À Rome, Marine Le Pen somme Giorgia Meloni de s’expliquer sur sa stratégie électorale

Ce message de Marine Le Pen,a créé quelques remous au sein de la coalition gouvernementale italienne.
meloni

Le week-end dernier se tenait, à Rome, le lancement de la campagne électorale de Matteo Salvini, « Winds of change », qui a réuni de nombreux parlementaires du groupe Identité et Démocratie. Étaient présents, entre autres, Gerolf Annemans, membre du Vlaams Belang (Belgique), Harald Vilimsky, chef de la délégation du FPÖ autrichien au Parlement européen, des membres du Rassemblement national, dont la très active Virginie Joron, André Ventura, le leader de Chega, qui fut accueilli chaleureusement. En guest star (mais en vidéo), Marine Le Pen, dont le parti risque, au soir du 9 juin, de disputer avec la CDU-CSU allemande (PPE) la place de premier parti d’Europe en termes de voix, les sondages lui prédisant un score voisin de 30 %.

L'apostrophe de Marine Le Pen à Giorgia Meloni

Lors d’un message retransmis en vidéo, Marine Le Pen a apostrophé Giorgia Meloni, la sommant de s’expliquer sur un soutien éventuel à la re-candidature d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission. « Chers amis italiens, la démocratie, ce n’est pas seulement mettre un bout de papier dans une urne en plastique ; la démocratie, c’est savoir précisément ce que vont faire et ce que vont décider ceux pour qui vous votez. Et moi, j’ai une vraie question, poursuit-elle, une vraie question, pas aux Italiens, une vraie question à la Première ministre des Italiens : Giorgia, oui ,parce qu’on s’est connues dans un autre temps, rappelle-t-elle, sourire en coin, madame la Première ministre, allez-vous, oui ou non, soutenir un second mandat de madame von der Leyen ? Moi, je crois que oui, et vous allez ainsi aggraver les politiques dont souffrent terriblement les peuples d’Europe. Vous devez la vérité aux Italiens, vous devez dire ce que vous allez faire. »

https://twitter.com/IDParty_/status/1771556793207885887

Concluant la manifestation, Matteo Salvini s’est empressé d'ajouter : « Chez Giorgia, j’ai trouvé non seulement une alliée mais aussi une amie. Certes, entre amis, de temps en temps, il y a des points de vue différents. Je réponds là directement au message de Marine Le Pen, je ne l’avais pas vu. Marine est une femme loyale, courageuse, amie des moments de victoires comme des moments difficiles. » Tout en précisant que « les Italiens qui choisiront la Ligue ne choisiront jamais un autre mandat pour Ursula von der Leyen, un autre mandat pour les socialistes, avec la gauche. Il me paraît difficile que ce soit la même équipe qui a fait tant d’erreurs qui soit celle qui les corrige. »

Un signal fort à tous les futurs députés européens

Quel était le but poursuivi par Marine Le Pen, à travers ce message ? « Nous sommes en pleine campagne électorale et nous voyons, depuis plusieurs mois, des signaux de Giorgia Meloni qui sont plutôt favorables à la politique de madame von der Leyen, sur le sujet de l’Ukraine, sur tous les sujets, ai-je envie de dire », explique, à BV, la députée européenne RN Virginie Joron. « Il nous semblait important qu’elle clarifie ses intentions », poursuit-elle, rappelant que le groupe ECR - et notamment le PiS polonais - avait voté pour Ursula von der Leyen, il y a cinq ans.

Si cette question rhétorique de Marine Le Pen s’adressait à Giorgia Meloni, c’est aussi un signal envoyé à tous les actuels et futurs députés européens qui ne siègent, aujourd’hui, dans aucun groupe. En effet, les derniers sondages prédisent une forte poussée des groupes Identité et Démocratie mais aussi ECR (le groupe de Fratelli d’Italia, le parti de Giorgia Meloni), mais prédisent également une majorité parlementaire similaire à celle de l’actuel Parlement, à savoir une alliance PPE-Renew et socialistes. Sauf que ces sondages ne prennent pas en compte la poussée de Chega, le parti patriote du portugais André Ventura dont, nous dit Virginie Joron, on attend « une très belle progression, et c’est sûr qu’ils vont intégrer notre groupe ».

Reste, également, l’inconnue Orbán, qui s’est rapproché du groupe ECR, ces derniers mois, sans franchir le pas de l’adhésion, et qui est également courtisé par ID… et qui n’entretient pas les meilleurs rapports avec Ursula von der Leyen. Considérant cela, les paroles de Marine Le Pen prennent une saveur particulière.

Enfin, on ne peut éluder les divergences de Marine Le Pen avec sa nièce dont le parti, Reconquête, vient d’entrer dans le giron des Conservateurs et Réformateurs européens (ECR) dont le parti phare est, pour l’heure, celui de Giorgia Meloni, pour expliquer le ton de ce message diffusé à Rome.

