age adulte reste un animal sauvage dont les colères peuvent etre extrèmement dangereuses….
    cela dit la justice Française et l OFB sont conformes a ce qu on attend d eux….arrogants avec les humbles et humbles avec les arrogants…
    l attitude de très nombreux agent s de l OFB particulièrement attentifs au respect des règlements quand ils controlent un chasseur de 85 ans qui n a pas bien fermé la housse ou se trouve son fusil mais bizarrement absents quand certains « gens du voyage braconnent est assez éclairante a ce sujet…

  8. Toute cette histoire pour des sangliers ! D’un côté, La justice a autre chose à faire et de l’autre, les sangliers sont en surpopulation et dévastent les champs, une régulation par l’homme est impérative. Ils auraient dû être tués ou castrés.

  9. La Justice est impitoyable avec les braves gens et d’une répugnante faiblesse avec les racailles. Cette administration compense avec les honnêtes gens de la trouille qu’ils ont des malfrats! La Macronie, c’est l’éloge de la lâcheté!

  10. Leur avocat est bien sur plus au fait des choses que moi, mais en appel j’argumenterais parce que c’est reconnu et certainement écrit quelque part dans la loi, que les animaux ont une sensibilité et qu’ a cet égard être éloigné de leur sauveur leur crée un traumatisme et que ça leur est préjudiciable, on voit des défenses bien plus fantaisistes. Comme maintenant ils remplissent les conditions pour en avoir la garde, je pense qu’un autre juge pourrait avoir une sensibilité différente.

  11. Quand on est capable d’imaginer un « mur des cons », que peut on attendre de ces juges ?

  12. Il faut laisser les sangliers dans la nature et c’est tout. C’est la nature qui fera le tri, éliminera les plus faibles et produira des animaux plus résistants. Si tout le monde commence à recueillir n’importe quels animaux, sous tel ou tel prétexte, c’est du n’importe quoi.

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