La coalition italienne bousculée

En tout état de cause, ce message de Marine Le Pen, qui se voulait également une manifestation de soutien envers la Ligue de Matteo Salvini, a créé quelques remous au sein de la coalition gouvernementale italienne. Nicola Procaccini, proche de Giorgia Meloni et très actif au Parlement européen, pointe, de la part de Salvini, « l’erreur de ne pas avoir pris ses distances » avec cette attaque frontale vis-à-vis de Giorgia Meloni, quand Carlo Fidanza, chef de la délégation FDI au Parlement européen, regrette, dans les colonnes de La Stampa, « des messages non positifs de la part de Salvini. J’ai été surpris, ajoute-t-il, que la manifestation d’ID ait été surtout l’occasion de se démarquer de nous et d’attaquer Giorgia. »

Cette dernière, bien que fort irritée par cette séquence, n’a pas voulu s’exprimer à chaud sur le sujet mais a cependant tenu à préciser : « Nous sommes tous en campagne électorale et les campagnes électorales, je les comprends. Mais nous diviser est la seule faveur que nous puissions faire à gauche [...] Tout le monde sait, en Italie et à l’étranger, que s’il y a une personne qui n’a jamais gouverné et qui ne gouvernera jamais avec la gauche, c’est moi. […] Ma stratégie est connue et je présume qu’elle est partagée par toutes les forces de la coalition : apporter une majorité de centre droit également en Europe. »

Elle ne faisait que rappeler ce qu’elle avait dit vendredi, à la sortie d’un sommet à Bruxelles, lorsqu’un journaliste lui demandait si elle soutenait un bis d’Ursula : « C’est un débat qui vous passionne, moi non. Moi, je suis de cette catégorie de politiques qui attendent le vote des Italiens avant de décider qui doit faire quoi », tout en précisant : « Ce qui m’intéresse, c’est "pour quoi faire ?" C’est-à-dire Urssula von der Leyen ou qui que ce soit d’autre, la question est "quelle est l’Europe que l’on veut bâtir ?" »

Paroles de campagne, tensions entre alliés de ce gouvernement italien d’union des droites, le message de Marine Le Pen n’est pas passé inaperçu : selon Virginie Joron, la dirigeante du RN « n’a pas voulu mettre la zizanie dans le gouvernement, mais ce qu’elle a dit a du sens, ces élections européennes sont pour elle un enjeu capital ».

On pourrait ajouter qu’effectivement, l’attitude de Giorgia Meloni et celle de Marine Le Pen vis-à-vis de l’après 9 juin sont, fatalement, très différentes : la première est chef de gouvernement quand la seconde est chef de file du principal parti d’opposition, en France comme en Europe.

La place qu’occupait Giorgia Meloni, il y a seulement 18 mois.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 28/03/2024 à 23:31.
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Marie d'Armagnac
Journaliste à BV, spécialiste de l'international, écrivain

Vos commentaires

49 commentaires

  1. Ridicule ! Pas sérieux. Le RN ferait mieux d’être clair sur l’Islam, sur la guerre en Ukraine. Et pourrait être plus « percutant » quand il pose des questions à Barthès.

  2. Un grand nombre de dirigeants se pose la question :qu’elle est l’Europe que l’on veut bâtir ? Ca fait plus de trente ans ( Traité de Maastricht) que l Union Eurorpéenne est officiellement créée, et où en est on actuellement ?

    • Jusqu’à présent, l’Europe détruit plus qu’elle ne construit, il faut êtte aveugle pour ne pas le voir.

    • Les réponses de Marion Maréchal et de RECONQUETE sont claires : Pas de fédéralisme, respect du principe de subsidiarité, restriction des pouvoirs de la Commission, rétablissement de la primauté du Droit National, arrêt des négociations de nouveaux accords de libre échange, refus de poursuivre l’entrée de nouveaux membres et notamment de l’Ukraine et de la Turquie, etc, etc, Tout cela est documenté et argumenté. Autour d’un principe : L’Europe est une civilisation dont les racines sont chrétiennes. Cette civilisation doit être défendue. Contre les attaques du monde islamique.

  3. Faire risette à Ursula est peut-être une bonne idée après tout. Comme maintenant il faut en principe voir le contraire de ce qui est présenté, je dirais qu’il vaut mieux Giorgia aux Commission plutôt que l’autre avec son sourire de nonnette….
    En Belgique, c’est oublié mais pas pour moi, un éminent socialiste a été nominé dans un conseil d’administration capitaliste et pour se justifier, il a dit qu’un homme de gauche a sa place dans un milieu capitaliste car il va surveiller ce qui s’y passe ou un propos similaire. Donc, allez, Giorgia, entre dans le bazar et mets y le feu !

    • Il ne s’agit pas de faire risette à GM. Giorgia Meloni n’a pas été suivie par la France et l’Espagne pour bloquer la Méditerranée aux migrants. Ella a, nolens volens, dû changer changer son fusil d’épaule et se servir de l’UE (malgré Borell) pour faire passer (et financer) des « accords de coopération » avec la Tunisie et l’Egypte dont l’Italie a pris l’initiative. Ces accords ont d’ores et déjà permis de réduire de 70% les passages de migrants via la Méditerranée. Le reste n’est que supputations politiciennes. Le vrai point de préoccupation c’est l’atlantisme de GM. Malgré cela elle est plus claire que Macron sur l’Ukraine et refuse tout net quelque intervention que ce soit. Pas sûr non plus qu’elle se serai abstenue sur un traité de coopération avec Zélensky ….

  4. Cet événement me fait penser que Madame Giorgia Meloni a bien du courage et sa capacité intellectuel nous laisse sans aucun doute penser aux difficultés de ce qu’elle a entrepris alors que Madame Le Pen sans échapper elle aussi n’y coupe pas non plus de l’extrême gauche le jour où elle sera au pouvoir. Madame Meloni est la Thésée qui vaincra le Minotaure Bruxellois et sans soucis s’en sortira grâce à la bobine du fil d’Ariane.

  5. Mme le Pen a raison de demander une clarification: Mme Meloni a un côté girouette (qu’elle admet dans l’extrait ici diffusé) qui est inquiétant. Qui fera que Reconquête se fera jouer dans une coalition de « Centre-Droit »: la droite toute douce, sorte de LR « pépère ».

  6. « J’attends de voir le résultat du vote des italiens pour dire qui fait quoi… » Du coup, pas de programme pour éclairer les choix des italiens? Elle ne veut donc pas d’un contrat avec ses électeurs, mais bien d’une carte blanche… Ôo

    • Elle n’aurait pas de programme selon vous ? Il faut vous renseigner et consulter le site des FI.

  7. Encore et encore de belles promesses mais quand on conduit il faut faire avec la circulation, et suivre les règles du pourquoi j*ai éte elu ?

  8. Marine Le Pen peut bien ramener sa science, elle n’a aucune responsabilité. Giorgia Meloni, elle, est aux responsabilités et œuvre avec succès. Salvini est sur la défensive. Son parti est au-dessous de 10 % et risque de se voir dépasser par Forza Italia. Il va essayer de sauver les meubles aux européennes, mais Giorgia Meloni peut déjà se passer de lui. Alors les leçons de Marine Le Pen, elle peut se les garder. Elle n’est plus contre l’Europe, elle fait la paix avec les musulmans, elle perd son âme.

    • « Elle n’est plus contre l’Europe, elle fait la paix avec les musulmans, elle perd son âme. » On ne fait pas la paix avec les Musulmans, on se soumet à eux. Question de civilisation.

  9. Ils ou elles devraient plutôt nous expliquer clairement ce qu’ils feraient d’ une victoire à ce scrutin , je n’ai toujours pas compris .

  10. Puisque Madame Meloni dit « la question est quelle est l’Europe que l’on veut bâtir ? », c’est donc qu’elle accepte l’existence d’une instance supranationale – donc antidémocratique par nature – à laquelle le peuple doit se soumettre. Voilà qui est clair. Aucun vrai démocrate ne peut soutenir l’existence d’une instance supranationale politique. Le peuple le droit sacré de décider seul, par lui-même, des lois de son pays.

    • L’Europe est une bonne chose, mais il faut en adapter les règles sur un domaine surtout, l’immigration. Chaque pays pris indépendamment ne peut lutter contre les grandes puissances.

    • Si l’Europe est un organe qui garantit la pérennité de notre culture de de notre histoire, et qui oblige par exemple les états membres à expulser les étrangers en situation irrégulière, à interdire la mise en concurrence déloyale de leurs agriculteurs avec les marchandises du reste du monde et à obéir à la volonté de leurs peuples, alors oui cette UE on doit voter pour. Sauf que l’organisme supranational actuel est aux mains des mondialistes qui veulent exactement tout l’inverse. Donc en gros soit on rappelle Napoléon Bonaparte pour diriger l’union européenne, soit on reprend le contrôle nous-même de notre pays.

  11. MLP donne l’impression de jouer au billard à trois bandes et de viser par sa remarque sa nièce et reconquête de Zemmour.

  12. On espère que Giorgia aidera à l’expulsion d’ Ursula. Certes cette dernière lui a fait quelques cadeaux depuis ces derniers mois. Mais maintenant qu’elle les a reçus…Et si pour remplacer Ursula on proposait Leggeri ?

  13. Je ne sait qui a raison, mais ce que je sais c’est que Von der Leyen est une catastrophe ambulante.

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